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EAN : 9782070272495
280 pages
Gallimard (10/09/1969)
4.19/5   13 notes
Résumé :
Ce recueil de neuf nouvelles est le dernier livre qu'ait écrit Flannery O'Connor. Dans le présent volume on découvre les mêmes qualités exceptionnelles que dans ses œuvres précédentes, une observation aiguë des milieux et des hommes, les mêmes coups de sonde, plus audacieux peut-être, dans le cœur et le cerveau d'une humanité médiocre ou sordide, bête et cruelle, que hantent les besoins élémentaires, l'obsession de la mort et la peur de l'enfer.
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
J'avais été très positivement impressionnée par le recueil de nouvelles, Les braves Gens ne courent pas les rues, et c'est avec une certaine ferveur que je me suis engagée dans la découverte de celui-ci.

À beaucoup d'égards, la technique, la vigueur et le rythme de la narration en sont à peu près les mêmes, et, peut-être même, plus aboutis encore que dans le recueil précédent. Toutefois, mon plaisir de lecture y a été beaucoup, beaucoup, beaucoup moins fort, et ce pour une raison essentielle : le propos religieux y est beaucoup, beaucoup, beaucoup plus présent et, en ce qui me concerne, cela me fatigue ou m'agace, voire les deux à la fois.

Dans Les braves Gens ne courent pas les rues, bien sûr, certaines nouvelles pouvaient s'y interpréter avec une lecture " religieuse " mais, et c'était là tout leur intérêt d'après moi, cette lecture n'était pas obligatoire et semblait laissée à la juste appréciation du lecteur. Ici, point de tout cela : vous n'échapperez pas à la phase interprétative, manière de prêche ou de sermon au service d'une pensée, laquelle pensée ne m'apparaît pas aller si loin que ça.

A priori, c'est très dommage car ça m'a presque à chaque fois gâché le plaisir qu'avait suscité le début des nouvelles. Elle est toujours aussi forte, Flannery O'Connor, pour dépeindre des personnages, les faire vivre, les faire vibrer sous nos yeux, en quelques phrases, leur donner tout le pesant, toute l'épaisseur d'une vie en quelques paragraphes. Mais finalement pour quoi ? Pour nous assommer à la fin d'un sermon — ou d'une parabole, ce qui est tout comme. Et là, ma liberté de lectrice s'insurge : j'aime à rester libre de mes interprétations ; j'aime quand un(e) auteur(e) ne me contraint pas, ouvre ou, du moins, laisse libre accès à plusieurs portes de sortie interprétatives.

Voilà pourquoi j'aime moins ce recueil : religion, religion, religion et encore de la religion, alors qu'elle avait su amener bien d'autres thématiques, les relations inter-ethniques dans les états du sud des États-Unis, les relations de subordination familiale, la maladie, la charité, etc.

Il est à noter toutefois que le recueil est d'une remarquable homogénéité (ce qui n'était pas le cas des braves Gens ne courent pas les rues), les nouvelles sont toutes d'une tenue, d'une qualité, d'une intensité comparables, recelant une charge similaire de sujets abordés.

Le dénominateur commun à tout cela est le mal, d'abord, et surtout le mal tapi dans le bien apparent. Presque toujours il y est question de personnages qui veulent se donner bonne conscience (la mère dans Tout ce qui monte, la propriétaire dans Greenleaf, le grand-père dans Vue sur les bois, la mère encore dans Mon mal vient du plus loin et dans le Confort du foyer, le père dans Les Boiteux entreront les premiers, la brave pécore dans Révélation, Parker dans le Dos de Parker et enfin tant le père que la fille dans le Jour du jugement).

Invariablement, le message de Flannery O'Connor est que tout le mal que vous vous donnerez pour faire le " bien " ou l'apparemment bien ne fera que se retourner contre vous, que vous ne ferez que vous ridiculiser et qu'exprimer, dans le fond, votre incroyable vanité à prétendre faire le bien autour de vous. Il y aura bien entendu votre lot de condescendance ordinaire vis-à-vis de la (ou des) personne(s) aidée(s). Bref, tous vos efforts ne vous conduiront, selon l'auteure, qu'à faire de vous une personne puante d'un point de vue authentiquement moral.

Bon, personnellement, je lui laisse cette interprétation et n'en pense rien de particulier. Toutes les questions relatives à la foi, au bien et au mal en général me laissent totalement indifférente. Ce que j'aime en littérature, c'est de voir évoluer des personnages, c'est qu'au travers d'eux un(e) auteur(e) me révèle l'expérience de la vie qu'il ou elle a lui-même accumulée dans son regard. Or, ici, j'ai peine à croire que Flannery O'Connor puisse n'avoir qu'une vision si univoque, finalement, si étriquée, elle qui a pourtant des qualités d'observation exceptionnelles.

