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Mister Mammoth tome 2 sur 2

Sidonie Van Den Dries (Traducteur)
EAN : 9782754832892
48 pages
Futuropolis (22/06/2022)
4.07/5   14 notes
Résumé :
Mr Mammoth est un détective hors du commun : géant à l'apparence monstrueuse, il refuse la violence. Brillant, il continue de vivre modestement, dans un bureau insalubre, et refuse même d'avoir une assistante. Quand un richissime client vient le voir pour enquêter sur un mystérieux maitre chanteur qui le menace, alors qu'il prétend n'avoir rien à se reprocher, le détective décide de relever le défi. Et si derrière cette enquête se cachait des secrets bien enfouis ? ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Les histoires sont les meilleurs des médicaments.
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Ce tome est le premier d'un diptyque. Sa première édition date de 2022. Matt Kindt a écrit le scénario, il a été dessiné et mis en couleur par Jean-Denis Pendanx. La traduction a été réalisée par Sidonie van den Dries. Il compte quarante-cinq pages de bande dessinée. La première édition comprend également un cahier graphique de huit pages, dont une planche avec les esquisses graphiques du personnage réalisées par Kindt.

À New York, le soir, dans un bar appelé The little Montmartre, un téléviseur diffuse un film ou un reportage à la télé : une jeune femme monte à cheval et galope. Elle approche d'un château, et un homme armé d'un pistolet s'avance vers elle se met à courir. Par un beau matin de mai, on aurait pu apercevoir une jeune et svelte cavalière, chevauchant une belle jument alezane dans les avenues fleuries du bois de Boulogne. Elle part pour une mission au coeur de la ville. On aurait pu l'apercevoir si elle ne s'était évertuée à rester dans l'ombre. La zone de quarantaine est interdite aux visiteurs. C'est une mission périlleuse. Et au fond, elle se demande à quoi bon tous ces efforts. Elle a tout de même été chassée, par son propre mari, qui plus est. Les médecins lui avaient diagnostiqué une maladie mentale. Un diagnostic arbitraire, selon elle. Dans le but de l'éloigner, de la contrôler. C'est pourquoi elle prenait tous ces risques. Même celui de tuer. Ce qu'elle avait prévu était un meurtre parfait. Mais comme l'avait mentionné Voltaire, le mieux est l'ennemi du bien. C'était ainsi. Elle ne commettrait pas le crime parfait. Elle voulait juste réussir son coup. En fait le téléviseur se trouve par terre, couché sur le côté, dans la salle où les tables et les chaises ont été renversées par une violente bagarre qui est en train de se poursuivre à l'extérieur.

En bas de l'escalier qui mène à la porte d'accès du bar, une demi-douzaine d'individus gît par terre, en train de se remettre de la dérouillée qu'ils viennent de prendre. Quelques pas plus loin, la bagarre continue de plus belle, avec une autre demi-douzaine d'individus s'en prenant à un individu de grande stature, lui criant dessus qu'ils lui diront qu'ils veulent regarder le match, et il devra les laisser regarder le match. Alors qu'ils s'acharnent sur Mister Mammoth à terre, des sirènes retentissent. Ils décident de mettre les bouts. Celui-ci se redresse péniblement, en marmonnant que ce n'était pas un soap, mais un polar existentiel, une comédie dramatique. Il se relève avec difficulté, il titube quelques pas, il chute lourdement sur le trottoir. Il prononce le mot Maman, comme un petit garçon qui se relève la nuit et qui trouve sa mère inconsciente. le lendemain, le visage déformé par les hématomes, Mister Mammoth se trouve à son poste, sur son fauteuil dans son bureau d'agence de détective privé. En face de lui se trouve monsieur William Carona. Ce dernier évoque les qualités de Mister Mammoth : son intelligence, la plus remarquable qui se soit jamais soumise au processus de déduction. Il souhaite l'engager pour savoir qui l'a pris en photo et pourquoi.

