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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Albert Camus, récompensé par le prix Nobel en 1957, est plus étudié sur les bancs des classes littéraires que pour la dimension philosophique de son oeuvre. Et pourtant, Camus est un philosophe : c'est la thèse que défend Michel Onfray dans cet ouvrage.
Tout commence par l'enfance algérienne dans un milieu très démuni, tant sur le plan matériel que culturel et dont il émerge pour une vie de réflexion permanente grâce à son instituteur, Louis Germain, substitut d'un père pour ce pupille de la nation. Camus étudiant, suivra un temps les traces de son professeur de philosophie pour à terme n'en retenir que le meilleur et oublier le pire. Il ne sera pas aussi indulgent pour ceux qui l'ont brièvement adulé pour mieux le rejeter, c'est à dire l'élite auto-proclamée germano-pratine des années 60, avec en figures de proue Sartre et Beauvoir : nés avec une «cuiller d'argent conceptuelle dans la bouche", il leur est facile de toiser l'émigré pied noir né d'une mère muette et illettrée; Michel Onfray se charge de redresser les torts en rétablissant selon des sources publiées et donc vérifiables l'opportunisme très contestable de ces intellectuels qui se gargarisent de joutes verbales dont le jargon si possible inaccessibles au commun des mortels, les isole et confine leurs échanges au philosophiquement correct (universitaire, diplômé, reconnu). A la différence de ces derniers, Camus à la manière d'un Diogène ou d'un Démocrite, vit sa philosophie, autant qu'il la pense, avec un détermination sans faille. C'est un phénoménologue pragmatique, puisant ses sources d'inspiration dans ce qu'il a vécu, observé et analysé. Il se rapproche en cela de la philosophie nietzschéenne, qu'il a attentivement étudiée (Une exemplaire du «Gai savoir» a été retrouvé dans la voiture accidentée où il avait pris place pour son dernier voyage. Une partie importante de l'ouvrage est consacré à la guerre : Algérie, seconde guerre mondiale. Pour en condamner l'inhumanité, les actions indignes «un homme, ça s'empêche» disait son père. A noter la violence des photographies insérées au centre du livre.
Inscrit pour une courte période au PC, Camus s'en détache rapidement car il n'adhère pas au mode fonctionnement du parti, et surtout à la politique de camps des soviétiques. C'est en fait l'anarchie, dans son acception primitive et dont l'idéal (selon la Fédération anarchiste) consiste à réaliser «une société libre, sans classes ni Etats, sans patrie ni frontières», que le philosophe prône, en «pragmatique soucieux de lier l'idéal et la réalité».

C'est donc le portrait finement analysé d'un homme qui a «sévèrement dénoncé la misère du peuple kabyle alors que les intellectuels européens ignoraient pour la plupart qu'il y eut une Kabylie», d'un philosophe opposé à la peine de mort, d'un journaliste anticolonialiste, d'un socialiste libertaire, d'un nietzschéen de gauche, épris de l'Algérie, d'un artiste anarcho-syndicaliste qui se méfie des idéologies, et à l'origine un fils de pauvre dans un quartier miséreux d'Alger, qui deviendra boursier de l'école républicaine puis prix Nobel de littérature. dans cet énoncé, on ne peut que remarquer les nombreux points communs qui réunissent l'auteur et Camus, ce qui peut expliquer l'intérêt du premier pour le second.

Bien entendu au cours de l'exposé, une analyse des principaux écrits, La Peste, l'Homme révolté, Caligula... est proposée à la lumière de cette personnalité exceptionnelle.

Comme d'habitude avec Michel Onfray, j'ai beaucoup appris, car l'ensemble est très didactique et clairement énoncé, pour que les non spécialistes s'y retrouvent

Un bémol pour l'édition (papier) : on trouve trop de coquilles, de mots mal coupés, de majuscules intempestives ce qui est inexcusable pour un éditeur de renom.