Voilà, le problème est là, selon moi, dès lors qu'un(e) auteur(e) se met en peine de vouloir m'édifier, d'une part cela ne m'édifie pas du tout et d'autre part, cela appauvrit, cela me gâche le plaisir que j'aurais eu à découvrir son oeuvre. Ce fut déjà le cas, par exemple, d'un Samuel Richardson dans Clarissa. Une base, un matériau, une maîtrise stylistique et littéraire sensationnels mais une impression finale sabotée par cette sale manie de vouloir m'obliger à en penser ce que lui veut que j'en pense alors que j'aurais été si heureuse de pouvoir effectuer mes propres choix dans l'interprétation.

Il me reste à dire deux mots du travail du traducteur, l'inégalable, le génial Maurice-Edgar Coindreau, le découvreur, le passeur, l'Hermès messager auprès du public francophone de toute cette littérature du sud des États-Unis, les Faulkner, Steinbeck, Hemingway, Caldwell, McCullers et j'en passe. C'était un très fin lettré, un admirable manieur de mots, qui sut parfois trouver des miracles de formule, comme ici, dans ce titre, si différent de l'original, Everything that rises must converge, qu'on pourrait maladroitement traduire en français par " Tout ce qui monte doit converger ". Non, ici, il est allé cherché un vers de Racine, à l'acte I, scène 3, lorsque Phèdre confie à Oenone : « Mon mal vient de plus loin ». Quel brio, M. Coindreau, exactement comme pour ce « Et » magique que vous avez su ajouter au titre d'un autre ouvrage de l'auteure, ET ce sont les violents qui l'emportent, pour rendre The Violent bear it away. Un « Et » qui donne toute sa force au titre francophone. Chapeau bas.

Pour conclure, ici, selon moi, des qualités d'écriture suffisamment rares pour être signalées, mais ce quelque chose de déplaisant, de fondamentalement religieux et collant comme un truc malodorant sous une chaussure, qui vous incommode et vous met mal à l'aise. Toutefois, le dernier mot, souvenez-vous qu'il vous appartient toujours, car le mieux, c'est encore, je crois, de vous en faire votre propre opinion, par vous-même, si le coeur vous en dit, car ceci n'est que mon avis, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Un jour - il avait cinq ans alors, et Mary George treize - sa sœur l'avait entraîné, en lui promettant un présent dont elle taisait le nom, dans une vaste tente pleine de gens ; elle l'avait tiré de force, à reculons, vers l'estrade où se tenait, debout, un homme en complet bleu et cravate blanche. "Monsieur, avait-elle dit d'une voix retentissante, je suis déjà sauvée : sauvez donc celui-là aussi. C'est un petit salaud et un m'as-tu vu." Il avait échappé à la poigne de sa sœur, détalé comme un roquet et gagné la sortie. Plus tard il lui avait demandé le cadeau promis, et Mary George lui avait dit : "Si tu avais attendu, tu aurais reçu le Salut ; puisque tu t'es conduit comme un âne, bernique ton Salut!"
(Mon mal vient de plus loin)
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La fille ferma son livre avec un claquement sec. Son regard transperça Mrs Turpin, puis le rideau jaune derrière elle et la devanture en verre dépoli qui donnait sur la rue. Ses yeux s'emplirent soudain d'une lumière étrange, aussi peu naturelle que celle projetée par les feux verts ou rouges de la circulation nocturne. Mrs Turpin tourna la tête pour voir s'il se passait quelque chose dans la rue, mais ne vit rien. Les silhouettes des passants allaient et venaient, réduites, par l'écran du rideau, à l'état de spectres. Il n'y avait aucune raison pour que cette fille la choisit comme cible à son regard mauvais.
(La Révélation)
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Chaque jour elle découpait dans le journal tous les récits malsains - viols, enfants brûlés vifs, déraillements, catastrophes aériennes et divorces de stars. Elle se rendait dans les bois, creusait un trou, y enterrait les coupures de journal, puis se couchait dessus et marmonnait et gémissait pendant une heure peut-être, en implorant le Ciel de ses énormes bras, en les enfouissant sous elle pour les brandir encore ; finalement elle restait à plat ventre, dans une immobilité si totale que Mrs May la soupçonnait de s'endormir dans cette posture.
(Greenleaf)
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Le seul problème qui subsistât maintenant était de savoir s'il aurait le courage de supporter ces lieux jusqu'à sa dernière heure. Il aurait pu hâter sa fin mais le suicide n'eût pas été une victoire. La mort venait à lui par les voies régulières, comme une justification, comme un don de la vie. C'était là son suprême triomphe.

MON MAL VIENT DE PLUS LOIN.
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Quand les gens se croient intelligents — et même quand ils le sont —, il est inutile d'essayer de leur faire voir les choses telles qu'elles sont.

MON MAL VIENT DE PLUS LOIN.
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