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Georges Perec écrit ce texte majeur en 1979 alors qu'il prépare un documentaire sur Ellis Island avec Robert Bober. C'est la lecture du récent ouvrage de ce dernier qui m'a remise sur la piste des mots de Perec. Il n'y a bien sûr pas de hasard à cet écrit pour son auteur.
Comme il l'a fait avec W, Perec projette sur Ellis Island, la quête infinie de son identité.
A travers les mots de Georges Perec, au fil des chiffres et des objets, c'est une mécanique broyeuse qui prend forme. Celle d'un accueil à la chaîne, déshumanisé et désincarné. C'est pourquoi l'auteur définit ce lieu comme un « non lieu », une forme de cul de sac .
Lire « Ellis Island » aujourd'hui permet au lecteur d'identifier d'autres non-lieu, comme si Ellis Island au début du vingtième siècle avait initié une marche funèbre pour tous les exils à venir.
Allégorie de l'errance et de la dispersion, c'est dans les mers d'Europe et d'ailleurs que nous portent aujourd'hui les mots de Perec. Les chiffres ont changé d'échelle, les lieux ne sont plus les mêmes mais la négation des vies est toujours là, sous d'autres formes, à Calais, Lampedusa, Lesbos ou ailleurs.
Un texte visionnaire et universel.
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En 1980, Robert Bober sollicite l'assistance de Georges Perec pour rédiger le commentaire d'un documentaire "Récits d'Ellis Island" -une enquête sur cette entrée mythique des immigrants aux États-Unis, de 1892 à 1954- puis pour le lire de sa voix caressante de matou fourré. Sans les images, sans les témoignages qu'il accompagne, qu'il souligne ou contredit, le texte tout nu vibre encore intensément.

Dans ce tête-à-tête avec l'écrivain, on devine sous l'apparence ordinaire d'un compte-rendu factuel et sans affects de l'histoire du célèbre lieu mémoriel, les fêlures d'un petit garçon arraché à la sienne. Sous sa plume, les épaves du monde entier parties à la quête d'un Eldorado se confondent -sous-texte émouvant- avec celles qui finissaient, après un aussi long voyage, aux portes de la mort. Revendiquant sa judéité, Georges Perec coalise deux dépossessions : celle d'une terre et celle d'une généalogie.

Un magnifique hommage aux déracinés du monde entier et une porte entr'ouverte sur l'intime perecquien.
Lien : http://lavieerrante.over-blo..
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L'Amérique, terre promise pour tous les opprimés. Espoir d'une vie meilleure.

Ellis Island surnommée « L'île des larmes« . Dans la première moitié du XIXème siècle, l'île est le passage obligé des émigrants pauvres. L'immigration américaine y a installé un centre d'accueil pour mettre fin à l'immigration quasi sauvage et où les mesures vont devenir de plus en plus restrictives. Il faut savoir qu'entre 1892 et 1924, pas moins de 16 millions de personnes passeront par Ellis Island.

Outre le fait que ce livre soit une véritable mine d'informations, c'est surtout un témoignage poignant. Un documentaire court mais oh combien riche en émotions. On se met dans la peau de ces immigrés, venant du monde entier : d'Europe souvent (Irlande, Allemagne, France, Italie…), du Maghreb et d'Asie. La plupart fuyaient la guerre, la famine, ou souhaitaient simplement trouver un emploi pour subvenir aux besoins de leur famille, dans l'espoir d'une vie meilleure. Sur les candidats à l'immigration, 8 millions ont été autorisés à entrer dans le pays. Les autres furent renvoyés, en raison de leur santé ou de leur passé. Ils étaient soumis à un interrogatoire poussé et l'agent de l'immigration avait leur destin entre ses mains.

Perec est un conteur, il a un don de retranscrire à la perfection les émotions, le vécu, d'une manière à la fois sobre et passionnante.

Le tri des migrants, le déracinement, la perte d'identité, le courage de changer de vie, se reconstruire ailleurs, sont des sujets toujours d'actualité. Et c'est en cela également que ce livre prend aux tripes.

Un livre concis, qui se lit d'une traite, qui appelle à filer sur internet pour en savoir plus. Et ce qui est certain, c'est que si je retourne à New York un jour, cette fois, je ferai halte à Ellis Island !