Matt Kindt est l'auteur complet, scénario & dessins, de la série Mind MGMT (2012-2015), un récit extraordinaire entre espionnage, anticipation et existentialisme, ainsi que de nombreux autres comics. Il s'est associé avec l'éditeur Futuropolis pour écrire sa première bande dessinée dans un format franco-belge, en deux tomes, dessinée par un autre artiste. Comme à son habitude, il inscrit son récit dans un genre bien typé, celui du polar avec un détective privé au physique très imposant, en mettant en oeuvre les conventions propres à ce genre : mal-être du personnage principal jusqu'à provoquer une bagarre pour se faire dérouiller, enquête avec un client mystérieux qui lui déclare avoir été suivi sans raison apparente, avec juste un cliché photographique pour le prouver, recherche d'indices en commençant par la provenance de la photographie, puis en confrontant son client avec des informations qu'il avait cachées, une jeune femme déchue d'un haut statut social travaillant comme hôtesse dans un club de jazz. L'artiste joue lui aussi des conventions visuelles du polar : la bagarre de rue avec des coups de poing bien sentis, un peu de sang sans exagération, des individus à l'allure évoquant les séries télé américaines urbaines des années 1970, la silhouette haute et massive, très imposante du privé au visage fermé, avec son feutre mou de rigueur, l'apparent calme détendu du client que lui donne sa richesse, le club de jazz à la lumière orangée, chaude et vénéneuse, la pénombre de la ruelle où se déroule la bagarre fortement contrastée avec la lumière trop forte du jour radieux. du pur polar dans tout ce qu'il peut avoir d'archétypal.

Toutefois ce registre évident de polar est contrarié dès la première page, avec le premier phylactère : par un beau matin de mai. Cette cavalière sur sa monture, avec des dessins qui ne montrent d'abord qu'une vague silhouette bleutée sur fond vert, pour se faire de plus en plus précis, des images sur un écran de télé, une histoire fictive dans l'histoire de l'enquête. le lecteur met ces quelques cases quelque part au fond de sa mémoire, pour mieux savourer les conventions du polar. Page 10, il découvre quatre cases avec un petit garçon réveillé la nuit : la mise ne scène lui fait comprendre qu'il s'agit vraisemblablement de Mister Mammoth encore enfant, un souvenir traumatique. D'un autre côté le privé traumatisé par son enfance, cela s'inscrit également dans la liste des conventions du genre. L'enquête commence pour de bon avec le client dans le bureau du détective privé en page 11, pas de femme fatale, mais un décalage entre l'élégance et la décontraction de William Carona, et la tronche salement amochée de Mammoth et son visage dur et fermé. Une nouvelle sortie de route en pages 23 à 27 : Mammoth est sortie de la ville en voiture et il travaille avec masse et burin dans une immense zone dégagée après une forêt luxuriante, pour apporter des pierres à un édifice à la construction déjà bien avancée. de très belles pages, avec des couleurs rendant bien compte des ambiances lumineuses, celle verte et ombragée sous les frondaisons, celle plus lumineuse à découvert, mettant en avant la force physique du personnage, ainsi que la chaleur.

Puis page 37, l'intrigue repasse à la jeune femme du début pendant six pages. Une narration visuelle envoutante avec une progression dans un égout, et une sortie dans un quartier totalement différent de la ville, très inattendu. le nombre de cases par page n'est pas très élevé : entre trois et sept, donnant de la place à l'artiste qui la met à profit avec des cases présentant une bonne densité d'informations visuelles, et à nouveau un beau travail sur les couleurs pour rendre compte des enseignes au néon, tranchant sur la grisaille des façades des immeubles. Les quatre dernières pages reviennent au petit garçon avec à nouveau une ambiance lumineuse différente, un contraste entre la grisaille différente, plus froide, des appareils technologiques, et le vert plus chaud d'une toile accrochée au mur. Une image très déconcertante qui semble être un visage se surimposant à l'image d'une autre toile, à moins qu'il ne fasse partie de cette même toile. En repassant en revue ces pages, le lecteur prend mieux conscience que derrière la facilité de lecture de chaque case, de chaque page, se trouvent de nombreuses informations visuelles distillées avec une évidence qui relève d'un art consommé de la narration visuelle.