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Michel ONFRAY "L'ordre libertaire, La vie Philosophique d'Albert CAMUS" (éd. Flammarion)
Je viens de finir la lecture du livre de Michel ONFRAY "L'ordre libertaire, La vie Philosophique d'Albert CAMUS" (éd. Flammarion) et je suis bouleversée car il me relie au militantisme autogestionnaire de mes années de lycée, lequel fut annihilé par une fausse carrière et l'emprise de la consommation -quoique j'en dise-, par la désillusion et l'isolement de l'adulte après le mouvement idéaliste juvénile. Pourtant Camus m'avait toujours accompagnée, le Camus de "L'homme révolté' mais pas les Sartre, vraiment. J'ai très bien subi le snobisme jargonnant, ricanant et sectaire des structuralistes, des nihilistes, des maîtres en abstraction, etc., décrits par M Onfray.
Pourquoi ai-je refusé leur ascendant sur ma conscience qui s'éveillait ? parce que mes origines modestes, parce que le bon sens de ma vitalité naturelle, parce que l'horreur de la violence dont la mémoire se perpétuait toute ma jeunesse à travers les récits de mon père grand résistant, puis sous-officier en Indochine et en Algérie, parce que le sens du mystère qui se méfie en moi des manichéismes vite ficelés, m'avaient protégée en me conférant une gravité essentielle bien que blessante.
Le livre de M Onfray nous parle d'un Camus qui est notre plus actuel contemporain car la guerre d'Algérie annonce les bains de sang nationalistes et socialistes d'un tiers-monde qui croit se libérer en s'occidentalisant. Bonheur aussi de découvrir Camus faisant une synthèse politique avec l'orient spirituel. Gandhi l'inspire. Prescience d'une Europe qui va aller chercher dans les sagesses non européennes une autre présence au monde que celle de se murer contre les autres, et cela en s'exposant d'abord de soi-même à soi-même.
Et puis, rétrospectivement, quelle joie de voir que son intuition avait raison : gâchis de ne pas avoir réussi à vivre diversement ensemble! alors que cela aurait additionné des richesses, des rites, des différences autonomes et respectueuses les unes des autres.
J'étais jusqu'à l'âge de 7 ans à Surcouf (dont j'ignore aujourd'hui le nom), petit port à l'est d'Alger. Mon père infirmier soignait les arabes dans des fermes. L'hygiène n'était pas au rendez-vous. Moi j'accompagnais mon père qui refaisait plusieurs fois par semaine le même pansement à des femmes voilées. Je m'en souviens avec émotion, de cela et de l'odeur des paellas des pieds noirs, petits agriculteurs, etc. Beaucoup de chaleur humaine et de sens de la fête même sous le soleil dramatique de l'époque.
Le livre de M Onfray "L'ordre libertaire, La vie Philosophique d'Albert CAMUS" (éd. Flammarion) peut être une passionnante et édifiante introduction à l'oeuvre ainsi qu' une réflexion pour le citoyen d'aujourd'hui dans ce nouveau mondialisme auquel il va falloir trouver des solutions plus intelligentes que celles appliquées jusqu'ici avec folie.
Après avoir envahi l'Iraq et ne pas avoir réussi à en faire autre chose qu'un bourbier GW BUSH visionnait à la Maison Blanche toutes les actualités concernant l'Algérie pour y chercher des leçons. S'il avait lu attentivement Camus, le Président des Etats-Unis les aurait trouvées :
on ne force pas le réel. On fait avec. Encore faut-il le connaître, l'aimer et dialoguer avec lui. Voilà comment parle Camus : lisez-le.

Jarnier Patricia 8 mars 2012 Tous droits réservés

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Hymne à Camus le polythéiste

J'attendais beaucoup de cette rencontre entre un philosophe que j'aime et un écrivain que je respecte.

Je dois au premier de m'avoir ouvert les portes de la philosophie, en me rendant compréhensible, avec des mots simples et apaisants, les errances intellectuelles et sensorielles de l'adolescence, en autorisant une première mise en ordre du « bouillonnement de l'âme », en me protégeant du sectarisme et de la certitude, en me proposant aussi de rencontrer quelques libres penseurs, souvent absents des manuels scolaires.

Je suis reconnaissant au second d'être un véritable intellectuel, c'est-à-dire, pour paraphraser Bottéro, un professionnel qui introduit l'uomo qualunque dans son monde – celui des idées en l'occurrence – et partage avec cet homme du commun « tous les trésors ramenés de ses lointains voyages ».

Michel Onfray est un passeur talentueux qui, au prix d'un véritable travail de bénédictin – si je puis dire –, ne cesse de réhabiliter et de diffuser avec générosité les pensées hétérodoxes ignorées par la culture officielle.

