Il est des rendez-vous littéraires que l'on loupe. Pour plusieurs raisons : pas le bon moment, pas le bon état s'esprit, roman qui ne nous correspond pas ou tout simplement, roman où l'on s'ennuie un peu.
Ce n'est pas la première fois que, dans un roman policier, les crimes, disparitions (ou autres) ne sont qu'un prétexte pour nous parler du pays, de son Histoire, de son peuple, des misères qui les frappe…
Cela ne m'a jamais dérangé, que du contraire, j'apprécie puisque c'est l'occasion de découvrir un pays, une culture, autrement.
Dans ce polar qui n'en est pas vraiment un, l'auteur met en scène la Yougoslavie avant la guerre, du temps où elle ne faisait qu'un seul pays. En 1989, une disparition a eu lieu dans le petit village de Misto (côte dalmate, sur la mer Adriatique) : Silva est allée à une soirée et elle n'est jamais revenue.
Les recherches ont lieu, on ne la retrouve pas, puis la guerre éclate et il y a un changement radical ensuite puisque le pays va se diviser en plusieurs.
Tout a changé, plus rien n'est le même et le village de Misto va se muer en station balnéaire. le communisme n'est plus, place au capitalisme qui laisse bien des travailleurs sur le carreau suite aux fermetures d'usines.
Du suspense, il y en aura peu, l'enquête policière tournera vite à rien. Si comme moi, vous cherchez un roman policier pur et dur, passez votre chemin.
Pire, la solution finale semblera toute droite sortie d'un chapeau, même si j'avais deviné, me trompant de peu (oui, je ferais une mauvaise enquêtrice !).
En fait, ce roman est plus à découvrir pour la psychologie des personnages et l'éclatement total d'une famille, celle de la disparue.
Tout comme le pays, elle s'est divisée, il y a eu des mots entre eux... Sans la disparition, sans les erreurs, le destin de certaines personnes n'auraient pas été le même.
Avec des "Si", on mettrait Paris en bouteille, si ma tante en avait eu, on l'aurait appelée mon oncle. L'enquêteur Gorki Šain le comprendra à la fin, lorsque la lumière se fera dans son esprit.
Beaucoup trop de "Si" qui ont changé toute la donne, qui ont changé des vies, des destins… Ce fut le moment le plus émouvant du roman, de voir à quoi nos vies tiennent…
De cette lecture comateuse, je retiendrai pourtant l'écriture de l'auteur, ses belles descriptions de ce petit village de Yougoslavie, de ses habitants, avant et après la chute du régime de Tito, leur misère, les entreprises sans scrupules qui veulent transformer leur côte en station balnéaire, cette arrivée massive de touristes…
Un des avantages de ce récit, c'est qu'il donnera la parole aux personnages les plus importants. Cette chorale de voix permet de mieux appréhender leurs caractères, leurs complexités, leurs pensées, leurs désirs, leurs états d'âmes…
Je retiendrai aussi les portraits fracassés, des personnages en proie à des sentiments différents selon leur positionnement par rapport à Silva : le père qui renonce, la mère qui se morfond, le fils qui cherche sans renoncer, l'enquêteur hanté par cette enquête non résolue, un accusé qui veut se racheter durant la guerre, l'ancien petit ami qui se détruit,…
Leur seul point commun est d'avoir loupé leur vie depuis la disparition de Silva. Paraît que 6 croix peuvent changer votre vie, en porter une aussi… Une disparition et votre futur imaginé/souhaité disparaît, devient un autre, un futur merdique.
Si ce roman policier est endormant, loin d'être trépidant, au moins, les portraits sont bien ciselés du côté psychologique. Ceci est un roman noir sans possibilité d'y déposer un sucre pour l'adoucir.
Hélas, la rencontre entre lui et moi a foiré… Dommage, je voulais le lire depuis longtemps.
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