Le lecteur familier de l'oeuvre de Matt Kindt ne se retrouve pas déstabilisé par cette alternance inattendue entre l'enquête sur un mode Polar très classique et ce qui semble relever de souvenirs, d'une autre dimension fictionnelle pour les aventures de la jeune femme, ou peut-être de visions oniriques. Il peut également avoir à l'esprit que tous les narrateurs ne sont pas forcément fiables, voire que ce qui est montré peut être trompeur, soit sublimé par rapport à la réalité ou une vue de l'esprit, la façon pour un individu de se voir, en décalage avec la réalité. D'ailleurs, certaines phrases éparses semblent bien lui suggérer ces façons de voir. Les médecins lui avaient diagnostiqué une maladie mentale. Vous devriez vous faire payer une fortune, vivre dans un château. On se construit tous des fictions, des versions améliorées de la vérité. On les bâtit petit à petit. J'aime à penser que ces fictions finissent par refléter une certaine vérité. Ou peut-être… Les histoires sont les meilleurs des médicaments. Ces petites remarques en passant finissent par produire un effet cumulatif : et si ? Qui se raconte une histoire ? Chaque personnage ne se verrait-il pas en héros de sa propre histoire personnelle ? La jeune femme sur son cheval ne serait-elle pas là même que Vera ? D'ailleurs, William Carona se fait des histoires d'avoir reçu une photographie de lui en pleine rue, et qu'en est-il ? D'une certaine manière, Mammoth ne serait-il pas en train de se bâtir un château en Espagne ? La subtilité narrative se trouve dans le fait que ces questionnements proviennent aussi bien de ces quelques petites phrases que d'échos visuels discrets d'une case à une autre.

Une bande dessinée qui se lit très rapidement, des pages très agréables à l'oeil d'une simplicité évidente, une histoire d'enquête qui semble aussi cliché que prétexte, pour un premier tome qui semble un peu creux et pas très cohérent. Mais certaines remarques restent en tête du lecteur, et certaines images décalées finissent par prendre sens. le lecteur se dit que la forme artificielle de la narration et les intrigues secondaires déconnectées se répondent dans une thématique sur la manière de se représenter la réalité. Il se dit que Jean-Denis Pendanx raconte beaucoup de choses avec les images, ce qui donne cette impression de lecture facile, et que Matt Kindt joue avec élégance sur son thème favori qui est celui de la perception partielle et partiale de la réalité par l'être humain, ce qui en induit une compréhension déformée par les émotions et les sensations. Chaque individu se raconte sa propre histoire, ce qui est à la fois une maladie et un médicament.
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La vie est imparfaite. Ce n'est pas une énigme qu'on peut résoudre.
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Ce tome est le second d'un diptyque ; il faut donc avoir lu premier avant. Sa première édition date de 2022. Matt Kindt a écrit le scénario, il a été dessiné et mis en couleur par Jean-Denis Pendanx. La traduction a été réalisée par Sidonie van den Dries. Il compte quarante-six pages de bande dessinée.

Dans la grande mégapole, Weezie est venue rendre visite à Mister Mammoth dans son bureau de détective privé. Ce dernier lui explique les déductions qu'il a faites à partir de la photographie que son client William Carona lui a remise. Celle-ci est une mise en scène : la date prouve qu'elle a été prise il y a plusieurs mois, et non la semaine dernière. On ne le fait pas chanter pour lui soutirer de l'argent. Il n'y a pas de Mr. X. Weezie lui demande pour quelle raison il lui aurait menti. Il explique. Carona pense pouvoir berner Mammoth. C'est typique des gens qui ont de l'argent. C'est l'homme le plus riche de la ville. Mais l'argent c'est comme les empreintes digitales. Les gens peuvent mentir. L'argent, jamais. La peur de la vérité conduit à la dissimulation. le mensonge est un indice en soi. C'est l'espace en creux qui dessine les contours de la vérité. Pourvu qu'on sache le voir. Dans la rue, une personne sans domicile fixe dort à même sur le trottoir avec dans sa main gauche un petit sachet en plastique transparent contenant un cachet avec un étrange logo imprimé dans la matière. Dans l'immeuble, Mister Mammoth est monté et visite un appartement en désordre où il trouve un document révélateur.

