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EAN : 9782377359684
384 pages
Archipoche (10/11/2021)
3.75/5   4 notes
Résumé :
Dissuasion nucléaire, dissémination des armes atomiques, désarmement et non-prolifération... Cet ouvrage de synthèse présente les faits, les principaux acteurs, les textes fondateurs et les recherches historiques les plus récentes pour mettre en perspective l'histoire de l'armement nucléaire des origines à nos jours.
Comment les découvertes initiales dans le domaine de l'énergie atomique se sont-elles concrétisées des décennies plus tard par des armements d'u... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Jusqu'au chapitre 11, je trouvais le livre assez moyen, partiel et partial. Dans le sens où je ne trouvais pas vraiment ce que j'attendais trouver, une analyse critique du concept de dissuasion nucléaire au court de son histoire. Mais il était sérieux, basé sur les faits et sourcés. Au chapitre 11, la crédibilité de l'auteur a brutalement chuté à mes yeux lorsque que je lis « l'émergence d'une cancel culture ».


A partir de là, l'auteur revient assez régulièrement, jusqu'à l'acmé de sa conclusion, sur une critique inepte du principe de réfutation, du déconstructivisme, arguant d'approche « post-coloniale », sans jamais appuyer son argument sur des sources. Pour être honnête, sauf sur un cas dans une note de bas de page, concernant la crédibilité de la dissuasion nucléaire française dans les années 1960-1970 : mais sans exposer (dans le livre) les arguments et les contre-arguments.


Cette critique infondée est dans l'air du temps. Elle vise plus à décrédibiliser un examen critique qui n'agrée pas l'auteur que d'en débattre les arguments. Car le déconstructivisme permet des interprétations de l'histoire parfaitement pertinentes : voir par exemple ma critique sur le livre de Johann Chapoutot sur ‘la révolution culturelle nazi'.


Cette alerte m'a rendu plus attentif et à réfléchir sur le contenu réel de ce livre. Et voici ce que j'en conclue, en grossissant le trait, de propos très clair. Pour Dominique Mongin :
- la dissuasion nucléaire (DN) est un édifice pertinent et sécurisé, mais il ne faut pas laisser ses bienfaits entre toutes les mains,
- nous (le monde occidental) sommes les « gentils », car nous usons de la DN pour maintenir la paix,
- les autres sont des « méchants », car ils usent de la DN pour imposer leur volonté par la menace,
- d'autres encore, des factions terroristes, des dissidents internes, souvent soutenus par les précédant, usent de tous les moyens pour nous déstabiliser, voire décrédébiliser la DN.


Essayons de déconstruire ses quelques arguments.


En fait à aucun moment l'auteur ne justifie la pertinence de la DN. Mais le propos est implicite dans la description de la doctrine de l'usage d'emploi à la forme de DN d'arme de dernier emploi que l'on connaît. A aucun moment, il analyse ou fait apparaître dans son histoire les critiques qui ont été fait sur la non rationalité d'une doctrine que l'on présente comme la rationalité ultime, la garantis irréfutable de la paix. Parmi les multiples contre-arguments sur la logique de la DN, je vais critiquer sur l'argument de non-prolifération. Si la DN est la garantie ultime, pourquoi ne pas en faire profiter l'ensemble des nations ? Que chaque pays se munissent de l'arme nucléaire pour sa sécurité et la sécurité commune. Pourquoi en même temps promouvoir la non-prolifération : c'est un non sens.


La DN n'a absolument rien n'a voir avec la rationalité, mais avec une éthologie mal comprise. L'éthologie est la science des comportements des animaux. Dans le règne animal le rôle de la dissuasion est une pratique courante entre les espèces et au sein des espèces. Les animaux, comme les êtres humains, évaluent le risque d'être blessé avant de s'engager dans une confrontation. Cela relève du domaine de la perception : si l'adversaire semble plus grand, plus fort, plus agile, mieux armé, l'engagement du conflit peut-être suspendu, voire arrêté quand un combat engagé tourne mal. Si cette stratégie de préservation peut limiter une grande partie des confrontations, l'issue n'est pas systématique non plus. Dans certains cas, si l'animal est affamer, s'il sent sa progéniture menacer, la dissuasion ne fonctionne plus et la lutte à mort peut s'engager. La doctrine de « non prolifération » est parfaitement logique dans une approche éthologique : si l'adversaire ne dispose pas d'arme nucléaire la confrontation « usuel » (intimidation) et la confrontation « à mort » est moins risqué.


La DN n'est donc pas le summum de la rationalité (géopolitique), mais le dernier avatar d'une éthologie mal comprise.