#EllisIsland #GeorgesPerec
Lien : https://soniaboulimiquedesli..
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Un tout petit livre (70 pages) mis tellement intense ! Malgré tout ce que je savais déjà sur Ellis Island et la lecture du roman le dernier Gardien d'Ellis Island de Gaëlle Josse, j'ai été surprise par l'émotion provoquée par cette lecture. le rappel des faits, chiffres, objets que l'on peut voir dans le musée … une évocation crue qui m'a bouleversée.
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Ellis Island est un court texte de Georges Perec prévu à l'origine pour accom­pa­gner un film docu­men­taire, réa­lisé en 1980 par Robert Bober, sur une idée ori­gi­nale de l'INA et dif­fusé par TF1 les 25 et 26 novembre de la même année. Les édi­tions du Sor­bier et l'INA firent paraître ce texte (avec des pho­to­gra­phies prises pen­dant le tour­nage). En 1994, les édi­tions P.O.L. réédi­tèrent cet opus­cule en l'enrichissant de docu­ments annexes. L'édition que j'ai choi­sie est la der­nière édi­tion, conçue par Madame Ela Bie­nen­feld, qui se concentre uni­que­ment sur le texte de Perec pour en sou­li­gner la « confron­ta­tion avec le lieu même de la dis­per­sion, de la clô­ture, de l'errance et de l'espoir ».

J'aime l'idée que les auteurs soient sai­sis, han­tés par des lieux. C'est le cas de Mar­gue­rite Duras pour laquelle ma fas­ci­na­tion m'a lon­gue­ment occupé par le passé : unité et obses­sion du lieu, que ce soit dans un square, dans un ter­rain vague, un hôtel au bord de la mer… C'est aussi ce que j'aime chez Pierre Cen­dors : le lieu n'est pas seule­ment chargé de sym­boles ou d'histoires (ou d'Histoire avec une grande Hache comme le sou­li­gnait Perec dans W ou le sou­ve­nir d'enfance) cen­sés ajou­ter des couches séman­tiques, sen­so­rielles, émo­tion­nelles avec l'intrigue, non ! il fait corps avec le per­son­nage ou le nar­ra­teur et entre en réso­nance avec le lec­teur qui l'associe comme un per­son­nage à part entière dans la nar­ra­tion qu'il perçoit.

Perec déve­loppe déjà cette vision du lieu dans La vie, mode d'emploi, dans lequel le lieu, le 11 rue Simon-Crubellier, est la matrice même de l'histoire. C'est à par­tir du lieu que se construit, tel un puzzle, la nar­ra­tion, selon une logique ouli­pienne défi­nie à l'avance. Dans W ou le sou­ve­nir d'enfance, l'île W est le lieu où converge le récit. Tous ces lieux sont inexis­tants, ce sont des non-lieux, des lieux ima­gi­naires, utopiques/dystopiques dans les­quels Perec puise ou dis­sé­mine une par­tie de sa mémoire, de son his­toire ou perd son lecteur.

Avec Ellis Island Perec entre­prend le che­min inverse : par­tir d'un lieu réel, d'un lieu docu­menté pour aller, fina­le­ment et peut-être sans véri­ta­ble­ment le vou­loir, vers le lieu ima­gi­naire, inté­rieur, biographique.

Ellis Island, sur­nom­mée L'île des larmes, devint à par­tir de 1892 le point de pas­sage obligé pour ren­trer en Amé­rique. Perec décrit l'histoire de ce lieu qui met pro­gres­si­ve­ment en place une ges­tion ratio­na­li­sée des flux migra­toires de masse.

« Seize mil­lions d'immigrés pas­se­ront à Ellis Island, à rai­son de cinq à dix mille par jour. La plu­part n'y séjour­ne­ront que quelques heures ; deux à trois pour cent seule­ment seront refou­lés. En somme, Ellis Island ne sera rien d'autre qu'une usine à fabri­quer des Amé­ri­cains. » p. 15

A par­tir de 1924, les condi­tions d'immigrations deviennent plus res­tric­tives (2%) et Ellis Island devient « un centre de déten­tion pour les émi­grés en situa­tion irré­gu­lières » puis un musée à par­tir des années 70. Fidèle à sa manière quasi obses­sion­nelle de pro­cé­der, Georges Perec dresse des inven­taires dans les­quelles se côtoient des listes inter­mi­nables de chiffres (les migrants clas­sés par pays d'origine, etc.) et de noms (ceux des bateaux qui ache­mi­naient les immi­grés, les ports d'où ils provenaient…).

