Tout ce qu'elle pouvait ambitionner de gloire, en dehors de la puissance politique, il est certain que l'Italie l'avait alors : ses généraux et ses amiraux gagnaient des batailles pour le compte de l'empereur, du roi de France, du roi d'Espagne; ses ingénieurs militaires l'emportaient sur tous dans l'art de fortifier les villes ou dans celui de les prendre, et ses ingénieurs civils dans celui d'établir des voies de communication; ses médecins étaient appelés en consultation jusqu'en Ecosse ou jusqu'en Turquie; ses savants enseignaient dans les principales universités de la France, de l'Allemagne, de l'Angleterre. Et quelle armée de littérateurs et d'artistes italiens dans toutes les cours étrangères, architectes, peintres, sculpteurs, orfèvres, médailleurs, chanteurs, comédiens! Le spectacle est le même que celui que nous offre la Grèce antique : l'Europe entière, tributaire de la nation vaincue, qui prend sa revanche dans l'exploitation des choses de l'esprit.
Leur manière a quelque chose de large, de simple, qu'on ne retrouve pas toujours ailleurs. Leur intention n'est pas de faire briller leur esprit, mais de montrer clairement les qualités ou les défauts de l'artiste dont ils écrivent la vie. Ils ne définissent point le peintre par le poëte ou le poëte par le peintre, habitude déplorable qui ne permet d'apprendre qu'à ceux qui savent déjà. En un mot, la critique anglaise, quelquefois un peu dépourvue d'imagination, est presque toujours empreinte d'un rare bon sens; souvent érudite, elle méprise le clinquant et entre dans des détails pratiques et techniques fort utiles.
Parce'qu'un peuple, grâce à la pente naturelle de son génie, favorisé par les circonstances, aidé par la beauté de son ciel, a su avant les autres peuples aimer et pratiquer les arts, il ne s'ensuit pas que d'autres peuples moins bien doués sous ce rapport par la nature, mais ayant su à force de travail et d'efforts conquérir le goût qui leur avait été refusé, doivent manquer de crédit dans les questions qui intéressent les arts.