AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Olivier Supiot (Illustrateur)
EAN : 9782723435673
56 pages
Grenoble (16/05/2002)
3.6/5   10 notes
Résumé :
Le capitaine se demande, qui de lui ou du bateau, est le maître après Dieu. L'imposante masse de rouille le dirige, le déforme, donnant à sa carcasse une inquiétante torsion. Mais, comment pourrait-il commander ce vaisseau alors qu'il ne contrôle même plus son équipage ? Des matelots fantômes, morts depuis trop longtemps, se rient de sa piètre autorité, préférant se maintenir dans une éternelle oisiveté.

Pas étonnant alors que dans un tel état d'aband... >Voir plus
Que lire après Le dérisoireVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Persistance rétinienne. Persistance émotionnelle. Je suis poursuivi par une carcasse immobile, un cargo dérisoire au squelette gangréné par la rouille. de ses entrailles lugubres a surgi un curieux Quasimodo, abandonné. Marinier-chef de rien, maugréant sans fin contre les spectres de matelots insubordonnés et railleurs, il s'agace de cette citadelle inachevée, éternellement encalminée. Longtemps, elle lui a tenu chaud. Maintenant, elle l'étouffe. Prisonnier à bout de souffle, la mémoire brumeuse, engloutie dans les regrets, il fait le constat détestable du naufrage de sa vie et m'invite à bord d'une sombre parabole.

Mais je n'aime pas les cauchemars (personne n'aime les cauchemars)... enfin, jusqu'à présent. Ligoté dans une plénitude contemplative, subjugué par sa mélancolie aux mille feux, je plonge sans cesse dans mon nouveau musée de la tristesse. Chacune de ses cases dénude un tableau, une dissertation que je ne me lasse pas de décortiquer. Olivier Supiot est un poète, un thaumaturge de la lumière. Son pinceau saisit, éclabousse. Chaud, éthéré, lubrique, sensible, glacial, désespéré, emporté ou morbide : le geste d'un peintre alchimiste qui magnifie tout, des vapeurs colorées au plus lourd des plombs. Spirales tonales, palpitations mélodiques, ses couleurs sont un pouls qui orchestre l'émotion. Au-delà de sa traduction narrative, chaque composition picturale libère une dominante chromatique source de sensations précises et intenses : suffoquer par l'ocre sale et si pénétrant de la rouille ; craindre le vide claustrophobe du noir, le blanc fantomatique des limbes d'un esprit résigné ; respirer le vert, se vivifier à l'or solaire de pastorales idylliques ; mimer l'apnée dans les profondeurs d'un bleu aquatique et ses baignades romantiques voluptueuses ; prendre le rouge aux joues d'un apprenti voyeur soudain nourri aux figurations grotesques de la luxure et ses plaisirs dépravés ; savourer l'andante d'un orangé crépusculaire, saudade obsédante. Ce ballet de dioramas expressionnistes étourdit, dérègle les sens. J'entends les images et je regarde une musique. La partition est lancinante et dans cet arpège symbiotique de la peinture et du verbe, Éric Omond joue, lui aussi, des notes étincelantes.

Les tourments existentiels de son animal métaphysique sont travestis au coeur d'une allégorie subtile et émouvante. Une vision tragico-satirique qui, explosant dans la collision du fantastique et du rêve, prend le temps de suggérer. Marchant dans l'ombre des démons de son loup de mer, de ses vaines rouspétances intérieures, glissant sur des vagues à l'âme peinant à rider l'océan croupissant de son désespoir, elle expose l'insidieuse abdication d'un homme. Un fatalisme ébranlé par la troublante, la délicieuse Constance Imbroglio. Apparition sensuelle, oasis de frivolité dans une existence aride, la jeune femme pointe de nouveaux caps, ouvre des horizons inconnus et mon capitaine, émoussant ses interdits, inhibant ses certitudes, découvre une perspective à son destin. Mais, derrière le cache-blessure onirique, le trop vieux marin n'a pas abdiqué sa personnalité, les peurs ne sont pas toutes passées par-dessus le bord. Constance s'exaspère. Les répliques claquent, comme autant de morsures, de rappels à l'ordre de la réalité. Constance a donné, Constance reprend.

Pauvre hère ! Perdu à la lisière des espérances et de la folie, tu n'as plus que le souvenir de ces pulsions de vie pour constater la vacuité de ton être et, enfin, tu trouves la force de stopper le supplice. Au bout du Parcours expiatoire, la liberté. Et pendant que tu redeviens le capitaine de ton âme, ô pacha saturnien, chante-moi encore et encore ton flamboyant requiem !

Comme à mon habitude, j'ai cédé devant l'enthousiasme. Obsédé textuel exalté, je me suis emporté avec emphase. Mais cela ne pouvait être autrement. Cette oeuvre est un puits insondable de poésie, une source que l'on ne craindra pas de tarir par d'innombrables lectures passionnées. Pour ne rien gâcher, l'édition est superbe : dos toilé, plats au toucher satiné et un format dont les grandes pages carrées mettent en relief la qualité du travail des auteurs. Alors, embarquez en toute confiance et faites de très beaux cauchemars !
Commenter  J’apprécie          20
Un capitaine, seul avec des fantômes sur un bateau (paquebot) qui n'a jamais appareillé se désole de tant de délabrement. Il découvre soudain une petite part du navire qui semble achevée... et des passagers tout droit sortis d'une autre époque luxueuse. Ils vont le mener à la magicienne Constance à l'origine de tout ce bouleversement.


Lien : http://toutzazimuth.eklablog..
Commenter  J’apprécie          10

Citations et extraits (1) Ajouter une citation
je suis capitaine, mais capitaine de quoi, et surtout de qui? C'est la question à ne pas poser... J'ai fait tout ce qu'il était en mon pouvoir pour finir moins que rien, j'ai laissé mon navire être le maître... après Dieu. Il s'impose à moi de tout le poids de sa monstrueuse masse. Métal si lourd! Ogre de milliers de tonnes qui me dévore, pesant sur mes épaules de son arrogante supériorité. Il me plie, fait craquer mes os... donnant à ma carcasse une inquiétante torsion. Il souffre mon bateau... et il veut que j'en profite.
Commenter  J’apprécie          40

autres livres classés : roman graphiqueVoir plus
Les plus populaires : Bande dessinée Voir plus


Lecteurs (19) Voir plus



Quiz Voir plus

Les personnages de Tintin

Je suis un physicien tête-en-l'air et un peu dur d'oreille. J'apparais pour la première fois dans "Le Trésor de Rackham le Rouge". Mon personnage est inspiré d'Auguste Piccard (un physicien suisse concepteur du bathyscaphe) à qui je ressemble physiquement, mais j'ai fait mieux que mon modèle : je suis à l'origine d'un ambitieux programme d'exploration lunaire.

Tintin
Milou
Le Capitaine Haddock
Le Professeur Tournesol
Dupond et Dupont
Le Général Alcazar
L'émir Ben Kalish Ezab
La Castafiore
Oliveira da Figueira
Séraphin Lampion
Le docteur Müller
Nestor
Rastapopoulos
Le colonel Sponsz
Tchang

15 questions
5244 lecteurs ont répondu
Thèmes : bd franco-belge , bande dessinée , bd jeunesse , bd belge , bande dessinée aventure , aventure jeunesse , tintinophile , ligne claire , personnages , Personnages fictifsCréer un quiz sur ce livre

{* *}