Rencontre fougueuse, évidemment, comme toujours avec Onfray, véritable tribun de plume ; rencontre fraternelle ensuite, tant les deux hommes semblent partager la même filiation intellectuelle ; rencontre ontologique certainement puisqu'il est difficile de ne pas apercevoir la silhouette d'Onfray dans le miroir que ce dernier dessine pour Camus ; rencontre réussie enfin et surtout, car nul doute que L'Ordre libertaire prendra place à côté de l'indispensable bible de Lottmann.

Au demeurant, Michel Onfray s'est bien gardé de tomber dans le piège de la biographie classique pour se concentrer sur le cheminement philosophique de son sujet et offrir ainsi un éclairage original – mais particulièrement fidèle – de son oeuvre. le sous-titre du livre, La vie philosophique d'Albert Camus, est ainsi bien choisi et annonce clairement le programme : le récit de la construction d'un homme, de son interrogation existentielle permanente, la recherche d'une philosophie « solaire », appliquée et applicable, utile aux hommes de son temps.

C'est d'ailleurs ici, plus que dans l'aspect pamphlétaire de la réhabilitation de l'écrivain, que réside la grande réussite d'Onfray : dessiner le portrait fidèle d'un Camus trop méconnu ou mal compris, objet – depuis sa triste mort – des batailles critiques les plus farouches, des convoitises idéologiques les plus intéressées et des jalousies intellectuelles les plus viles.

Onfray présente Camus comme le précurseur du post-anarchisme, adepte d'un socialisme « non marxiste, d'une révolution socialiste non violente, d'une pensée libertaire pragmatique et concrète, alternative à la gauche autoritaire, césarienne et brutale, qui fit la loi dans ce XXe siècle ».

L'attirance de Camus pour certaines idées anarchistes, plus particulièrement cette « polyphonie fragmentée de l'action politique » coordonnée par le fédéralisme – proposition centrale du projet proudhonien –, était déjà connue, bien sûr. Mais Onfray précise ce qui, en restant flou, empêchait de saisir toute la pertinence des écrits et des positions publiques du philosophe.

Les pages à ce sujet sont passionnantes même si on peut regretter qu'elles achèvent l'ouvrage et ne donnent à saisir complètement le titre et sa signification que bien tardivement. On peut comprendre que Michel Onfray veuille ainsi clore le questionnement philosophique de Camus, en proposant l'esquisse d'un système cohérent qui, au milieu des débris laissés par le capitalisme sauvage, le marxisme autoritaire et les nationalismes exacerbés, tous tueurs d'hommes sous les yeux de l'auteur de la Peste – des pestes, en vérité, brunes et rouges confondues –, offrait une solution alternative humaniste, crédible et apaisée : L'Ordre libertaire d'un État anarchiste.

« L'Histoire n'a pas encore laissé sa chance » à cette option commente Onfray le militant, cette « égale possibilité de jouissance des biens sociaux pour tous les hommes, toutes les femmes et tous les enfants ». Une société anarchiste contractuelle donc, modèle encore théorique d'un Camus éminemment pragmatique en la matière (car « plus l'idéal est impraticable, plus le réel décevra »), inspiré par la Révolution libertaire qui se déroula en Espagne de 1933 à 1936 et qui fut défendue avec tant d'ardeur par l'écrivain. Révolution sans sang versé, sans homme enfermé, sans exaction définitive nous dit Onfray, révolte qui se révéla, de surcroît, la seule tentative historique pour établir une société réellement anarchiste, mouvement émancipateur où « l'entraide (Kropotkine) a remplacé la lutte (Darwin), la solidarité (anarchiste) a pris la place de la rivalité (capitalisme) ». Expérience qui fut malheureusement, et brutalement, « assassinée par Franco », sous les regards impassibles de la plupart des intellectuels et des démocraties.

Camus apparaît ainsi comme un socialiste libertaire se tenant à distance de toute chapelle dogmatique – « un anarchiste de l'anarchie », précise Onfray – qui, malgré la brutalité des événements de son temps, résistera toujours à la tentation autoritaire et à la justification du « crime légal [commis] au nom de l'idéal révolutionnaire qui se trouve ainsi malheureusement dévoyé ».

