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EAN : 9782021365467
352 pages
Seuil (21/09/2017)
3.17/5   6 notes
Résumé :
Les pauvres suscitent-ils aujourd’hui, chez les riches, une répulsion similaire à celle que le peuple inspirait aux bourgeois au xixe siècle ? Autrement dit, les démunis sont-ils encore considérés comme une classe dangereuse, immorale et répugnante ?
En interrogeant le refus de la mixité résidentielle manifesté par les catégories supérieures, telle est la question frontale que pose cet ouvrage, issu d’une grande enquête comparative sur les perceptions de la p... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
En 2016, la décision de la mairie de Paris et de l'État de construire un centre d'hébergement pour sans-abris et réfugiés dans le XVIe arrondissement de la capitale provoqua des pétitions très suivies, une bataille judiciaire et enfin l'incendie des bâtiments. Cet acte de violence urbaine qui, j'opine, à quelques kilomètres de là eût été qualifié d'« émeute » voire de « séparatisme » caractéristiques des « zones de non-droit de la République » mais qui se solda ici par le gain de cause d'une population très unie, organisée et puissante, fut presque synchronique avec des manifestation analogues qui se déroulèrent dans certains quartiers huppés de São Paulo au Brésil (appelant à la destitution de la présidente Dilma Rousseff du Parti des travailleurs pour ses « allocations familiales »), ainsi qu'à Delhi en Inde (contre les politiques de discrimination positive et la majorité des enseignants et des étudiants de l'Université Nehru accusés d'antinationalisme et de gauchisme).
Ces circonstances ont appelé les quatre auteurs à mener une enquête quantitative de dimensions assez extraordinaires – 240 entretiens dans les trois métropoles sur trois continents – portant sur les représentations que les habitants de certains quartiers très privilégiés de ces villes nourrissent à l'égard des classes défavorisées. Il s'agit donc d'un travail relevant de la sociologie urbaine, puisque le fond commun des revendications de ces contestataires résidait dans la volonté de ségrégation, de discrimination, d'exclusion des plus démunis, en somme de la protection d'une « frontière » (Georg Simmel) aussi bien sociologique que spatiale. La thèse de cet essai [cf. cit. n° 1], est que la justification de cette configuration résidentielle ne tient pas uniquement aux avantages de l'entre-soi – portant bien réels dans les trois contextes géographiques – mais bien plus à une certaine représentation d'ordre moral (voire biologique) des pauvres qui, en dépit de l'évidence de la grande diversité de leur caractérisation d'une société et d'un espace à l'autre, s'avère être singulièrement similaire. Cette similarité se décline dans la supposée nécessité de « se protéger des pauvres » (chap. 3) et dans les stratégies en vue de « justifier la pauvreté » (chap. 4). Ces dernières à leur tour comportent dans les trois cas un mélange – différemment dosé – d'éléments similaires : racismes et « naturalisation de la pauvreté » d'une part, justification des privilèges par les « idéologies du mérite » et les « répertoires néolibéraux » d'autre part. Les effets de cette construction idéologique consistent en des discriminations que les sociologues théorisent sous forme d'un triptyque (chap. 5) : frontière morale, répulsion physique et neutralisation de la compassion (qui pourtant subsiste, à différents degrés, ne serait-ce que sous forme d'obligation du maintien de la paix sociale par une certaine forme de solidarité).
Dans cet essai, la proportion entre la théorisation et les verbatim des entretiens est idéale. Parfois, cependant, j'ai eu le sentiment d'une disproportion entre les moyens déployés pour la démonstration et les contenus de ces représentations des pauvres, somme toute assez stéréotypés, frustes et incohérentes ; mais ce sentiment a été tempéré par la stupéfaction devant l'adaptation de cette représentation dans des contextes urbains, culturels, géographiques si variés. Je crois donc que j'ai privilégié les analogies aux singularités – que le chap. 6, davantage que les autres, tente de théoriser. Cette approche comparatiste et quantitative, grâce précisément à cette démarche, par son envergure, et malgré ses spécificités (représentations, urbanisme, problème de généralisation), s'insère de façon très opportune dans une étude de la sociologie de la pauvreté.




Table [avec réf. aux cit.]

Introduction [n° 1]:
- La production de l'ordre moral
- le caractère indésirable des pauvres
- Justifier l'infériorité des pauvres

1. Enquêter dans les beaux quartiers à Paris, São Paulo et Delhi :
- le choix des métropoles
- le choix des quartiers
- le jeu des échelles d'analyse

2. Produire l'ordre moral :
- Repli et régulation des interactions urbaines
- le sentiment d'adéquation socio-spatiale [n° 2]
- Entre-soi de classe et stratégies de reproduction sociale
- Intégration ou refus de certaines catégories populaires dans l'ordre moral local

3. Se protéger des pauvres :
- Désordre, souillure et contamination [n° 3]
- de l'obsession sécuritaire aux discriminations [n° 4]

4. Justifier la pauvreté [n° 5] :
- Racismes et naturalisation de la pauvreté
- Idéologies du mérite et répertoires néolibéraux de la justification des privilèges

5. le triptyque de la discrimination :
- La construction d'une frontière morale [n°6]
- Un processus de répulsion
- La justification des inégalités et la neutralisation de la compassion [n° 7]

6. Refoulement de la solidarité ou solidarité à distance ? :
- Les déterminants de la solidarité [n° 8]
- L'empreinte d'un régime d'attachement [n° 9]

