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Comment décrire ce roman ? Un roman magistral, minutieux et passionnant qui nous plonge dans les pages rouges de l'histoire du XXe siècle.
En premier lieu, c'est fort bien écrit (et fort bien traduit !), ce qui est appréciable compte tenu de l'épaisseur de l'ouvrage. Et le roman révèle un travail de documentation titanesque, l'auteur ayant pioché aussi dans les archives déclassifiées pour relater les dessous terrifiants de l'histoire stalinienne.
Ensuite, je m'y suis personnellement attaquée car je poursuis mon cheminement sur les traces de Frida Kahlo, et tout livre abordant l'intimité de Trotsky croise à un moment donné l'intense artiste mexicaine. Ce fut le cas avec le roman "Viva" de Patrick Deville, lu récemment, qui s'articulait autour d'un duo peu probable, Trotsky et... Malcolm Lowry.

"L'homme qui aimait les chiens" trace les portraits ou plutôt déroule les vies, jusqu'à leur mort, de trois hommes : Léon Trotsky, son futur assassin le catalan Ramon Mercader, et un cubain meurtri par la vie, Ivan, ancien écrivain et pseudo vétérinaire, qui recueille certaines confessions de Ramon Mercader durant son exil à Cuba. Ce sont du reste là trois hommes qui partagent un amour pour les chiens, et qui au final mèneront une vie bien solitaire chacun "à sa façon" ou selon son histoire.

En parlant d'exil, le livre de Padura rend brillamment compte de l'exil sans fin auquel est condamné Trotsky, envoyé par Staline au fin fond du Kazakhstan, en Sibérie, puis chassé d'URSS, arrivant en Turquie, à nouveau sur la route en quête d'un asile, il transite par la Norvège, la France pour arriver à se poser au Mexique.
Le récit de cet exil permanent est époustouflant, et l'auteur a le don de se mettre dans la peau du banni de la planète (le "juif errant") pour exposer ses moindres pensées, ses craintes pour son entourage, ses espoirs de sauver la révolution russe, son combat acharné pour défendre ses théories, fonder une IVe internationale et braver les dérives de Staline alors en pleines purges. Jour après jour, mois après mois, Trotsky voit tomber ses anciens camarades, les membres de sa famille, les quelques amis qui lui étaient restés fidèles. C'est un homme incroyablement seul et traqué à mort.

On ressort de cette lecture abasourdi : tant de haines, de manipulations, de trahisons ; les dessous de l'histoire sont terribles... Abasourdi donc mais aussi ébloui par la puissance narrative de cet ovni de la littérature. A quand une adaptation cinématographique ?

La suite sur mon blog...
Lien : http://coquelicoquillages.bl..
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Quel livre ! Et quel écrivain !

Ce roman historique de la vie de Trotsky (Lev Davidovitch), de son assassin Ramon Mercader et d'Ivan, un jeune homme se rêvant écrivain est tellement précis qu'on est parfois à la limite du document. C'est un livre passionnant (le travail de documentation est phénoménal) mais aussi, très exigeant.

La construction sous forme de triptyque (trois personnages, trois époques, trois vies) permet de maintenir un suspense réel, alors même qu'on connait l'issue de cette histoire. Bravo pour cette prouesse, d'autant que Padura réussit à tisser trois destinées qui vont se rejoindre, sans perdre le lecteur dans les différentes époques.

Bravo aussi d'avoir réussi à m'intéresser à la vie de Trotski, ce qui n'était pas gagné. Ceci étant, j'avoue avoir dû m'accrocher, surtout pour les développements politiques. Je me suis perdue (et un peu ennuyée) autour du communiste, de son idéologie, des espions, contre-espions, manipulations et mensonges divers. Je ne suis pas toujours parvenue à bien comprendre les relations et buts des uns et des autres. Mais ce n'est pas grave, car j'ai aimé tout le reste, les relations entre les personnages, leur profondeur, l'évolution du récit, la mise en scène pointilleuse des lieux et des périodes, l'atmosphère de crainte et de secret et cette densité narrative que sert une plume qui m'a envoûtée.

Ce livre est une découverte marquante autant d'une oeuvre que d'un écrivain.