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Michel ONFRAY "L'ordre libertaire, La vie Philosophique d'Albert CAMUS" (éd. Flammarion)
Je viens de finir la lecture du livre de Michel ONFRAY "L'ordre libertaire, La vie Philosophique d'Albert CAMUS" (éd. Flammarion) et je suis bouleversée car il me relie au militantisme autogestionnaire de mes années de lycée, lequel fut annihilé par une fausse carrière et l'emprise de la consommation -quoique j'en dise-, par la désillusion et l'isolement de l'adulte après le mouvement idéaliste juvénile. Pourtant Camus m'avait toujours accompagnée, le Camus de "L'homme révolté' mais pas les Sartre, vraiment. J'ai très bien subi le snobisme jargonnant, ricanant et sectaire des structuralistes, des nihilistes, des maîtres en abstraction, etc., décrits par M Onfray.
Pourquoi ai-je refusé leur ascendant sur ma conscience qui s'éveillait ? parce que mes origines modestes, parce que le bon sens de ma vitalité naturelle, parce que l'horreur de la violence dont la mémoire se perpétuait toute ma jeunesse à travers les récits de mon père grand résistant, puis sous-officier en Indochine et en Algérie, parce que le sens du mystère qui se méfie en moi des manichéismes vite ficelés, m'avaient protégée en me conférant une gravité essentielle bien que blessante.
Le livre de M Onfray nous parle d'un Camus qui est notre plus actuel contemporain car la guerre d'Algérie annonce les bains de sang nationalistes et socialistes d'un tiers-monde qui croit se libérer en s'occidentalisant. Bonheur aussi de découvrir Camus faisant une synthèse politique avec l'orient spirituel. Gandhi l'inspire. Prescience d'une Europe qui va aller chercher dans les sagesses non européennes une autre présence au monde que celle de se murer contre les autres, et cela en s'exposant d'abord de soi-même à soi-même.
Et puis, rétrospectivement, quelle joie de voir que son intuition avait raison : gâchis de ne pas avoir réussi à vivre diversement ensemble! alors que cela aurait additionné des richesses, des rites, des différences autonomes et respectueuses les unes des autres.
J'étais jusqu'à l'âge de 7 ans à Surcouf (dont j'ignore aujourd'hui le nom), petit port à l'est d'Alger. Mon père infirmier soignait les arabes dans des fermes. L'hygiène n'était pas au rendez-vous. Moi j'accompagnais mon père qui refaisait plusieurs fois par semaine le même pansement à des femmes voilées. Je m'en souviens avec émotion, de cela et de l'odeur des paellas des pieds noirs, petits agriculteurs, etc. Beaucoup de chaleur humaine et de sens de la fête même sous le soleil dramatique de l'époque.
Le livre de M Onfray "L'ordre libertaire, La vie Philosophique d'Albert CAMUS" (éd. Flammarion) peut être une passionnante et édifiante introduction à l'oeuvre ainsi qu' une réflexion pour le citoyen d'aujourd'hui dans ce nouveau mondialisme auquel il va falloir trouver des solutions plus intelligentes que celles appliquées jusqu'ici avec folie.
Après avoir envahi l'Iraq et ne pas avoir réussi à en faire autre chose qu'un bourbier GW BUSH visionnait à la Maison Blanche toutes les actualités concernant l'Algérie pour y chercher des leçons. S'il avait lu attentivement Camus, le Président des Etats-Unis les aurait trouvées :
on ne force pas le réel. On fait avec. Encore faut-il le connaître, l'aimer et dialoguer avec lui. Voilà comment parle Camus : lisez-le.