«Cela ne veut rien dire, de vou­loir
faire par­ler les images, de les
for­cer à dire ce qu'elles ne
sau­raient dire.
Au début, on ne peut qu'essayer
de nom­mer les choses, une
à une, pla­te­ment,
les énu­mé­rer, les dénom­brer,
de la manière la plus
banale pos­sible,
de la manière la plus pré­cise
pos­sible,
en essayant de ne rien oublier. »
p. 43

Ce qui frappe Perec en décou­vrant le site, c'est le carac­tère réso­lu­ment banal de ces lieux char­gés d'histoires ; « rien ne res­semble plus à un lieu aban­donné | qu'un autre lieu aban­donné. ». Puis le dis­cours se trans­forme peu à peu : de la simple des­crip­tion des lieux Perec en arrive à une ques­tion beau­coup plus sub­jec­tive, à savoir pour­quoi, lui, Perec, est venu dans cette île et pour y cher­cher quoi ? Pour­quoi Robert Bober en a-t-il fait de même et quelles sont ses rai­sons ? Et quelles traces, ou quelle absence de traces viennent quo­ti­dien­ne­ment cher­cher tous ces tou­ristes de la mémoire, en rangs ser­rés, à Ellis Island ?

Cette inter­ro­ga­tion sou­daine marque une rup­ture dans le docu­men­taire : l'observateur devient l'observé dans le contexte du docu­men­taire. Ce n'est plus tant un film sur Ellis Island qu'un film qui s'interroge sur la rai­son même de sa pro­duc­tion. Cette irrup­tion de l'observateur dans sa propre pro­duc­tion a de quoi désta­bi­li­ser le zap­peur du XXIe siècle dont je suis, trop accou­tumé qu'il est aux besoins impé­rieux d'une objec­ti­va­tion jour­na­lis­tique deve­nue la norme télé­vi­suelle actuelle. Cette norme qui veut que le repor­ter s'efface der­rière la caméra pour y sub­sti­tuer le spec­ta­teur, pour super­po­ser et fusion­ner les deux regards, pour son immer­sion, pour sa concen­tra­tion sur l'objet exploré, et in fine pour obte­nir sa totale adhé­sion au dis­cours. Ce qui m'interpelle dans ce docu­men­taire, c'est l'infinie poé­sie de la mons­tra­tion qui cache et dévoile, dans le même élan, son apo­rie ori­gi­nelle, les limites de sa sur­face phy­sique aux­quelles ne peut s'ajouter les dimen­sions his­to­riques, émo­tion­nelles, subjectives…

— Tu n'as rien vu à Ellis Island semble répé­ter Georges Perec.

« …ce que moi, Georges Perec, je suis venu ques­tion­ner ici, c'est l'errance, la dis­per­sion, la dia­spora.
Ellis Island est pour moi le lieu même de l'exil,
c'est-à-dire
le lieu de l'absence de lieu, le non-lieu, le nulle part.
C'est en ce sens que ces images me concernent, me fas­cinent, m'impliquent,
comme si la recherche de mon iden­tité
pas­sait par l'appropriation de ce lieu-dépotoir
où des fonc­tion­naires haras­sés bap­ti­saient des
Amé­ri­cains à la pelle.
Ce qui pour moi se trouve ici
ce ne sont en rien des repères, des racines ou des traces,
mais le contraire : quelque chose d'informe, à la limite du dicible,
quelque chose que je peux nom­mer clô­ture, ou scis­sion, ou cou­pure,
et qui est pour moi très inti­me­ment et très confu­sé­ment lié au fait même d'être juif. »
pp. 57 – 58