Sur les quais désertés de la plateforme d'une station de ligne souterraine du métro, le détective privé Quinlan va ouvrir une consigne. À l'intérieur, il trouve plusieurs liasses de billets, quelques petites pochettes plastiques avec des comprimés portant le même logo, et un mot manuscrit : effacer l'ardoise. le soir, Mister Mammoth remonte une rue pentue et pénètre dans une échoppe portant l'enseigne Fortune Teller. Il rentre dans une pièce éclairée de rouge sombre, décorée avec des tentures rouges et des accessoires ésotériques. Il est accueilli par Julia, la voyante. Mammoth est étonné qu'elle ne soit pas surprise de le voir. Elle lui rappelle qu'elle est une voyante. Il lui montre une photographie où un homme et une femme en blouse de laborantin sont en train de manipuler des tubes à essai et des éprouvettes. Il lui demande si elle connait un dénommé Will. Elle lui répond qu'elle n'aime pas les questions. Elle lui prend sa main droite posée sur sa table ronde, et lui remonte la manche pour lui lire les lignes. Elle découvre cinq cicatrices parallèles qui courent tout le long de son avant-bras. Une image s'impose à l'esprit de Mammoth : un garçon assis sur un siège, un casque avec des électrodes sur sa tête, dans un laboratoire. Julia lui demande si ça va. Une autre image : le même jeune garçon assis tout seul à une table dans une très grande salle de bibliothèque. Une main qui se pose sur son épaule. Une aiguille qui s'enfonce dans son avant-bras.

La première partie est pleine de mystères et de questions, incitant le lecteur à établir par lui-même des liens de cause à effet, de faire des déductions pour donner du sens à l'intrigue, au comportement des personnages, à la suite des séquences, à identifier les schémas narratifs. Ce second tome présente les mêmes caractéristiques narratives que la première moitié. Pour commencer, il se lit avec une facilité déconcertante, à bonne allure, sans pour autant donner l'impression d'être creux. L'artiste réalise des dessins dans un registre descriptif et réaliste, avec un trait de contour assez fin, pas très appuyé, de rares aplats de noir, ce qui les rend très facile à lire. Chaque image semble naturelle et évidente. Au bout de quelques pages, cette facilité finit donner l'impression d'une faible quantité de cases par page, et d'une faible densité d'informations visuelles. Des cases de la largeur de la page, parfois avec un simple visage au centre. Il y a bien quelques cases comme ça, mais en fait le nombre de cases par page varie de deux à neuf le plus souvent entre cinq et sept. Les informations visuelles sont bien présentes, nombreuses et variées. Il suffit de regarder la deuxième planche et ses six cases : le sans domicile fixe allongé, sa couverture, son balluchon, son sac, la chaise à roulette, la borne incendie, la prise d'air, les déchets sur la chaussée, le petit sachet en plastique, le logo sur le comprimé, la façade de l'immeuble avec la gaine métallique, la fenêtre ouverte, la descente d'eau pluviale. La forme du récit incite le lecteur à consacrer un certain temps à la lecture du dessin en pleine page, en vis-à-vis pour repérer des indices.

Comme dans le premier tome, la narration visuelle apporte énormément d'informations de nature variée. Ne serait-ce que pour les lieux, le lecteur éprouve à chaque fois l'impression de s'y trouver aux côtés du ou des personnages : le bureau de détective dans une lumière tamisée, le quai de métro désert un peu inquiétant, le cabinet de madame Julia et sa chaude lumière rouge orangé, le palais où Mammoth apporte sa pierre sous une lumière crue du soleil, la grande pièce toute nue avec le grand tableau noir dans l'institut, le canot à moteur avec lequel Mammoth rejoint l'île sur une mer peu agitée, la salle d'étude et ses grands rayonnages dans le même institut, etc. le lecteur se rend compte qu'il ralentit inconsciemment sa lecture à intervalle régulier pour prendre le temps de savourer une case comme la vue du dessus des toits du quartier où se trouve le bureau de Mammoth, l'urbanisme de la rue en pente, les rayonnages de la bibliothèque qui semblent infinis dans le souvenir du garçon, les couleurs du vase en verre, la grande toile noire dans son cadre, accrochée au mur, les créations du verrier qui scintillent au soleil, etc. Sous des dehors doux et simples, les pages racontent énormément de choses, avec une évidence déconcertante. Les personnages disposent tous d'une véritable identité graphique, à commencer par Mister Mammoth avec sa très haute taille et sa carrure imposante, mais aussi Weezie, Quinlan et William Carona. Les gestes et les postures s'inscrivent dans un registre réaliste, sauf pour les scènes relevant du feuilleton télévisé, où ils sont plus gracieux.