Jarnier Patricia - Tous droits réservés - 8 mars 2012
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Une telle rencontre était obligatoire et attendue. Ces deux hommes on chacun a leurs époques et à leur maniére le méme profil , celui de la lutte productive et intelligente contre l'ordre établi. Camus et Onfray sont deux hommes qui on dis non à la pensée unique , et cela la société ne l'accepte pas facilement. Onfray éléve Camus au dessus de l'étiquette de "philosophe pour Terminale ", et lui donne en tant que philosophe le méme statut qu'en tant qu'écrivain. On comprend mieux ici pourquoi Camus a était mis au banc de la philosophie française contemporaine ainsi que du monde des lettres . Onfray se livre à une enquéte profonde sur le cas Camus , ne laissant aucun aspect du parcours extraordinaire de cet auteur et ce grand penseur. Camus anarchiste ? Peut étre pour l'époque , mais maintenant dans ce désert culturel ou Bfm tv et Pernaut sont les "voix de leurs maitres" , Camus apparait davantage comme une seconde voie , comme une opportunité à la pensée libre , et cela s'avére important pour que la liberté ne soit plus une chimére mais une réalité indéniable. Par bien des aspects cet ouvrage d'Onfray permet de mieux comprendre le personnage Camus , de faire comme celui ci à une époque pas si lointaine : acte de résistance face à la'pensée unique . En cela la démarche d'Onfray doit étre saluée comme elle le mérite.
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Très bel ouvrage, pas trop facile à lire (en tout cas pour moi), il y a en effet pas mal de références. Merci a Michel Onfray, pour la vie philosophique d'Albert Camus.....Mais aussi pour sa passion du vrai, du limpide, son action collective (l'université populaire), l'envie que m'a donné la lecture de ce livre, d'aller vers d'autres auteurs a découvrir ou redécouvrir
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Michel ONFRAY "L'ordre libertaire, La vie Philosophique d'Albert CAMUS" (éd. Flammarion)
Je viens de finir la lecture du livre de Michel ONFRAY "L'ordre libertaire, La vie Philosophique d'Albert CAMUS" (éd. Flammarion) et je suis bouleversée car il me relie au militantisme autogestionnaire de mes années de lycée, lequel fut annihilé par une fausse carrière et l'emprise de la consommation -quoique j'en dise-, par la désillusion et l'isolement de l'adulte après le mouvement idéaliste juvénile. Pourtant Camus m'avait toujours accompagnée, le Camus de "L'homme révolté' mais pas les Sartre, vraiment. J'ai très bien subi le snobisme jargonnant, ricanant et sectaire des structuralistes, des nihilistes, des maîtres en abstraction, etc., décrits par M Onfray.
Pourquoi ai-je refusé leur ascendant sur ma conscience qui s'éveillait ? parce que mes origines modestes, parce que le bon sens de ma vitalité naturelle, parce que l'horreur de la violence dont la mémoire se perpétuait toute ma jeunesse à travers les récits de mon père grand résistant, puis sous-officier en Indochine et en Algérie, parce que le sens du mystère qui se méfie en moi des manichéismes vite ficelés, m'avaient protégée en me conférant une gravité essentielle bien que blessante.
Le livre de M Onfray nous parle d'un Camus qui est notre plus actuel contemporain car la guerre d'Algérie annonce les bains de sang nationalistes et socialistes d'un tiers-monde qui croit se libérer en s'occidentalisant. Bonheur aussi de découvrir Camus faisant une synthèse politique avec l'orient spirituel. Gandhi l'inspire. Prescience d'une Europe qui va aller chercher dans les sagesses non européennes une autre présence au monde que celle de se murer contre les autres, et cela en s'exposant d'abord de soi-même à soi-même.
Et puis, rétrospectivement, quelle joie de voir que son intuition avait raison : gâchis de ne pas avoir réussi à vivre diversement ensemble! alors que cela aurait additionné des richesses, des rites, des différences autonomes et respectueuses les unes des autres.
J'étais jusqu'à l'âge de 7 ans à Surcouf (dont j'ignore aujourd'hui le nom), petit port à l'est d'Alger. Mon père infirmier soignait les arabes dans des fermes. L'hygiène n'était pas au rendez-vous. Moi j'accompagnais mon père qui refaisait plusieurs fois par semaine le même pansement à des femmes voilées. Je m'en souviens avec émotion, de cela et de l'odeur des paellas des pieds noirs, petits agriculteurs, etc. Beaucoup de chaleur humaine et de sens de la fête même sous le soleil dramatique de l'époque.
Le livre de M Onfray "L'ordre libertaire, La vie Philosophique d'Albert CAMUS" (éd. Flammarion) peut être une passionnante et édifiante introduction à l'oeuvre ainsi qu' une réflexion pour le citoyen d'aujourd'hui dans ce nouveau mondialisme auquel il va falloir trouver des solutions plus intelligentes que celles appliquées jusqu'ici avec folie.
Après avoir envahi l'Iraq et ne pas avoir réussi à en faire autre chose qu'un bourbier GW BUSH visionnait à la Maison Blanche toutes les actualités concernant l'Algérie pour y chercher des leçons. S'il avait lu attentivement Camus, le Président des Etats-Unis les aurait trouvées :
on ne force pas le réel. On fait avec. Encore faut-il le connaître, l'aimer et dialoguer avec lui. Voilà comment parle Camus : lisez-le.

Jarnier Patricia 8 mars 2012 - Tous droits réservés

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Le retour en disgrâce d'Albert Camus pourrait faire l'objet, à lui seul, d'une réflexion sur notre époque ; de la volonté présidentielle à panthéoniser en 2009 l'auteur de « L'homme révolté » à sa référence usitée dans de nombreux exposés politiques (voir encore le discours du candidat Hollande le 24 janvier 2012). Il serait ainsi devenu un auteur « à la mode » capable d'endosser toutes les respectabilités.

