Année 3125, 1092e jour de la mission terrienne à destination de Glease 472, l'une des premières exoplanètes découverte par les scientifiques. Une explosion d'origine inconnue vient frapper le vaisseau interstellaire en orbite géostationnaire, enclenchant le processus de dé-cryogénisation d'urgence des passagers. La plupart des caissons demeurent cependant clos, noyant inéluctablement leurs occupants. Seuls deux d'entre eux parviennent à s'en extraire avant la destruction totale de l'engin et à rejoindre les navettes de secours. Reprenant connaissance en plein désert, le technicien de maintenance de classe B, Elijah Parker, est persuadé d'avoir échoué sur la planète Terre. Ce monde paraît en effet fort semblable, sauf que la population y souffre de pertes de mémoire irréversibles. Une amnésie récurrente qui semble être à l'origine à la fois de leur développement industriel limité et du conflit qui se joue sur cette Autre Terre.
A peine quelques semaines après la sortie du premier tome de Sphères,
Serge Perrotin (Terra Incognita, Lance
Crow Dog, Frank Lincoln) signe une nouvelle série de science-fiction chez Soleil. le postulat de départ, basé sur deux planètes ayant suivi des évolutions parallèles et sur des habitants amnésiques obligés de recourir à la mise à jour régulière de ‘leurs' souvenirs sous peine de devoir consigner leurs moindres faits et gestes, est plutôt original mais finalement assez mal exploité. Cette aventure d'Elijah Parker dans un univers étrangement similaire au sien a tout d'une énième histoire de naufragé de l'espace, mélangée à un x-ième récit d'héroïc-fantasy. La touche steam-punk insufflée par cette civilisation restée bloquée aux alentours du début du XXe siècle suite à des mémoires défaillantes est incontestablement sympathique, mais ne révolutionnera cependant pas le neuvième Art.
La lecture est certes plaisante et les premiers pas de cet extraterrestre, paumé à quinze années lumières de chez lui, permet de découvrir des décors chatoyants et des personnages attachants. Outre Elijah, perdu au sein d'un combat qui n'est pas le sien, il y a aussi Ugli, ce petit animal attendrissant qui orne la couverture et porte finalement bien mal son nom. Mais, le tout manque de piment pour être réellement prenant, même si les dernières planches ne manqueront pas de déstabiliser le lecteur en attendant la suite de cette saga.
Le graphisme de Beno est entièrement calqué sur celui de Crisse, qui signe d'ailleurs la préface de ce tome. Si le parrainage de jeunes talents de la part d'auteurs confirmés est très louable, il est tout de même regrettable que Beno n'ait pas tenté d'afficher un style plus personnel pour son premier album, d'autant que cette nouvelle saga n'est aucunement une série parallèle à l'un des univers du mentor. La colorisation informatique contribue également à ce cachet visuel fortement standardisé. Néanmoins, malgré ce manque de personnalité et quelques imperfections, le coup de crayon de Beno semble s'affirmer au fil des pages et livre même quelques jolies planches, dont la vue panoramique sur Tarrabia qui plonge véritablement le lecteur dans l'ambiance de la planète Nysa, du système Libère.
Une mise en place à la fin surprenante qui plaira surtout aux aficionados du catalogue "Libère", le plus grand éditeur du genre héroïc-fantasy de cette Autre Terre.