Alors pour commencer je râle : on dit merci au résumé français qui nous pourrit toute l'intrigue, oui toute.
Morpurgo instille du mystère, ne dit pas tout, et même si le lecteur adulte devine assez vite les tenants et aboutissants de l'intrigue j'aurais apprécié tenir le suspense un poil plus longtemps.
Autrement ce livre a remporté un prix Sorcières en 2016 et il le mérite largement, car j'ai tout à fait fini mes récriminations. Place aux compliments !
Morpurgo c'est un peu mon
Jaworski jeunesse : c'est toujours tellement proche de la perfection que j'en perds mes mots, non seulement c'est un de mes auteurs préférés mais objectivement je continue à presque 30 ans à trouver ses livres d'une richesse et d'une finesse incroyables, qui valent je trouve pas mal de romans adultes. Et je comprends pourquoi le nom de
Diane Ménard, la traductrice, m'évoquait quelque chose : c'est apparemment la traductrice officielle de
Morpurgo depuis des années, donc je profite également de sa plume assez régulièrement (j'ai lu pas mal de
Morpurgo en français), et elle se débrouille très bien.
Jusque là ça vous fait déjà deux bons points pour vous convaincre de vous jeter sur ce bouquin. Ensuite je sors mon gros argument : ça parle d'un PAQUEBOT. Et les paquebots, c'est vachement
cool, tout le monde sait ça. 🙂
J'ai beaucoup aimé cette immersion dans l'Angleterre rurale des années 1910 – la petite communauté, plutôt sympathique, qui est en même temps soudée et pleine de préjugés, la pêche, l'école, la peur de l'ennemi même si on ne le voit pas car on est officiellement en guerre… La petite Lucy se retrouve parachutée là-dedans, rescapée d'abord et victime ensuite, sans pouvoir se défendre car elle a perdu la mémoire et ne sait même plus qui elle est. Les réactions négatives et agressives des gens autour d'elle sont rendus avec finesse et réalisme tout autant que les positives.
En fait, et contrairement à ce qu'annonce la 4e de couv, les villageois prennent soin de Lucy pendant une bonne partie du livre ; les soupçons concernant son origine n'arrivent que par la suite. En parallèle on suit l'histoire d'une fillette qu'on devine très vite être Lucy – ou plutôt Merry, qui habite New York avec sa famille et ses amis.
Je disais en préambule que je regrettais que l'éditeur français nous dévoile toutes les intrigues du livre en cinq lignes ; néanmoins je pense qu'honnêtement j'aurais deviné beaucoup de choses assez vite même dans la version anglaise car
Morpurgo nous donne beaucoup de détails et d'indices assez rapidement même si l'histoire n'est pas « révélée » explicitement. Seul, peut-être, le mystère « Lucy » aurait tenu quelques dizaines de pages.
Le lecteur appréciera aussi les quelques pages d'annexes en fin d'ouvrage qui donnent de précieuses informations sur la guerre dans l'Atlantique entre 1939 et 1945, le Lusitania et les U-Boote ainsi que les îles Scilly.
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