Le livre de Michel Onfray s'inscrit à contre-sens de cette stature suscitant l'adulation du plus grand nombre. Il se propose de retracer l'existence d'Albert Camus interdépendante de sa pensée philosophique en soulignant son originalité au vu de la doxa de son temps.


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C'est mon premier " Onfray ". Je dois avouer que, avant de me lancer dans la lecture de ce livre, j'étais, sans avoir lu ses précédents ouvrages, un peu hostile au philosophe, qui arrive " x fois " par an avec un nouvel essai, qui donne à chacune de ses fréquentes interventions dans les médias, des leçons sur tout et n'importe quoi. J'avais les souvenirs, pas particulièrement philosophiques, des lectures de la Peste, de l'étranger, du Mythe de Sisyphe et plus récemment du Premier Homme. Sans l'avoir étudié, Albert Camus était pour moi, une sorte de mythe en lui-même, grâce à ces lectures, mais également à cause du Prix Nobel de 1957, de " la phrase " dont j'avais entendu parler, et probablement, à cause de son décès tragique dans la voiture de Michel Gallimard en janvier 1961. Puisque j'en suis aux aveux, je dois dire que j'ai été très intéressé par ce bouquin. Non seulement il explique, la philosophie dans l'oeuvre de Camus, comment elle est liée à son enfance, à des professeurs, à sa vie en Algérie, à la maladie, mais il décortique, les positions que le philosophe a fait passer dans ses oeuvres, vis-à-vis des idées qui ont amenés les grandes monstruosités du XX ème siècle, le national-socialisme pour la seconde guerre et les camps nazis, avec son engagement dans la résistance, ses avis sur la collaboration, sur l'épuration, puis le communisme révolutionnaire pour l'URSS et les goulags. Il montre l'origine des combats du philosophe contre le colonialisme, contre la peine de mort, contre la guerre, contre la barbarie, les idées qu'il va chercher chez Nietzsche, chez Proudhon, qui le conduisent vers l'anarchie positive et libertaire, vers l'hédonisme, vers une gauche Dyonisiènne en opposition à la gauche de ressentiment. Il explique, pourquoi Camus entre au parti communiste, pour les idées, puis le quitte moins de deux ans plus tard, car il refuse les méthodes, et le soutien à l'Union soviétique, quelle est la nature de son engagement, souvent mal compris, lors de la guerre d'Algérie, avec son opposition aux violences perpétrées de tous bords. Les ré-écritures de l'histoire, les concessions aux régimes dictatoriaux, l'acceptation des atrocités, les mensonges, les petits arrangements entre amis du monde des lettres, les attaques contre Camus, provenant notamment de l'entourage de Jean Paul Sartre ont, parfois, été des révélations pour moi. La haute idée que Camus se faisait de son rôle de journaliste, d'écrivain, le rapport entre la philosophie pour la vie, et la philosophie pour elle-même – celle des concepts, les liens entre la philosophie et la littérature, les différences entre philosophe existentiel et existentialiste, les propositions sur le fédéralisme, sur l'évolution révolutionnaire en opposition à la révolution de la radicalité, des camps et de la guillotine, sont parfaitement décris et accessibles à des non-initiés. La lecture de ce livre, soulève beaucoup de questions, sur le sujet, mais également sur l'auteur. Michel Onfray nous démontre que Camus prônait l'utopie modeste contre l'utopie radicale, marxiste, mais lorsqu'il réclame une révolution sans violence, une fédération franco-algérienne au lieu de l'indépendance, n'était-il pas en réalité un utopiste angélique? En opposant Camus et Sartre, en montrant l'ambiguïté dans les positions de Sartre, en révélant les falsifications historiques de Simone de Beauvoir, Michel Onfray ne fait-il pas de l'anti-Sartre systématique? En prenant la défense de Camus, un philosophe hédoniste contesté, populaire, n'a-t-il pas la volonté de régler des comptes avec les milieux de la philosophie contemporaine à son propre sujet? En s'attaquant à certaines icônes de gauche, tel que Mitterand, tel que le dirigeant emblématique du journal " le Monde " ne poursuit-il pas des règlements de compte?
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j'aime Camus, j'aime Onfray : ça ne se discute pas .
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