Le lecteur est d'autant plus attentif aux dessins qu'il reprend cette histoire, bien décidé à identifier les schémas en relevant les indices, à découvrir le fin mot de l'histoire, tout en savourant l'effet de surprise créé par chaque scène. Première scène : Mister Mammoth se livre à des déductions, prouvant qu'il est le meilleur détective du monde. Puis il va chercher des indices dans une sorte de laboratoire peut-être clandestin, et il va consulter une voyante, remontant la piste de fil en aiguille. Il s'agit bien d'une histoire à base d'enquête. Dès la page neuf, un souvenir resurgit, de ce garçon subissant un traitement éducatif non conventionnel et non consenti. Il ne fait pas beaucoup de doute dans l'esprit du lecteur qu'il s'agit de Mammoth enfant. En pages quinze et seize, Mammoth est de retour dans cet étrange endroit à l'écart, une sorte de grand palais totalement désert qu'il a peut-être construit lui-même. En page dix-sept, la charmante jeune femme héroïne de feuilleton télévisé menace un homme d'un pistolet, dans un grand salon luxueux, et elle l'abat, puis roule son cadavre dans un tapis. Un cartouche de texte précise : son mari l'a obligée à quitter la zone de quarantaine. Ça fait tilt pour le lecteur : effectivement il avait été question de cette histoire et la quarantaine était mentionnée dans la première partie, et il avait même laissée cette femme dans un quartier pouvant être Chinatown ou peut-être Hong-Kong.

C'est sûr : il y a une trame de fond logique sur laquelle s'agencent tous ses événements, mais elle n'est pas accessible par la simple déduction, pour le lecteur. Qu'importe, le récit s'avère riche d'autres composantes. Il y a la dimension polar : le scénariste en manie les codes avec une belle élégance, comme les remarques sur les gens riches et leurs abus, ou celles sur le mensonge, celle sur la vérité qui devient autre chose transformée par les souvenirs et le temps qui passe. le lecteur relève également des interrogations plus philosophiques. La question sur la contrepartie de l'amour, du bonheur. le caractère imparfait de la vie : ce n'est pas une énigme qu'on peut résoudre. La manière dont on ne peut pas se débarrasser des choses qui nous déplaisent. le lecteur note que plusieurs termes écrits directement dans le dessin sont restés en anglais, comme Fortune Teller, Foresight, The perfect frame. Il se dit que la traductrice n'a pas forcément pu rendre compte de la polysémie de certains termes anglosaxons. Par exemple, Perfect Frame peut se concevoir littéralement comme le cadre parfait, un cadre de tableau, ou de manière littérale comme un contexte parfait, celui de l'enquête pour en apprendre plus sur soi, ou de manière imagée comme étant également le piège parfait pour faire porter le chapeau à quelqu'un. Il est vraisemblable que Kindt ait joué sur la polysémie d'autres termes en anglais et que ça ne puisse pas être reproduit à la traduction. Et puis… comme à son habitude le scénariste boucle son récit : avec une scène d'explication comme dans un polar où le détective expose ce qu'il a compris, en montrant littéralement le meilleur détective du monde à l'oeuvre, et il tient ses promesses de bien plus de manières que ce à quoi s'attendait le lecteur. Sans oublier de refaire le lien entre les éléments disparates comme ce palais et la situation de l'actrice. le lecteur peut trouver à redire sur un ou deux détails, comme la mort de l'institutrice que Mammoth aurait dû pouvoir empêcher, mais il est subjugué par les différents niveaux de résolution.

