« Les savants - car il existe une science de la montagne - le désignent sous le nom de «léopard des neiges du Tian Shan», branche de la sous-famille des léopards, elle-même issue de celle des félins. Les hommes qui partagent son habitat naturel l'appellent «jaabars», le léopard-flèche, ce qui reflète davantage sa vraie nature, car, lorsqu'il s'élance, il est aussi rapide qu'une flèche. Dans le dialecte local, on lui donne le surnom de «kar ketchkèn ilbirs», « celui qui marche enfoncé dans la neige jusqu'au poitrail». Les autres bêtes s'ingénient à éviter de se retrouver prisonnières des congères, mais ce puissant animal y trace son sillon tout droit. »
Quand tombent les montagnes,
Tchinguiz Aïtmatov @editionspaulsen #lagrandeourse #servicepresse
Un magnifique roman qui m'a cueillie dès les premiers mots!
C'est une histoire de ville et de montagne, d'un homme et d'un léopard des neiges, d'un pays, confronté à la modernité et qui pourtant reste attaché à certaines de ses croyances et légendes, mais aussi à sa nature, à ses montagnes…
Les chapitres alternent entre
le léopard des neiges, « Jaabars, ancien tsar des sommets, maintenant solitaire et hors d'haleine », vieillissant et déchu, devenu le paria de la meute, et Arsène Samantchine, journaliste indépendant, sur la touche, rejeté pour la liberté de ses idées et son opposition à la modernité, à la richesse démesurée et aux millionaires qui tirent les ficelles.
On comprend que le destin va les rapprocher, mais nul ne sait comment!
« Il existe une donnée immuable, identique pour tous et en tout temps: nul n'a la possibilité de savoir à l'avance quelle sera sa destinée. La vie seule se chargera de révéler à chacun ce que lui réserve le sort, sinon pourquoi parler de destin? »
J'ai aimé la poésie du texte, cette langue pleine de beauté et d'images, une incandescence du verbe, un enchantement de la parole, une murmure qui vient chuchoter à l'âme…
« Ce qu'on disait devait être vrai: l'amour est une aube qui ne brûle qu'une fois, les aubes éternellement lumineuses n'existent pas. le hic, c'était que personne ne pouvait se satisfaire de cette vérité, et chacun exigeait pour soi une aube éternelle… »
J'ai été touchée par le message écologiste du texte, cette volonté farouche de préserver la nature, les animaux qu'elle abrite, un mode de vie en somme…
« Ces derniers jours, sans oser en
parler à personne, elle s'inquiétait à l'idée que la chasse devienne le principal moyen de subsistance de ce village de montagne. L'élevage n'était pas aussi lucratif. Si cela continuait, d'ici quelques années, il n'y aurait plus un animal vivant dans les montagnes, on aurait tué jusqu'au dernier canard. Que feraient les villageois une fois que toute la faune sauvage serait décimée, à commencer par
le léopard des neiges? »
Mais j'ai aussi aimé ce personnage farouche et libre, dont la parole n'est pas muselée, qui s'oppose à la course effrénée vers la modernité, à la richesse sans mesure, au monde tel qu'il tourne aujourd'hui: Arsène Samantchine!
« Si autrefois on enlevait une belle femme en l'asseyant sur un cheval, on la jette de nos jours sur un sac de dollars et c'est elle-même qui le chevauche pour rejoindre au grand galop ses ravisseurs millionnaires. Car c'est ainsi que nous vivons; nous nous pressons tous sur le grand marché mondial. Personne n'est coupable, c'est l'économie de marché qui nous gouverne. N'empêche, nous sommes coupables. Coupables de vivre docilement, tous autant que nous sommes. »
Ce livre est d'une grande richesse et d'une belle profondeur!
Il délivre des messages importants tout en donnant la part belle à la nature, aux traditions, à un mode de vie respectueux de l'environnement, mais à la liberté d'expression aussi!
Un livre dont le folklore et la tradition orale m'ont également enchantée, tout comme cette poésie de la plume qui nous envoûte au détour d'une phrase… au hasard des pages!
« Quand le vent souffle sur la montagne, il ne fait pas osciller les branches du versant opposé. »
Un roman que je recommande vivement!
Je remercie donc les éditions Paulsen pour ce service presse qui m'a totalement emportée et conquise… aux hasards des routes kirghizes!