La liberté d'action et la possibilité d'un commerce plus que lucratif semblaient remonter le courant, devançant ainsi leur progression. Aller en amont devenait de plus en plus difficile, mais de plus en plus prometteur. En-Haut, ils seraient, non pas des nobles, mais des rois. Et des pelus, ils pourraient en obtenir à profusion en violant les lois sans danger aucun.
En amont, c'était le paradis accessible par l'enfer. Suffisait de s'y rendre pour faire le pied de nez aux d'Ailleboust que les autorités n'importunaient pas, ainsi qu'au « p'tit homme du Diable » que les mêmes autorités ne pouvaient importuner. En amont, ils iront comme les cinq doigts d'une même main, attirés par le rêve et poussés par la nécessité. En amont, ils seront des rois.
Faire un canot est une chose, mais construire une telle embarcation en est une autre. Ours-Têtu lui-même le reconnaîtrait. Dans son canot d'écorces cousues de watap résineux, il longeait les flancs salés de la voiture d'eau capable de traverser le Grand Lac en captant le vent dans ses voiles. Il était dépassé. Parachuté dans un autre univers : celui des Visages-Pâles. Univers qui sape le sol des forêts pour y substituer les rues de cette ville où le transport des hommes et des marchandises est parfois effectué par des chevaux.
Les temps changent... Les choses changent... C'est ainsi... Nos hommes rapportent des haches, des épées, des couteaux, des fers de flèche, des filets, parfois un bâton de feu... Ce sont là des choses d'homme... Moi, je veux un chaudron de cuivre... Moi, je veux d'autres étoffes comme celle-ci. Touche comme elle est souple... Vois comme elle est d'une belle couleur. Je veux aussi des couteaux qui se croisent pour la tailler. Et des aiguilles pour la coudre... Et du fil... J'ai vu, j'ai touché toutes ces choses.
Les Peuples d'Ici aiment point montrer où sont les richesses. Quand les Visages-Pâles voient les richesses, les mains des Visages-Pâles prennent les richesses. Je veux passer sans saluer le chef du fort car une bouche de chef commande à plusieurs mains de ramasser des pierres pour lui... Vous êtes les gardiens du portage... Je paye les gardiens du portage pour passer...
Chaque famille s'est réservée un endroit, et aucune n'empiète sur celui de l'autre, bien qu'il n'y ait pas de cloison et que les dimensions soient restreintes. Un grand respect règne sous ce toit.
Respect des uns envers les autres, respect du feu, respect de la nourriture, respect du manitou du Nord qui s'offense de voir leur porte orientée dans sa direction.
Francine Ouellette - Invitée d'honneur SLO 2013