Il ne fait pas de doute que les auteurs ont conçu leur récit d'un seul tenant et que le choix de le publier en deux tomes est celui de l'éditeur pour des questions de viabilité commerciale. Cela ne retire rien au plaisir de la lecture. Jean-Denis Pendanx réalise une narration visuelle épatante par son accessibilité et sa facilité de lecture, et par sa richesse. Matt Kindt a construit un polar comme il sait en mitonner, avec une véritable enquête, avec une accroche irrésistible, celle de voir à l'oeuvre le meilleur détective du monde, en manipulant avec dextérité les conventions du genre, tout en développant une réflexion touchante sur la réalité, sur le pouvoir des histoires, sur les limites de la mémoire, avec à la clef un véritable meurtre parfait.
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On en sait désormais plus sur l'étrange vie de Mister Mammoth et comme l'annonce le sticker rouge apposé sur ce tome deux voici bien un « polar énigmatique et envoûtant » de Matt Kindt et Jean-Denis Pendanx. L'association de ce duo ultra doué (chez Futuro, foncez sur « Dept H. » et « Grasskings » de Kindt, et sur « A fake story » de Pendanx, pour ce qui est du polar…) donne une oeuvre assez déroutante, il faut bien l'avouer. Déjà par son personnage principal, ce Mammoth, détective-colosse impressionnant, qui ne joue pas des poings ni des muscles pour ses enquêtes. Première entorse au hard-boiled, pour celles et ceux qui pensaient s'attaquer à un récit du genre.
du reste, les premières pages du tome 1, superbes, se dégustaient comme un pré-générique – trompeur puisque bagarreur - jusqu'à la pleine page distillant de premiers indices sur ce qu'allait être ce Mister Mammoth : « un polar existentiel… Une comédie dramatique... » . Excellente entrée en matière visuelle et narrative ! Pour la suite, nous voici plongés dans une véritable enquête menée par le « héros » - c'est bien un polar, n'est-ce pas ? – où un homme fortuné l'embauche pour découvrir qui lui a envoyé des menaces téléphoniques visant à ruiner sa réputation. Voilà pour la mise sur les rails, dans une Amérique urbaine des années 70. Puis le récit va dévier vers d'autres horizons, d'autres décors, plus intimes, plus psychologiques, et se recentrer sur Mammoth lui-même. Ce qu'il est et pourquoi il l'est. L'ensemble, au final, peut laisser perplexe, mais il faut lire – et relire – ce diptyque, fruit d'une collaboration inédite entre deux grands auteurs. Il a une dimension onirique assez inattendue. Espérons qu'une intégrale verra le jour, car Mister Mammoth mérite vraiment d'être lu d'un seul coup. Comme un coup de poing, soyeux…
Lien : http://bedepolar.blogspot.co..
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L'Ogre Détective

Polar atypique, iconoclaste et contemplatif, Mister Mammoth s'inscrit dans la veine du roman noir…

Construit autour d'un personnage tout en contraste, véritable colosse doté d'une intelligence dépassant l'entendement et d'une surprenante sensibilité, l'histoire ciselée signée par le prolifique Matt Kindt, bien connu des amateurs de comics, est une petite merveille de finesse et de subtilité. L'auteur tisse avec malice plusieurs fils narratifs en apparence disparates, semblant mettre le focus sur un personnage pour l'oublier après quelques cases, entraînant le lecteur dans les souvenirs diffus du détective pour revenir à la réalité après une séquence tout à la fois délicieusement angoissante et terriblement poétique. Et, d'un coup, sans crier gare, le scénariste assemblent ces différentes trames pour former un tout délicieusement cohérent…

L'efficacité de son récit est assurée par le fascinant talent de Jean-Denis Pendanx. Mettant en scène un personnage atypique évoluant dans des décors superbes, son dessin envoûtant aux accents poétique, par ailleurs sublimé par une mise en couleur lumineuse et délicate, entre en résonnance avec l'histoire et distille une ambiance aussi inquiétante qu'irréelle…

Ce second tome apporte une conclusion à un polar aussi déroutant que fascinant dans lequel les auteurs s'amusent à perdre le lecteur, pour mieux l'entraîner dans leur univers et le surprendre, lorsqu'il s'y attendait le moins…