Nos adversaires sont des « méchants ». Ils usent de la DN pour nous intimider et nous menacer. Je n'ai aucune sympathie pour les régimes autoritaires de Russie, de Chine et de Corée du Nord. Je profite parfaitement du libéralisme occidentale : je me préfère ici, plutôt que chez eux, car j'ai vécu et été éduqué ici. Cependant, nous ne sommes pas les parangons de vertus que nous voulons croire : nous avons asservis, exploités longtemps les pays qui souffraient d'une asymétrie technologique et organisationnel. Nous, les pays occidentaux, sommes la cause de nombreux maux globaux et de chaos géopolitiques dans l'histoire et au présent. Nous ne sommes pas des « gentils ». Nous avons user et nous usons de notre force, y compris la DN, pour imposer nos vues, nos visions et souvent nos désirs (religieux, culturels, consuméristes, etc.). La Corée du Nord se sent menacée. Elle pense, peut-être avec raison, que la possession de l'arme nucléaire la protégera. Son comportement est parfaitement logique d'un point de vue éthologique.


Pareil pour la Russie. La Russie a peur de nous depuis très longtemps. Sa population a été exploité a outrance par ces élites jusqu'à ce qu'elle se révolte en 1917 dans une guerre qui voyait ses sujets comme des munitions. Dès la fin de la première guerre mondial, le pays a été envahie par une coalition internationale, à laquelle les Etats-Unis ont participé, pour renverser (en vain) la révolution prolétarienne. L'invasion de l'Union soviétique au cours de la seconde guerre mondiale par les troupes nazi a tué autour de 10 % de la population en 4 ans. le Pacte de Varsovie s'est constitué en réponse à la constitution de l'OTAN et pas l'inverse. La crise « Able Archer » de 1983 est l'illustration de cette peur de l'invasion. Lors de la chute du communisme, au cours de la grande célébration de la fin de la guerre froide, le monde occidentale s'était engagé (à l'oral et par mémorandum) à la demande expresse de la Russie de ne pas étendre l'OTAN (qui a perduré alors que la menace avait disparu) dans les anciennes républiques soviétiques. C'est une question de sécurité pour elle, comme Cuba l'a été pour les Etats-Unis au cours de la crise éponyme. Les tensions actuelles en Ukraine sont la conséquence directe de cette promesse non tenue. Qui est alors l'agresseur d'un point de vue géopolitique ?


Enfin la Chine. C'est un cas un peu différent : c'est une question de vengeance et de retour à « monde normal » (de leur point de vue). La Chine a été dépecé, contrôlé et humilié par les pays occidentaux au cours du XIXème siècle. Les guerres de l'opium (dont le trophé a été Honk-kong) est un cas d'école et un souvenir cuisant : on lui a imposé de corrompre sa population par la consommation d'opium pour garantir les bénéfices de sociétés privées britanniques. La Chine s'est toujours vue comme le pays le plus ancien, le plus civilisé et le centre du monde : c'est d'ailleurs son vrai nom « l'empire du milieu » (中国 milieu + pays). L'aventure expansionniste et militariste très « occidental » du Japon au début du 20ème siècle n'est pas étrangère à ce qui arrivait à son grand voisin, quand la menace s'est imposé lorsque les « vaisseaux noires » américains ont posés leurs ultimatums. Mais je digresse (c'était pour le coté, nous ne sommes pas des gentils). La DN s'est d'abord pour se protéger de nouvelles ingérences, et peut-être pour retrouver désormais sa « vrai » place dans le monde.


L'auteur fait une étude intéressante sur la prise en compte de la DN dans le monde culturel (BD, roman, film). Mais là aussi de manière partiel et partial. Grand consommateur de ce genre de culture (j'ai grandi dans les années 1980, pendant la crise des euro-missiles), je connais assez bien les oeuvre présentés. Je constate que si les la menace des « méchants », des états voyous, des terroristes, des dissidents internes est largement abordé. Tous les aspects sur la pertinence et la sécurité de la DN n'est jamais abordé. le film « Point limite » (1964) un classique qui parle d'une guerre déclenché par une défaillance matériel n'est pas cité. L'énorme classique de « Wargame » (1983) est abordé que sous l'angle du piratage informatique, alors que c'est une charge contre le principe de la DN. L'auteur n'a retenu que l'aspect burlesque de « Dr Folamour » alors que c'est une analyse au vitriole de l'éthologie de la DN. Je crois que l'on a pas vue le même film en ce qui concerne « Steel Rain » (2017, Netflix) : pour l'auteur c'est la défense américaine qui sauve le Japon d'une attaque nucléaire, alors que (cette scène palpitante) montre comment la Corée du Nord déjoue une attaque préemptive américaine (exigé par la Corée du Sud). D'ailleurs le propos de ce (très bon) thriller milite pour une DN purement coréenne tout en permettant une réunification des deux Corées (c'est très fantasmé, mais traduit certainement un point de vue sud-coréen).


