Grâce à "La vie d'
Anne Frank" de
Melissa Müller, je découvre cette dernière sous une autre perspective, puisqu'il ne s'agit pas essentiellement des 25 mois qu'elle a vécus cachés à l'Annexe et durant lesquels elle a entretenu son Journal. Si je connaissais son enfance d'avant la vie en clandestinité et les événements d'après l'arrestation, j'en ai ici appris beaucoup plus.
Melissa Müller revient effectivement longuement sur ces deux périodes, n'octroyant qu'un seul chapitre au Journal et à la vie à l'Annexe (de près de 70 pages tout de même).
De sa naissance à sa mort,
Melissa Müller décortique les événements qu'Anne a vécus durant ses quinze années de vie. Elle nous parle également de son histoire familiale, côté paternel comme maternel, du mariage de ses parents et de leurs ambitions, personnelles comme professionnelles. Elle revient également sur les événements qui se sont passés après l'arrestation du 04 août 1944, étape par étape.
Et c'est là qu'on se rend compte du travail de recherche et de documentation conséquent effectué, tant sur le contexte historique, économique ou politique en Allemagne qu'aux Pays-Bas. Ainsi, nous sont expliqués de manière étayée la montée d'Hitler et du NSDAP au pouvoir, la situation économique de l'Allemagne et celle des Frank/Höllander, leur exil et celui des nombreux autres juifs, leur intégration à Amsterdam, la progression de la guerre et l'occupation allemande, la manipulation des Nazis, les mesures anti-juives, les premières convocations et déportations, et la décision des Frank de se cacher quelques semaines, voire quelques mois tout au plus, le temps pour l'Allemagne de perdre la guerre qui ne saurait durer guère plus longtemps de l'avis général... Elle n'oublie pas pour autant de nous parler d'Anne, de sa personnalité, son école, ses amis, ses centres d'intérêt, sa famille.
Après être revenu sur la vie en clandestinité durant un long chapitre,
Melissa Müller aborde ensuite l'arrestation des huit cachés et de deux aidants, puis les différentes épreuves qui ont suivi. Là encore, on perçoit un travail minutieux de sa part puisqu'elle a su relater dans le détail aussi bien le parcours de chacun que les conditions de vie des prisonniers, que ce soit dans les camps de transition comme Westerbork, de concentration et d'extermination comme Auschwitz et Bergen-Belsen, les voyages dans les trains de marchandises, les "sélections", les privations et maladies, les coups, les marches de la mort, etc. Puis la libération des camps, la capitulation de l'Allemagne, le retour d'Otto Frank à Amsterdam toujours sans nouvelles de ses filles, gardant espoir de les retrouver bientôt. Et bien évidemment la récupération du Journal d'Anne après confirmation de son décès, sa décision de le publier après avoir longtemps hésité, sa reconstruction et son second mariage.
Même en connaissant le dénouement de cette histoire tragique, j'ai eu de nombreuses fois une boule dans la gorge et les larmes aux yeux. Tout est si bien dépeint et développé qu'on ne peut faire autrement.
En guise d'épilogue,
Melissa Müller énumère les différentes personnes qui ont influencé ou qui sont tout simplement entrées dans la vie des Frank (famille, amis, aidants, employés, mais aussi politiques ou nazis) avec un court résumé biographique pour chacun.
Petit plus également pour la chronologie en fin d'ouvrage mettant en parallèle l'histoire des Frank avec les événements historiques, de 1869 à 1945. Un autre petit plus pour les photos insérées en milieu d'ouvrage, dont certaines que je n'avais encore jamais vues.
En revanche, il y a une erreur. À deux reprises, il est mentionné que Jaqueline van Maarsen, meilleure amie d'Anne, est l'instigatrice de "Mon amie
Anne Frank". Pour l'avoir lu il n'y a pas si longtemps et pour avoir vérifié également (ça m'a fichu le doute), je précise que "Mon amie
Anne Frank" a été écrit par
Alison Leslie Gold, qui relate la biographie de Hanneli Goslar, une autre des amies d'enfance d'
Anne Frank. Jaqueline a, quant à elle, écrit "Je m'appelle Anne, dit-elle,
Anne Frank : Souvenirs de Jopie". Je pense que l'erreur vient de la traduction plutôt que de
Melissa Müller elle-même, le titre "Anne en Jopie" de la version originale étant précisé.
Mais ça n'enlève rien au fait que
Melissa Müller nous offre ici une reconstitution poignante, bouleversante, terrible, ignoble.