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Dur, touffu, mais l'un des meilleurs livres (non! le meilleur) que j'aie eu l'occasion de lire sur les manipulations politiques, les cocus de l'idéologie (Ramon Mercader, l'assassin de Trotski, mais le narrateur, mais Padura, mais nous tous, un jour ou l'autre), le gâchis qu'elles ont engendré pour le plus grand profit des prédateurs qui tirent les ficelles.
Le seul reproche que je puisse faire à Padura, c'est que j'ai un peu eu l'impression qu'il n'incluait pas Lev Davidovicht (Trotski) parmi ces manipulateurs et prédateurs. Peut-être parce qu'il a aussi été à classer, au terme de cette traque émouvante, parmi les cocus ?
Inconditionnelle de Padura, dont les romans policiers sont aussi de petites merveilles, j'aurais aimé ajouter une citation ou deux, mais il y en a déjà 35 sur ce site !
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LC Avec Bellonzo

Chapitre 1 – Cuba – années 70, un homme assiste à l'enterrement de sa femme. Ce sera pour lui l'occasion de se remémorer son passé. Un ouragan tropical, Ivan (le même nom que le narrateur), menace La Havane. Il nous racontera plus tard sa première rencontre avec un mystérieux homme rencontré sur une plage, l'homme qui aimait les chiens.

Chapitre 2 – 1929 – Sibérie – Trotski et sa famille viennent de recevoir leur lettre d'exil, ils se dirigent vers une destination inconnue pendant une tempête de neige avec moins 40 degrés au thermomètre.

Chapitre 3 : 1936 – présentation de Ramon Mercarder, la guerre fait rage en Espagne, Ramon est révolutionnaire, il nous présente son parcours : de bonne famille bourgeoise, il semblerait tenir de sa mère, anarchiste (et héroïnomane) convaincue.

Dans ces trois premiers chapitres, nous avons devant nous la construction (tout en alternance) de ce roman historique : Trostski, Ivan, Ramon … trois hommes, trois destins…

800 pages que je n'ai pas vu passer même si j'ai souvent posé ce livre pour lire d'autres sources sur le net. L'auteur sait rendre l'Histoire passionnante, et rendre palpable l'évolution de ces personnes (ayant réellement existé pour un grand nombre d'entre elles).

Il m'a semblé que Padura était très proche des faits. Les purges staliniennes font froid dans le dos, Trotski a semblé prendre vie devant moi…

Ce roman (récit ?) est très addictif, en effet même si la fin est connue (Mercader va assassiner Trotski), le cheminement que Leonardo Padura va nous faire suivre est digne d'un roman à suspense…

Une fois le livre posé, je suis restée un moment ébahie de voir comment les gens étaient manipulés et bien peu maîtres de leurs actes …