Et l'erreur serait de pen­ser que Perec, par une super­po­si­tion pho­to­gra­phique de lieux aban­don­nés, de lieux han­tés par un trai­te­ment indus­triel de masses humaines, ait l'idée, la ten­ta­tion de construire un paral­lèle entre Ellis Island et les camps de concen­tra­tion. Ce n'est pas son pro­pos. La plu­part des gens pas­sés par cet endroit l'ont fait pour fuir une situa­tion — pré­caire, dan­ge­reuse, déses­pé­rée — et en trou­ver une autre, meilleure. C'est le lieu de cette méta­mor­phose, de cette « scis­sion » sociale, psy­cho­lo­gique, lin­guis­tique qui fas­cine Perec. C'est ce maillon man­quant de sa propre condi­tion, lui qui ne connaît ni ses aïeuls, ni sa langue d'origine, qui ne par­tage aucun sou­ve­nir, aucun rite de ses ancêtres. « Quelque part, écrit-il, je suis étran­ger par rap­port à quelque chose de moi-même ; quelque part, je suis “dif­fé­rent“, mais non pas dif­fé­rent des autres, dif­fé­rent des “miens“… »
Lien : http://www.labyrinthiques.fr..
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Ces 75 pages sont la dernière édition du texte écrit par Georges Perec pour illustrer un film réservé à la télévision en 1980 sur Ellis Island : « histoire d'errance et d'espoir » qu'il a réalisé avec Robert Bober (1931).
C'est court, mais extrêmement précis dans la description des lieux, dans l'analyse politique et sociale des grandes années d'émigration, et surtout dans la transmission émotionnelle. Perec sait trouver les mots justes, sans ambages et sans fioriture pour nous fournir de la matière à réflexion. 16 millions d'êtres humains émigrants, femmes, hommes, enfants, dont il précise l'origine du pays de départ et le chiffre, ont transités sur ce bout d'îlot de 16 hectares pour un « eldorado » venté par les vendeurs d'espoir, avant d'être tamponnés immigrants américains. Dans cette masse d'individus, cet agglomérat de créatures si dissemblables de culture, de religion, d'origine, de langue, seul le désir d'une vie meilleure les unissaient. Perec ne peut gommer sa propre expérience d'exil, celui du juif errant où n'existent plus les souvenirs communs du groupe, quand la diaspora et la dispersion ont désarticulé et défait le socle d'appartenance, quand le constat sans fin vous hante, celui d'être un étranger, sans histoire, sans souvenirs. P63 « je n'ai pas le sentiment d'avoir oublié, mais celui de n'avoir jamais pu apprendre ».
Très beau texte.
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Comment ne pas faire le parallèle entre ces deux lieux ? Plus d'un siècle les sépare, mais les destins sont similaires.
Pourquoi tant d'italiens et autres européens ont quitté leur pays au début de ce XXème siècle ? Probablement pour des raisons semblables à celles qui poussent aujourd'hui tant d'autres à venir tenter leur chance dans ce qu'ils considèrent comme leur eldorado.
Livre minuscule de Georges Perec qui se lit d'une traite et qui semble tellement d'actualité. Il s'interroge sur le destin des ces européens qui débarquaient en masse aux États Unis, s'imaginant faire fortune et qui se retrouvaient, selon leur statut, état de santé ou moyens, à croupir dans les locaux d'Ellis Island.
Magnifique et bouleversant !
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Un très beau texte de Georges Perec, rapidement lu, mais à fort impact!

Associé à un film réalisé il y a pas mal d'années, ce livre n'a rien perdu de son actualité! Sa lecture est indispensable pour toute personne ayant l'intention d'aller visiter (et découvrir) New York.

Je recommande fortement de commencer tout séjour "découverte" de New York par la visite d'Ellis Island. C'est ce que j'ai fait, bien sûr et j'en ai gardé un souvenir inoubliable et profond.

Ce texte est très fidèle à ce que l'on ressent quand on parcourt ces lieux chargés d'histoire, d'espoir de millions de personnes, de craintes et d'angoisse jusqu'à l'obtention du permis d'entrer dans "le rêve américain" qui n'en n'est pas vraiment un, et pour une faible minorité le désespoir de devoir attendre des semaines ou des mois, et surtout de devoir repartir en quittant ses proches!

Aujourd'hui le contexte a évolué, mais les US ont construit un mur sur la frontière mexicaine et mis en place une législation de plus en plus restrictive (voir les derniers accords avec le Canada), il n'en demeure pas moins que le flux migratoire continue d'être très important, et n'est pas près de disparaître!

Ellis Island demeure, proche de la statue de la Liberté. Lieu de mémoire à visiter et texte à lire.
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Ellis Island : deux mots
Un sésame
Pour 16 millions de personnes
Un retour à l'envoyeur pour 2% d'entre eux
Georges Pérec nous explique à la fin pourquoi ce lieu d'errance et d'espoir le hante
Un très beau livre
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lu en 15mn mais j'y penserai longtemps. Ce texte court de Perec est toujours d'actualité si le lieu a changé; le tri des migrants ne se fait plus à Ellis Island mais partout où ce que la violence et la misère font fuir. Ils croyaient à l'eldorado...aux rues pavées d'or...L'exil est toujours aussi douloureux quand il est inévitable; l'accueil est toujours inférieur à ce qu'on imaginait.
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