« Toutes les femmes sont folles sauf ma bonne qui fait des tartes aux pommes » chantonnait-on dans les rues de Paris au XIXe, c'est dire combien la femme était perçue comme prédisposée à la folie. D'ailleurs l'étymologie même d'hystérie est en lien direct avec l'utérus. Cependant ce n'est pas à Paris mais à New York que nous emmènent Virginie Ollanier et
Carole Maurel, dans une histoire vraie sur les traces de l'intrépide
Nellie Bly qui passa dix jours incognito dans l'asile psychiatrique de Blackwell, et écrivit « Dix jours dans un asile » dans le but de dénoncer les mauvais traitements et les internements abusifs. La nouvelle collection Karma de Glénat a décidé de mettre en avant des destins remarquables oubliés.
En cette année 1887, Nellie se heurte à un monde d'hommes qui la freinent dans son ascension sociale, ne lui laissant aucune chance de percer dans le monde du journalisme d'investigation. Pourtant elle se bat, frappe à toutes les portes, mais aucun rédacteur en chef ne l'embauche car elle est une femme et son enthousiasme est en train de fondre, quand le World lui offre ce qui sera le premier gros coup de sa carrière : se faire interner à l'asile de Blackwell pour dire la vérité de ce qui s'y passe. Elle parvient à s'y faire interner sans difficulté et ce qu'elle y découvre fait froid dans le dos. Les traitements sont cruels, sadiques même, ces femmes sont déposées là par des maris et des fils qui s'en débarrassent, fragiles, perdues, enfermées dans un autre univers. « Eh oui ! Vous êtes bien chez les folles ! Les hystériques ! Les colériques ! Les mélancoliques ! Les agitatrices. Les épuisées. Les audacieuses. Les tristes. Les exclues de la société, les rebelles. Toutes les femmes qui n'en peuvent plus ! »
Cette BD joue sur le fantastique en donnant corps à la folie qui suinte à travers les murs de l'asile. Monstres, spectres verdâtres, tentacules incarnent les hallucinations et angoisses des femmes internées, projetant également la violence que la société leur fait subir.. Graphiquement c'est un biopic aux couleurs de l'épouvante, dans une atmosphère sombre où le lie de vin, le glauque et l'anthracite se fondent pour exprimer les émotions de chacune. le trait est assuré, comme Nellie qui offre un regard dessillé, souvent frontal, en gros plan, comme s'adressant au lecteur pour lui montrer l'innommable.
C'est une oeuvre graphique aboutie, réfléchie, qu'on ne lâche pas, une histoire vraie qui nous parle derrière ces portraits de femmes et celui de
Nellie Bly de la folie... des hommes.
📚 Chronique et mise en scène photographique à retrouver sur mon Instagram @harper.a.lu.chat 📚