Un livre passionnant et édifiant, à lire !
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Que du lourd ce livre ! Déjà, 730 pages à avaler. Mais impossible de s'en détacher. C'est un récit romancé comme le précise bien Padura. Il aura mis 3 années pour l'écrire, entre les multiples recherches, certainement hasardeuses et grâce à la collaboration de nombreuses personnes, ce livre magistral a pris forme, et quelle forme ! J'y ai presque tout appris sur les différents lieux d'exil de Lev Davidovitch Bronstein, dit Trotsky, de 1928 à 1940, date de son assassinat à Mexico. Il fut le juif errant de Staline, des plaines de Sibérie, passant par la Turquie, Paris, la Norvège et enfin le Mexique à la Casa Azul à Cayaocan, appartenant aux peintres Diego Rivera et Frida Kahlo, transformée en camp retranché. J'y ai aussi tout appris de son assassin et de son parcours saisissant. La forme du récit est surprenante aussi : ce Cubain, né en 1955 qui n'a connu que l'aire castriste et toutes les oppressions, l'obscurantisme, la dictature, la manipulation, la famine (et ses conséquences) des années 90 après la chute du mur, écrira ce livre après avoir rencontré sur une plage en 1977, un an avant sa mort d'un cancer des os, un individu qui promenait ses 2 lévriers Barzoïs, (c'était aussi les chiens préférés de Trotski), le véritable assassin de Trotski, Ramon Mercader, alias James Lopez.
Dense, puissant, révoltant, répugnant, sordide. Il décrit toute la solitude de Trotski durant ses années d'exil, la disparition de tous ses enfants, éliminés les uns après les autres par les hommes de Staline. En parallèle de cela, la guerre des Républicains Espagnols, perdue contre le fascisme et Franco, car Staline s'était désengagé de son accord, laissant les républicains eux aussi sur les routes de l'exil, dont en France. Mauvaise pioche pour eux, Vichy les as parqués dans des camps (Gurs, Vernet, Argelès-sur-mer), avant de les envoyer en déportation en Allemagne, notamment à Mathausen. Durant cette guerre, Ramon Mercader, jeune communiste, se laisse manipuler par sa mère, Caridad Mercader, passonaria communiste et son amant le donneur d'ordre du NKVD, Nahum Léonid Eitingon, pour assassiner le traître à la cause du peuple, Trotski. Pendant trois années, il suivra un entrainement psychologique pour le préparer à tuer, utilisant aussi une jeune femme Américaine, Sylvia Ageloff, activiste Trotskiste qui l'aidera à entrer en contact avec Trotski à Mexico. Tout est préparé, millimétré, depuis Moscou.
La dernière partie du livre est aussi édifiante. En 1960, Quand Mercader a purgé ses années de prison au Mexique, il rentre à Moscou car aucun pays au monde ne veut le recevoir, Staline est mort, et l'URSS a bien changé même si Khrouchtchev au pouvoir est aussi corrompu que les précédents. Il a été à bonne école. Reste alors la vérité. L'humiliation, le déshonneur, l'identité perdue également et le désenchantement de ces militants communistes, revenus de toutes les trahisons et dont la vie entière fut bâtie sur des mensonges : les cubains, les espagnols, les russes… car comment croire que des figures aussi "extra-ordinaires" qu'Africa de las Heras, Caridad Mercader ou Leonid Eitingon puissent avoir existé en dehors de l'imagination folle d'un romancier ? Pourtant la réalité ici a dépassé la fiction sur les ossements éparpillés de vingt millions de morts exécutés par le régime stalinien.


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Grande fresque au sein de laquelle fiction et réel s'entremêlent, "L'homme qui aimait les chiens" introduit, parallèlement au récit de deux véritables destins liés par l'Histoire, ceux de Trotski et de son assassin Ramon Mercader, un troisième héros, fictif celui-là, en la personne d'Iván Cárdenas Maturell.
Au début du roman, ce dernier vient de perdre sa compagne Ana. On est en 2004, sur une île de Cuba traumatisée par la faim, les coupures d'électricité, la dévaluation des salaires, la paralysie des transports. Brisé par cette disparition, Iván est aussi un homme désabusé. Écrivain prometteur lorsqu'il était étudiant, la censure d'une de ses oeuvres, qualifiée de contre-révolutionnaire, l'a condamné à végéter professionnellement. Il a lui-même capitulé en cessant d'écrire. La mort d'Ana le décide à reprendre la plume, et surtout à entreprendre la relation d'une histoire -"de haine, de tromperie et de mort"- qu'il avait tue, jusque-là, par peur. Elle résulte de sa rencontre, en 1977, avec un homme promenant régulièrement ses deux barzoïs sur la plage où lui-même avait coutume de venir marcher. Il reconstitue, à presque trois décennies de distance, les souvenirs des confidences que lui fit Lopez -ainsi que s'était présenté l'homme aux chiens- au fil de leurs conversations, tournant autour d'un sujet alors éminemment tabou et dangereux sur l'île : Trotski.

Comme pour illustrer, compléter, et surtout donner corps au témoignage d'Iván, le roman l'entrecoupe pour nous plonger, en alternance, aux côtés tantôt de Lev Davidovitch Bronstein, plus connu sous le patronyme de Leon Trotski, tantôt de Ramón Mercader.

