Écrire un bouquin sur "
les vertus de l'échec" et s'appeller Pepin, ça s'invente pas !
Dans l'absolu, c'est un sujet assez classique pour un essai que l'on pourrait ranger dans la catégorie, plutôt à la mode, des bouquins de développement personnel censés changer ta vie, te faire atteindre la plénitude mais aussi résoudre tes problèmes d'érection et faire revenir l'être aimé !!
"Errare humanum est" : tout le monde connaît cette citation. Elle est utilisée à tort et à travers pour se justifier quand on fait une boulette. Cette citation est parfois attribuée à
Seneque ou
Ciceron, voire à Jeff Tuche : "Tu peux perdre 5 cartes, pas 15. Tu peux perdre 6 cartes, tu peux les perdre 6 cartes, mais pas 15 non. Tu peux perdre 7 cartes, mais pas 15."
Mais on oublie souvent la deuxième partie "perseverare diabolicum", persévérer est diabolique !
Le principe de fond est donc : Ose ! N'aies pas peur de te gourer ! Et apprends de tes erreurs pour devenir tous les jours un peu meilleur !
En gros, ce livre a le mérite de nous rappeler que l'échec est indispensable à tout processus d'apprentissage quel qu'il soit et qu'il n'est clairement pas dans la culture française qui promeut beaucoup trop le "fast track", ou "être sur les rails le plus rapidement possible" (qui veut que ta carrière soit toute tracée à vie à partir du moment où tu as réussi eu un diplôme à l'âge de 20 ans) plutôt que le "fail fast", ou "l'art d'apprendre tôt de ses échecs".
Par le biais d'exemples nombreux et variés, C. Pepin illustre que les gens qui ont échoué tôt dans leur vie et qui ont fait l'effort d'analyser leur échec ont globalement une plénitude de vie et une conception de la vie plus aboutie que ceux qui n'ont jamais échoué.
Il décrit la progression de
Richard Gasquet, imbattable étant jeune, par rapport à Raphaël Nadal avant que la tendance ne s'inverse singulièrement. Richard n'a pas assez échoué étant jeune ; il n'a jamais appris à se remettre en question. Il parle de Steve Job, viré de son entreprise Apple, avant de revenir en force quelques années plus tard pour révolutionner la vie du monde entier. de
Xavier Niel, PDG de Free. Ou encore de
J.K. Rowling et des épreuves qu'elle a du surmonter dans sa vie avant d'inventer l'histoire d'un petit sorcier à lunettes et de devenir l'auteur la mieux payée du monde en 2020.
Elon Musk,
André Agassi et même
Charles de Gaulle !
Serge Gainsbourg n'aurait jamais été le talentueux compositeur qu'il a été s'il n'avait pas échoué à devenir un peintre célèbre, sa première passion.
Toute cette série de parcours de vie illustre donc
les vertus de l'échec et des leçons qu'on en tire pour progresser et/ou rebondir.
En revanche, il parle aussi de ces nombreux cadres de grandes entreprises françaises, qui ont toujours suivi leur petit bonhomme de chemin sans vraiment prendre de risque, qui ont suivi la voie tracée par leur diplôme, et qui arrivent à la quarantaine avec un sentiment d'inutilité dans leur travail qui les plongent dans la dépression, phénomène englobé ou caché sous l'expression fourre-tout de "burn out". Ceux-ci n'ont jamais eu à apprendre de leurs échecs et se noient dans le verre d'eau de leur normalité, avec le sentiment de ne pas s'être accompli personnellement.
Contrairement aux pays anglo-saxons, l'audace, la prise de risque n'est pas reconnue en France. Les entretiens d'embauche sont plus basés sur les réussites que sur les échecs et on a plutôt tendance à cacher le fait d'avoir fait faillite trois fois pour ne pas passer pour un loser. Ailleurs, faire faillite plusieurs fois est vu plutôt comme une qualité puisque synonyme d'audace, de persévérance alors que quelqu'un qui n'aura pas échoué n'aura pas le recul nécessaire en cas de difficulté dans son activité.
Ce principe se retrouve même jusque dans l'école française, où l'auteur fait remarquer que le programme hyper formaté et le concept égalitariste de l'école pour tous ne favorise pas du tout la créativité, l'innovation et les modes de pensée alternatifs, à la différence des pays scandinaves par exemple.
Einstein disait "Si tu juges un poisson à sa capacité à grimper aux arbres, il passera sa vie à croire qu'il est idiot".
Et pourtant Einstein a appris à parler très tard et il ne se sentait pas particulièrement en phase avec les méthodes d'apprentissage que ses différentes écoles lui imposaient.
L'école française n'enseigne pas la vertus de l'échec mais le rend au contraire honteux. Qui n'a pas le souvenir d'avoir reçu une mauvaise note, annoncée à haute voix par le prof devant toute la classe, comme une humiliation. Qui n'a jamais senti le regard moqueur de ses camarades quand tu oses une réponse en cours d'anglais avec ton meilleur accent et que tu baragouines finalement un franglais qui fait éclater la classe de rire.
L'école française n'encourage pas assez les singularités. Elle ne se concentre que sur les faiblesses des élèves et pas sur leurs forces.
L'auteur mentionne, sans doute à juste titre, qu'on passe son temps à essayer de redresser un élève nul en langues plutôt que de le féliciter pour ses talents en sciences de la vie ou vice et versa. A trop vouloir que tout le monde réussisse, elle engendre des élèves moyens partout, plutôt que brillants dans le domaine qu'ils aiment.
Globalement, ce livre est bien écrit, il se lit facilement. Il parle de philosophie sans rentrer des du jargon élitiste de pseudo intellectuels et pose des questions et établit des diagnostics intéressants sur la manière de percevoir et de gérer ses échecs afin se sortir des œillères que la société française impose depuis 150 ans.
Histoire de se sentir moins boulet quand on rate un plat de pâtes !!
scob