Conclusion

Annexe méthodologique : le déroulement de l'enquête

Liste des interviewés
[...]
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Que ce fut long! Ce livre est en fait une étude sur les rapports des riches aux pauvres. Sans surprise, on y découvre que dans les 3 villes étudiées : Paris, New Dehli et Sao Paulo, les riches réagissent de la même façon. Ils vivent au même endroit par quartier, souvent assez éloigné des quartiers pauvres. le rapport dualistes des riches sur la pauvreté est aussi largement évoqué. Cela dit, tout ce que j'ai lu dans ce livre me paraît évident. Il me semble que chacun d'entre nous sait cela. C'est pourquoi, je n'ai pas franchement apprécié ce livre et n'en conseillerais pas la lecture. Je reconnais cependant aux auteurs un gros travail d'analyse et d'interviews.
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
9. « La "naturalisation" et la "victimisation" de la pauvreté peuvent donc être considérés comme deux pôles opposés dans l'appréhension du phénomène. Entre ces deux extrêmes, il existe comme un continuum de situations autour de ce que l'on peut appeler la "culpabilisation" des pauvres. Certaines sociétés ne se réfèrent pas à un ordre social naturel où les pauvres seraient destinés à occuper des fonctions inférieures, mais n'adhèrent pas non plus pleinement à l'image opposée où ils seraient des victimes pour lesquelles il faudrait se mobiliser collectivement. Les pauvres sont donc appelés à se prendre en charge eux-mêmes en saisissant les opportunités que le système économique et social peut leur procurer et, faute d'y parvenir, ils sont alors jugés incapables, irresponsables ou paresseux. » (p. 262)
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7. « L'écart de revenus entre les riches et les pauvres est si élevé dans ce pays [le Brésil, mais est-ce utile de le préciser ?] qu'il impose aux premiers de se justifier et de se disculper. Il est frappant de constater que nombre d'interviewés éprouvent intensément ce besoin, un peu comme s'il restait en eux-mêmes un fond de mauvaise conscience que seul un travail d'auto-persuasion argumenté pouvait dissiper. En puisant dans leur biographie personnelle ou familiale, ils relatent des épisodes suggérant le courage, la témérité, la volonté de réussir dont eux-mêmes ou leurs ascendants ont fait preuve au cours de leur vie pour se convaincre qu'ils ne doivent rien à la société et qu'il serait même absurde de penser qu'ils pourraient être, ne fût-ce qu'indirectement, responsables de la misère qui sévit auprès d'eux. Ils en tirent souvent un sentiment de fierté, de gloire personnelle ou familiale, qu'ils ne cherchent pas à dissimuler. Ce qu'ils ont acquis, ils le doivent prétendument avant tout à leur mérite et à la loi de sélection naturelle qui récompense les plus doués et les plus combatifs. L'idée que les pauvres pourraient être victimes d'un système foncièrement inégalitaire et injuste leur est à l'inverse étrangère – du moins les discours n'en portent-ils aucune trace. Certains les considèrent même comme des parasites. » (p. 239)
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La signification du concept de méritocratie demeure néanmoins incertaine. Les idéologies qui s'en réclament pâtissent en effet de l’ambiguïté qui est à l'origine même de la notion de mérite, caractérisée par un entremêlement de composantes innées et acquises. Si le "sens de l"effort" et le "goûts du travail" y occupent une place centrale, les "dons naturels" et les "qualités innées" peuvent aussi être valorisées par un système prétendument méritocratique. La frontière séparant les discours relevant de la naturalisation des inégalités de ceux célébrant les vertus du mérite est donc imprécise et labile.
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5. « Lorsqu'ils [les interviewés parisiens] cèdent à la tentation de la naturalisation [de la pauvreté], ils se cantonnent généralement à la mise en avant de supposés dons génétiques des privilégiés ou, à l'inverse, de tares culturelles (et non biologiques) dont seraient affligés les plus pauvres. Les références à la race sont relativement discrètes dans les discours et, lorsqu'elles émergent, c'est plutôt dans une variante culturelle que biologique. À São Paulo, on retrouve une insistance sur l'importance des supposés dons génétiques et un racisme présent mais souvent dissimulé [on euphémise les mulâtres en désignant les Nordestins] dans les contextes les plus publics. Les personnes interviewées à Delhi se distinguent, elles, par une mobilisation beaucoup plus fréquente de discours visant à naturaliser la pauvreté sur la base de la caste. Elles s'appuient pour cela, d'une part, sur la théorie du karma et, de l'autre, sur l'affirmation de différences culturelles entre les groupes de caste. » (pp. 170-171)
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3. « Selon les métropoles, elle [l'insécurité] apparaît souvent reliée à l'exode rural ou à l'immigration. Faut-il alors considérer que la mondialisation et les phénomènes migratoires liés aux processus d'urbanisation et de modernisation des villes ont réactivé l'image de la "classe dangereuse n'appartenant pas à la ville, suspecte de tous les crimes, de tous les maux, de toutes les violences, non seulement par ses caractères propres, mais par le fait de son origine extérieure à la ville" [Louis Chevalier, Classes laborieuses et classes dangereuses à Paris pendant la première moitié du XIXe siècle] ?
[…]
Modulée, réactivée et réadaptée en fonction des réalités locales, la question de l'hygiène a ainsi été posée dans chaque métropole en lien avec les besoins des élites de légitimer les inégalités sociales et de justifier leur traduction spatiale. C'est en cela que les représentations que la problématique sanitaire nourrit acquièrent un caractère idéologique. » (pp. 118-119)
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