Nous suivons le premier alors que, expulsé du Parti puis de son pays, il est condamné à l'exil, d'abord à Alma-Ata, aux confins de la Russie asiatique (à la fin des années 20), puis en Turquie, en France, en Norvège, et enfin au Mexique où viendra en 1940 le chercher la mort en la personne du second. C'est une vie de de paria, contraint de se comporter de sorte à ne pas gêner les hôtes qui l'accueillent, de se méfier de tout le monde, mais aussi une vie de passion et d'acharnement à continuer, à distance, le combat, malgré la frustration de ne pouvoir être au coeur des événements. Sa capacité d'action se réduit à l'écriture et la diffusion d'articles ou à organiser ses sympathisants dispersés, que son fils Lieva, notamment, basé à Paris, tente de fédérer et de mobiliser. Mais ses efforts, ceux d'un David contre un Goliath qui ne peut sortir que vainqueur, sont voués à l'échec. Trotski n'a plus de pouvoir, plus de parti, de moins en moins de fidèles. Et il fait l'objet par le pouvoir soviétique d'une campagne de dénigrement qui prend une ampleur démesurée et internationale. Instrumentalisée par celui qu'il surnomme "Le Montagnard", et dont il avait sous-estimé l'intelligence et l'habileté manipulatrice, son existence devient le prétexte qui justifie toutes les répressions. Présenté comme l'ennemi du peuple, il assiste, impuissant, aux purges, à la montée au pouvoir du nationalisme allemand, à l'effroyable pacte entre Hitler et Staline. S'ajoute l'angoisse qu'il éprouve pour les membres de sa famille -dont ses enfants- restés en Europe, voire en URSS, et qu'il sait en danger… et c'est en effet une véritable hécatombe, entre les internements, les suicides, les morts suspectes, les disparitions… Lui qui s'est battu pour un monde meilleur, n'a semé autour de lui que la douleur, la mort, l'humiliation. Lui-même se sait condamné, vit dans l'attente de la mort infâme qui surviendra quand il cessera d'être utile au Kremlin.

Et s'ajoute aussi le poids de la désillusion et d'une certaine amertume, face au constat que le pays où est née la Révolution est devenu un territoire dominé par la peur, perverti par la forme réactionnaire et dictatoriale du modèle socialiste qu'a imposé Staline. Quel ironique paradoxe, que de réaliser qu'une une fois concrétisé le rêve socialiste, il est nécessaire d'appeler le prolétariat à se rebeller contre son propre état… Il analyse, enfin, ses propres manquements, conscient de la violence parfois tyrannique dont il a preuve, sait qu'il ne pourra jamais se pardonner d'avoir employé certaines méthodes coercitives à la reconstruction de l'après-guerre.

C'est un homme rongé par l'épuisement, de plus en plus seul, si ce n'est sa fidèle et endurante épouse Natalia. Un homme entouré de fantômes, ceux de sa famille, de ses camarades, de ceux qui l'ont renié, se sont éloignés de ses idées, auxquelles lui reste férocement et jusqu'au bout attaché, ne vivant jusqu'à son dernier jour que dans le seul but de restaurer la révolution telle qu'elle fut déterminée à son origine. Et jusqu'au bout, malgré cet épuisement, l'image qu'on en garde est celle d'un individu charismatique, exigeant à l'extrême, intransigeant, aspirant tous ses proches dans le tourbillon de son dévouement à une cause, celle du prolétariat, de la révolution ouvrière. Un individu capable de paralyser ceux qui l'approchent, sa façon de vivre et de penser -cette existence exclusivement vouée à l'opposition vis-à-vis de la totalité des pouvoirs du monde : fascisme, capitalisme, stalinisme, religions…- provoquant chez ceux eux une tension morale presque insupportable.

Paradoxalement, ce combat est similaire à celui de son assassin, Ramón Mercader, qui rêve et lutte pour un monde sans exploiteurs ni exploités, sans haine et sans peur. Issu d'un milieu bourgeois, il vient à la cause prolétarienne influencé par sa mère Caridad. Celle-ci, après avoir fréquenté par haine de son mari les milieux populaires les moins reluisants de Barcelone, se convertit à l'anarchie, puis emmène ses enfants vivre avec elle en France. Au moment de la guerre civile espagnole, Ramón combat avec les Républicains, soutenus par l'URSS alors en lutte contre les nationalistes, mais aussi contre les factions internes qui menacent son hégémonie : anarchistes, trotskistes… C'est ainsi que s'éveille son inébranlable haine pour ces derniers, ennemis les plus ambigus des communistes, Trotski représentant quant à lui le plus sournois et le plus malfaisant des adversaires.

Alors qu'en Espagne, la guerre a tourné au profit des franquistes, sa mère met Ramón en relation avec un homme énigmatique qui le recrute pour une mission ultra-secrète et de la plus haute importance, en vue de laquelle il est entraîné psychologiquement et physiquement dans un camp russe, où il apprend aussi l'art de la transformation. Car à partir de là, fini Ramón Mercader. le barcelonais va vivre plusieurs vies, sous d'autres noms, dans d'autres peaux, avec comme but ultime d'approcher son ennemi suprême, carte clandestine et ultime dans le jeu de ses commanditaires dont l'objectif est l'élimination du traître Trostski. L'homme de terrain adopte une autre forme de combat, fait de dissimulations, de simulations, nécessitant patience et sang-froid.

