L'Histoire est passionnante. ET il suffit d'un rien pour glisser de la fiction à la réalité ou plutôt de la réalité vers la fiction.
Véronique Périnelle s'est emparée d'un épisode de l'Histoire de Conches et en a fait une histoire. Une histoire diablement passionnante et émouvante, une histoire qui s'éloigne si peu des faits réels.
Juin 1090, au château de Conches. de l'imposante forteresse jaillissent des cris et des chants de joie, retentissant jusqu'à l'imposante et belle forêt qui domine les lieux.
Raoul de Tosny, seigneur de Conches, marie sa fille Gothehilde à Baudoin de Boulogne (futur roi de Jérusalem). Ce jour-là, son épouse, Isabelle, dame d'une grande beauté, rayonne.
Voici le portrait que fait
Véronique Périnelle de la dame de Conches :
« Isabelle était une femme accomplie, solide de corps et fine d'esprit. Elle était considérée par tous comme un être exceptionnel doué de mille qualités. Cultivée, intelligente, elle était réputée pour ses connaissances, pour l'art avec lequel elle jouait de la mandore, pour ses talents de cavalière. Isabelle montait à cheval et savait se battre comme un homme. Elle maniait l'épée avec habileté. […] Isabelle aimait la chasse, les longues courses à cheval, les combats d'hommes, le sang et la sueur de l'effort. A quarante ans, elle respirait la force et la santé. »
Le portrait de cette femme de caractère ne s'achève pas ici. L'auteure brosse d'elle un tableau éclatant, celui d'une femme pleine de vie, radieuse, qui aimait s'entourer de musiciens et de poètes, mais qui aimait aussi par dessus tout sa liberté, son indépendance.
« Impétueuse, autoritaire, taquine et habile, elle menait son monde tambour battant. Tantôt tendre et passionnée envers ses enfants comme envers son époux, tantôt distante et mystérieuse, inaccessible dans ses rêves, déroutante toujours. »
Ainsi était Isabelle.
Ce jour-là, jour des épousailles de sa jeune et docile fille, alors que la fête bat son plein, Isabelle s'éloigne, cherchant la fraîcheur. Elle est vite rejointe par un beau damoiseau. C'est Robert de Blanchemain, ami de Richard de Montfort, le frère d'Isabelle. Tous deux sont rattachés au service du comte Guillaume d'Evreux, demi frère de Raoul de Conches.
Le jeune Robert est amoureux, prêt à donner sa vie pour Isabelle, prêt à trahir Guillaume d'Evreux et sa fière épouse Helvise qu'Isabelle n'aime guère.
Voilà de quoi flatter la dame de Conches, voilà de quoi rendre pâle de jalousie sa rivale de toujours, voilà de quoi raviver un conflit en sommeil et faire de Conches le plus puissant fief de la région, voilà de quoi déclencher
la Guerre des Belles Dames.
L'histoire s'éloigne de l'Histoire car elle s'appuie sur cet amant supposé comme déclencheur de
la Guerre des Belles Dames. Certes, Blanchemain n'est sans doute pas à l'origine du conflit mais l'audacieuse Isabelle de Conches et Helvise de Nevers étaient bel et bien réputées pour leur fort caractère et leur querelle était bien réelle.
Toujours est-il que le conflit entre les territoires de Conches, Evreux et Breteuil était latent. La mort de Guillaume le Conquérant avait donné lieu à une guerre de succession et chaque seigneur entendait défendre ses intérêts territoriaux. Au diable les liens familiaux ! Il convenait surtout de maintenir sa prédominance sur les autres. Et à cette époque, on ne lésinait pas sur les moyens.
Déploiement de chevaliers armés jusqu'aux dents, déferlement de mercenaires hirsutes et avides de richesses, incendies des villages alentour, récoltes dévastées, pendaisons à tour de bras de malheureux hères ...
A travers ce roman
Véronique Périnelle nous plonge au plein coeur d'une de ces cruelles batailles moyenâgeuses et sait capter l'attention du lecteur le maintenant en haleine à chaque page. Elle a su rendre corps et âme au donjon de Conches et à ses souterrains, mais aussi redonner vie aux seigneurs de Tosny, personnages ô combien charismatiques auxquels le lecteur s'attache sans peine en s'immisçant dans leurs pensées, leurs doutes, leurs croyances, leurs joies simples et leurs désillusions.