Lien : http://sdimag.fr/index.php?r..
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Une lecture bien ficelée mais dont j'ai du mal à comprendre le découpage en deux tomes. Un tome unique donnerait un rythme différent et une immersion différente dans l'oeuvre. Quand la tension s'installe, on se retrouve coupé et le deuxième tome semble être à contre-courant du premier.
Mais ce n'est qu'un détail finalement. On a une intrigue intéressante mais trop courte malheureusement. J'aurais aimé bien plus de pages.
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critiques presse (2)
LaTribuneDeGeneve
22 août 2022
Création transatlantique, «Mister Mammoth» est signé par Matt Kindt au scénario, pour le dessinateur français Jean-Denis Pendanx. Auteur d’une œuvre protéiforme, l’Américain livre une intrigue alambiquée, en ne dévoilant que par bribes différents éléments sur son héros.
Lire la critique sur le site : LaTribuneDeGeneve
ActuaBD
21 juillet 2022
Matt Kindt sait y faire, faisant avancer son récit avec un minimum de mots, des dialogues bien troussés et les pensées de Mr Mammoth, et c’est tout. C’est d’ailleurs l’occasion pour nous de signaler l’efficace travail de traduction effectué par Sidonie Van den Dries.
Lire la critique sur le site : ActuaBD
Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
Votre intelligence est la plus remarquable qui se soit jamais soumise au processus de détection. Votre réputation est légendaire. Vous avez un dossier en béton. Vous avez élucidé absolument toutes les affaires dont vous vous êtes chargé. Vous devriez vous faire payer une fortune, vivre dans un château. Vous pourriez vous offrir une armée d’assistants. Pourtant vous choisissez de travailler ici, dans cet immeuble sans ascenseur, sans assistant, sans air conditionné. Vous cachez votre intelligence sous cette apparence bourrue, dans ce cadre délabré. En réalité, vous êtes le meilleur détective qui existe, et personne n’est au courant. L’assassinat de la fille du milliardaire… qui en fait n’était pas morte. Vous avez élucidé cette affaire en moins d’une heure. Les meurtres en série de femmes bronzées. La rumeur dit que vous avez résolu ce cas sans même quitter votre bureau. L’incendie criminel de l’hôpital pour enfants… même si personne ne l’a su, c’est vous qui avez identifié in extremis la dernière cible du pyromane de minuit.
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Par un beau matin de mai, on aurait pu apercevoir une jeune et svelte cavalière, chevauchant une belle jument alezane dans les avenues fleuries du bois de Boulogne. Elle part pour une mission au cœur de la ville. On aurait pu l’apercevoir si elle ne s’était évertuée à rester dans l’ombre. La zone de quarantaine est interdite aux visiteurs. C’est une mission périlleuse. Et au fond, elle se demande à quoi bon tous ces efforts. Elle a tout de même été chassée, par son propre mari, qui plus est. Les médecins lui avaient diagnostiqué une maladie mentale. Un diagnostic arbitraire, selon elle. Dans le but de l’éloigner, de la contrôler. C’est pourquoi elle prenait tous ces risques. Même celui de tuer. Ce qu’elle avait prévu était un meurtre parfait. Mais comme l’avait mentionné Voltaire, le mieux est l’ennemi du bien. C’était ainsi. Elle ne commettrait pas le crime parfait. Elle voulait juste réussir son coup.
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La vie est imparfaite. Ce n’est pas une énigme qu’on peut résoudre. On recouvre de papier les choses qui nous déplaisent. On oublie ce vers quoi on est portés. On l’enterre profondément. Pour dissimuler le passé. Pour créer un nouvel avenir. On déplace des objets. Mais on laisse des traces. Des empreintes. Des cicatrices. On aura beau fermer une porte, les mêmes choses demeureront dedans et dehors. Et finalement quoi qu’on fasse à la pièce, c’est nous qui sommes dedans.
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La plupart des crimes sont évidents. Les mobiles sont simples. La haine, la cupidité, l’amour. Tous les mobiles, tous les actes semblent écrits d’avance. Mais pas celui-là. Ce cas est différent de tous les autres.
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Salut Weezie, ça fait un bail, ou un truc dans le genre. Voilà comment on aborde une amie avant de lui demander un service. Pour un gars intelligent tu sais que rates beaucoup de signaux sociaux de base.
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Videos de Matt Kindt (31) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Matt Kindt
La conclusion de la saga épique de l'immortel B., créée par Keanu Reeves, co-scénarisée par Matt Kindt (Folklords, Grass Kings) et dessinée par Ron Garney (Wolverine, Captain America), bientôt adaptée sur Netflix. Dans cet ultime tome de la trilogie, les anciens mystères sur les origines de notre anti-héros et son destin final sont dévoilés ! Alors que la fureur de B. se déchaîne, une nouvelle découverte promet d'apporter les réponses qu'il cherche depuis des siècles. Mais alors que l'équipe voyage pour enfin comprendre les mystères de la naissance de B., va-t-il atteindre son objectif, ou tous ses efforts auront-ils été vains ?
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