"L'homme qui aimait les chiens" est un roman dense et addictif, haletant malgré l'issue que l'on sait inéluctable. C'est aussi un roman poignant, hanté de bout en bout par l'échec, à une époque où le doute était interdit, d'une des plus grandes utopies que l'homme tenta de concrétiser, l'amère désillusion face à un système né pour l'égalité et la dignité de tous, et qui se retourna contre ceux pour lesquels il avait été érigé. Les héros qu'il met en scène en deviennent des symboles -sans pour autant que leur complexité et leur dimension palpable en soient égratignées- du revers des luttes idéologiques : la violence, les sacrifices jugés inhérents au combat pour un monde meilleur, l'aveuglement face l'irréalisme d'un rêve perverti par ses propres instigateurs… le "rêve strictement théorique et si attirant de l'égalité possible, (…) remplacé par le grand cauchemar autoritaire de l'histoire lorsqu'il s'appliqua à la réalité".

Comme si l'idéal était trop grand pour les hommes, et qu'il les amputait de tout discernement.

Un très grand roman.
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Une fantastique leçon d'histoire sur la période troublée du stalinisme livrée par un écrivain cubain ayant vécu lui-même les désenchantements de la grande utopie socialiste de l'humanité. On sent, à travers ce gigantesque roman historique, que Léonardo Padura s'est donné corps et âme à retracer le parcours de l'assassin de Trotski, Ramon Mercader, recruté par les services secrets soviétiques au sortir de la désastreuse guerre civile espagnole. le récit à trois voix chevauchent les époques sur plus de 700 pages et en aucun moment l'épaisseur de l'ouvrage ne décourage; au contraire, elle permet de s'imprégner davantage du propos lourd de conséquences raconté par Padura. Ici, la réalité côtoie la fiction de façon magistrale, ne serait-ce qu'avec l'évocation forte de Lev Davidovitch Trotski, à qui les épithètes de renégat, proscrit, exilé banni, traître et apostat ont été attribuées de son vivant et encore après sa mort ignominieuse. Une histoire de trahison, de mensonges, de manipulations au nom d'un idéal sociétal entaché par une des pires vengeances personnelles de tous les temps. À lire absolument si vous avez apprécié La fin de l'homme rouge de Svetlana Aleksievitch et si vous êtes fasciné par les rêves qu'ont eus un jour des hommes comme Lénine et Trotski pour une société égalitaire.
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C'est l'histoire de l'Utopie, l'histoire de l'engagement, l'histoire des luttes pour un monde plus juste, l'histoire du XXème siècle, avec ses désenchantements et ses désillusions.

Destins croisés.
Celui de Lev Davidovitch Bronstein, dit Troski, traqué jusqu'à sa mort par Staline, depuis sa déportation à Alma-Ata en 1927, puis ses exils successifs au large de Constantinople, au Danemark, à Barbizon, en Norvège, enfin où Mexique où il mourra comme on le sait, en 1940. Celui de Ramon Mercader, combattant de la guerre d'Espagne, formé, tout comme d'autres, pour une mission qu'on lui demandera d'accomplir un jour, ou pas, condamné à vivre sous d'autres identités.
C'est un écrivain cubain frustré, qui recueille cette histoire d'un mystérieux inconnu qui promenait ses lévriers sur la plage. Il tardera à la retranscrire.

(...)
Fresque fascinante qui éclaire la foi révolutionnaire, avec ses aveuglements et ses désillusions, de différentes perspectives. Leonardo Padura, écrivain cubain vivant aujourd'hui à La Havane, propose par son travail de recherche prodigieux, de faire la part des choses pour tout ceux qui conserve l'amertume d'une utopie trahie. Il s'agit d'une recherche de la vérité, histoire d'une tentative de compréhension de notre époque mais aussi, sans doute, d'une invitation à une réflexion idéologique.

Article complet sur le blog de la Bibliothèque Fahrenheit 451.
Lien : http://bibliothequefahrenhei..
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(Où comment un coup de piolet peut fissurer un crâne et bien des certitudes...)

