Amélie Nothomb n'est pas ma littérature de chevet. Il a fallu qu'on me prêtât celui-ci en en vantant les grands mérites pour que je m'y misse, que je m'immisce dans cette histoire, comme dirait un certain, pour le moins abracadabrantesque. Car l'auteure ne manque pas d'imagination, c'est même ce qui fait sa force.
Qui plus est, le roman est assez original dans sa facture puisqu'il s'agit essentiellement d'un dialogue entre un écrivain au seuil de la mort, enlaidi et grossi par la vie, ténébreux, farouchement solitaire et reclus, et les journalistes qui guettent le scoop. Car le bonhomme n'est pas n'importe qui : il est prix Nobel et mondialement célèbre. Ces seuls plaisirs sont la nourriture - il est énorme, glabre et chauve- et les cigares. Il y a quelque chose de
Churchill dans ce portrait qui m'apparaît soudainement : prix Nobel, forte corpulence, cynisme de bon aloi et cigares comme antidépresseurs.
Les deux premières parties, assez jubilatoires, où trois journalistes hommes se succèdent et se font littéralement démonter, augurent du reste qui va crescendo, puis redescend légèrement dans le pathos sans trop s'y enfoncer. L'écrivain est une énigme sous couvert d'un homme qui méprise tous les autres, Alceste en puissance qui voue toutes les femmes aux gémonies.
« Je hais les femmes encore plus que les hommes. […]
D'abord parce qu'elles sont laides : avez-vous déjà vu plus laid qu'une femme ? […]
Et puis, je hais les femmes comme je hais toutes les victimes. »
Enfin, la dernière partie est un dialogue avec une journaliste. La mise en place n'est pas facile mais celle-ci- et c'est quand même un peu attendu- réussit à déceler les failles du bonhomme en lui dévoilant son passé car la bougresse connaît son sujet et, comme il finit lui-même par le reconnaître : elle a lu ses livres.
Car, il s'agit ici surtout de parler de littérature et de sa place dans le monde. Pour Prétextat Tach (le nom de l'écrivain fictif de ce roman), les gens ne le lisent pas ou ils découvriraient ses secrets s'ils savaient seulement lire comme il le faut. de plus, on réapprend que toute littérature a trait à l'enfance, aux rêves avortés avec la puberté qui, selon Prétextat Tach enlaidit toute chose et abolit toute capacité de rêve. le dernier passage de l'enfance de Prétextat, la journaliste Nina le dit aussi avec un certain recul, procède un peu du kitsch romantique, wagnérien et moyenâgeux. Mais Prétextat, à deux mois de mourir laisse –volontairement, dit-il – un roman inachevé. Il appartiendra à Nina de reconstituer le puzzle. La fin du roman est assez intéressante. Il est vrai que les auteurs en général ont souvent du mal à conclure.
Un roman qui se lit vite et bien avec des personnages peu communs et une histoire bien imaginée quoique parfois un peu attendue. Mais un bon roman de détente avant de reprendre « plus sérieux » et aussi plus long.