Un dernier point sur la sécurité de la DN. le livre donne l'impression qu'il n'y a pas (vraiment) de problème de sécurité. Certes il y a eu des incidents et des accidents dont l'auteur fait une liste. Cette liste n'est pas exhaustive comme il l'indique. Mais je pense que certaines auraient leur place comme l'incendie d'un ICBM au Texas (1980). L'auteur en fait souvent une présentation biaisée, dans le sens d'adoucir les problèmes de sécurité. Par exemple, lors de la fausse alerte soviétique de 1983, le fait que le colonel en charge a désobéi aux ordres pour éviter de commencer une guerre nucléaire n'est pas mentionné. Je crois qu'il y a eut d'autres exemples de désobéissance de ce type, notamment pendant la crise des missiles de Cuba. Un dernier exemple d'actualité est assez ironique et inquiétant : le chef d'état-major américain qui fait promettre à subordonné de désobéir aux ordres du président Trump si lui venait à l'idée de frapper la Chine, il a même prévenu son homologue chinois. En effet si la sécurité de la DN repose sur la désobéissance, ça la fout un peu mal. Un autre roman dont il n'a pas été fait mention « Trinity child » (1983), qui a même fait l'objet d'un bon téléfilm « By dawn's early light » (1990), met en scène le rôle de la désobéissance dans une guerre nucléaire en cours. Ces oeuvres parlent aussi de deux aspects qui n'ont pas été abordé dans le livre : la possibilité de dissuader quand la dissuasion est en train d'échouer (peut-on se retenir de riposter quand les bombes continuent à tomber à cause du chaos induit), et le secret tabou de la DN, la dévolution. On croit, à tort, que seul un chef d'État peux appuyer sur le bouton rouge, c'est faux. Surtout pour une capacité de seconde frappe, des commandants ont le pourvoir de lancer leurs missiles de leur propre initiative.


Peut-être que dans le meilleur des cas la DN fonctionne d'un point de vue rationnel ou éthologique. Mais, même si c'était vrai, nous ne seront jamais à l'abri d'une guerre par accident. le plus ironique, l'auteur l'indique sans le relevé, lorsque des bombardiers s'écrasent par accident avec des bombes nucléaires (c'est arrivé au moins deux fois), la solution la plus efficace a été de ne plus faire voler en permanence ou occasionnellement des armes nucléaires. Cloué au sol. La DN nucléaire cloué au sol. La meilleur sécurité de la DN est qu'il n'y ai pas de DN. Peut-être que si le missile qui a pris feu au Texas en 1980 avait détonné, on se serait dit à minima que ce n'est pas une bonne idée d'avoir une ogive dans la tête du missile si ce n'est pas nécessaire, voire que le jeu n'en vaut peut-être pas la chandelle.


Mais notre temps est à la prolifération, car le monde a peur de son avenir incertain. La guerre froide à mis dans la tête du Monde que la DN c'est la sécurité (hello Orwell !). Dans le chaos qui a suivi la guerre froide c'est une épidémie de suspicion et de colère qui la remplacé. Alors que nous aurions besoin de coopération, c'est l'armement de tous contre tous (hello Hobbes!) qui structure le monde, en attendant que « armement » devienne « guerre ».


De son coté, Pour Dominique Mongin, la plus grande menace c'est la « cancel culture » ; voire, il ne l'a pas dit (mais certainement pensée fort), le « wokisme ». Finalement, ce n'est pas le livre d'un historien mais d'un archiviste vieille mode avec une vision figé de la vision du monde au travers de ses archives.
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Terriblement d'actualité
Les événements que nous vivons m'ont fait penser qu'il pourrait y avoir des personnes intéressées par ce sujet, d'une actualité tragique. Je réactualise donc cette critique à cette lumière. Passionnant.
J'ai beaucoup apprécié cet ouvrage récent d'un très bon spécialiste français de l'histoire du nucléaire et de la dissuasion. On apprend énormément, le livre est très accessible, et très fiable. L'auteur est très clair et pédagogique sur ses sources. Je retiens en particulier ses pages sur la dissuasion élargie, sur les incidents nombreux entre 1950 et 189, sur le passage d'une arme d'emploi à une arme de dissuasion, sur le nucléaire dans l'art... le passage sur les incidents nucléaires est celui qui m'a le plus surpris, mais qui paraît aussi le plus problématique dans notre contexte.
Un livre qui fait réfléchir et qui est animé par une conviction citoyenne assumée. Un domaine dans lequel la naïveté doit être dans la mesure du possible écartée car nos adversaires potentiels ne le sont pas...
L'angle français résolument choisi se révèle très instructif. Un livre qui a paru en novembre dernier (2021) et qui montre que ces sujets que l'on croyait un peu oubliés parfois, du moins de le grand public, l'étaient à tort.
Mais bon, je suis conscient que cela ne va pas être de nature à égayer un week-end...
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Vidéo de Dominique Mongin
Dominique Mongin présente le livre "Les 50 discours qui ont marqué la 2e Guerre mondiale", dont il a réalisé la présentation et la mise en perspective historique. Il explique en quoi le discours est un acte politique et montre que les prémices de la 2e Guerre mondiale remontent à 1935. Plus d'infos sur cet ouvrage : http://www.andreversailleediteur.com/?livreid=768
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