Une tête, un bras, un oeil et une arme.

La tête c'est celle de Lev Davidovitch Bronstein, dit Trotsky. le révolutionnaire soviétique, prompt à justifier la violence politique et la terreur, à l'origine des premiers camps de concentration en Russie, se retrouve dès 1928 en exil : son opposition à Staline le transforme en juif errant. de la Turquie au Mexique, le lecteur le suit et s'attache à cet homme, pur dialecticien, qui mènera un combat à mort avec le Père des peuples dont l'ombre délétère s'étend alors partout.

La main c'est celle de Ramón Mercader, militant communiste catalan. Recruté dès 1936 par la police politique de l'URSS, le NKVD, Mercader, qui aurait pu devenir un héros de la guerre d'Espagne, connaîtra son heure de sombre gloire en devenant le meurtrier de Trotsky. Assassin et victime tout à la fois, la trajectoire de Mercader est d'une bêtise confondante et d'une tristesse absolue.

L'oeil (de Moscou) c'est celui du véritable héros du roman : Staline, ogre maléfique, "Voldemort" d'une époque révolue (?), dont le nom suffit à instiller l'épouvante. Il est le diabolus ex machina de cette terrifiante Histoire.

L'arme, enfin, c'est le piolet dérisoire brandi par Mercader mais aussi le témoignage qu'Iván Cardenas Maturell, écrivain cubain écrasé par sa propre médiocrité tente d'ériger en mémorial contre le Communisme, cette utopie devenue cauchemar, cette imposture, ce "cirque où avaient tant résonné les coups de fouet et où avaient si souvent dansé les clowns, avec leurs sourires figés".

Très documenté, le roman qui mène en parallèle les vies de Trotsky et Mercader jusqu'à ce jour d'août 1940 où le second va éliminer le premier est captivant. Habilement construit, plein de chausses-trappes, le récit nous balade d'un bout du monde à l'autre et nous fait croiser Diego Rivera, Frida Kahlo ou André Breton. Il dit également le désenchantement de ces militants communistes, revenus de toutes les trahisons et dont la vie entière fut bâtie sur des mensonges.

L'un des atouts de "L'homme qui aimait les chiens" ce sont ces personnages invraisemblables que l'on y croise : comment croire que des figures aussi "extra-ordinaires" qu'Africa de las Heras, Caridad Mercader ou Leonid Eitington puissent avoir existé en dehors de l'imagination folle d'un romancier ? Pourtant Padura a simplement (mais avec quelle maestria!) colorisé de vieux clichés en noir et blanc : la réalité ici a dépassé la fiction.

Une lecture hautement recommandable. (Merci Corine)

Lien : http://lavieerrante.over-blo..
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Lev Davidovitch, Jaime Lopez, Ramon Mercader, trois personnages, trois époques qui s'entremêlent et se rapprochent, tous les trois unis par l'amour des chiens, c'est le pari de Leonardo Padura, de raconter à travers trois points de vue la préparation de l'assassinat de Trotski en 1940 à Mexico.
La face cubaine du roman, dans les années 70, présente Ivan, un jeune homme que la peur empêche d'écrire et qui recueille les confidences d'un vieil homme malade ayant, dit-il, bien connu Ramon Mercader. le deuxième fil de cet entrelacs suit Ramon Mercader jeune, pendant la guerre d'Espagne, approché par un russe aux multiples identités, qui lui promet d'être l'acteur d'un grand projet de Staline. le troisième fil, enfin, suit Lev Davidovitch Trotski en exil, d'Istanbul en Norvège, de la banlieue de Paris à Mexico, où il vivra ses dernières années.
C'est un roman très dense, mais pas difficile, et si, comme moi, on ne comprend pas dans les détails toutes les subtilités des alliances et des influences politiques, des pressions, des complots et des trahisons, ou si le nom d'un figurant échappe un moment, l'essentiel est d'en saisir les grandes lignes. Ce qui frappe, c'est la grande solitude de chacun des trois protagonistes, plutôt une solitude morale que réelle, Lev Davidovitch en premier lieu, tous ses proches ou presque, mourant ou disparaissant petit à petit par la volonté de Staline.
C'est une lecture forte, passionnante, prenante et qui demande de s'accrocher un peu, mais qui éclaire fort bien les années trente et quarante…
Lien : http://lettresexpres.wordpre..
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