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Marika Megrelishvili (Traducteur)
EAN : 9782490155729
156 pages
Éditions Emmanuelle Collas (01/09/2023)
3.06/5   9 notes
Résumé :
9 avril, jour de commémoration nationale à Tbilissi en Géorgie. Guéna, un Arménien, essaie de surmonter une nouvelle journée dans sa vie ratée. Son épouse, Mila, d’origine azérie, tente de planifier un avenir sans lui. Zéma, leur fille, qui travaille dans la police, a décidé que la vengeance était le seul but qu’elle se fixait dans l’existence. Le fils, Lazare, rêve de devenir rappeur. Tous doivent survivre à cette journée, qui convoque les conflits, les drame... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Lecture de l'un des auteurs géorgiens de la rentrée littéraire achevée ! Iva Pezuashvili est scénariste et écrivain, il est lauréat, avec ce titre, du Prix de Littérature de l'Union européenne, cru 2022. Les Éditions Emmanuelle Colas viennent de publier le bunker de Tbilissi, son deuxième roman, qui a également reçu le Tsinandali Prize, le prix Tsinandali, du nom d'une ville de l'est de Tbilissi. À la manière de 24 heures de la vie d'une femme de Stefan Zweig, ce roman se déroule ainsi sur la durée d'une journée et sous les focalisations des quatre membres de la famille de Guéna et Mila dans la capitale géorgienne, Tbilissi. le roman est également doté d'une préface rédigée par Emmanuelle Colas, historienne de métier, ainsi qu'une carte, très utile pour expliciter le contexte historique, essentiel pour ce roman.


Tbilissi, 9 avril 2017. Guéna et Mila sont mariés depuis longtemps : ensemble ils ont eu deux enfant, Zéma et Lazare, et ont traversé bien des choses. Notamment le pays entier. Ils sont également issus d'une minorité arménienne, l'Arménie étant pays frontalier de la Géorgie au niveau de ses frontières du Sud. L'histoire du pays est donc lié à celle de son voisin du nord Russe, pour son plus grand malheur. D'ailleurs, le 9 avril 2017, c'est jours de commémoration en Géorgie, en souvenir du 9 avril de l'année 1988 qui a vu la répression de manifestations pacifiques par Moscou, à propos du conflit du Haut-Karabakh entre Arméniens et Azéris. Plus de trente ans plus tard, le conflit est toujours larvé, l'héritage de l'Union Soviétique décidément empoisonné.

On ressent les prédispositions et le goût de l'auteur pour l'art cinématographique dans l'agencement de sa narration : un récit découpé selon des tranches horaires aléatoires – en fonction de ce à quoi sont occupés les personnages – et sous différentes focalisations, sans oublier les nombreux flash-back qui émaillent le présent de chacun des membres de la famille. La complexité du roman ne s'arrête pas : il faut lire attentivement l'avant-propos et prendre la mesure des conflits interethniques qui déchirent cet endroit du Caucase comme la famille : les parents sont arméniens, mais refusent de le parler, ils ont choisi le russe et ne parlent pas géorgien. Guéna, le père de famille, n'est plus que le fantôme de lui-même, éteint, autrefois un héros de la nation, il est depuis tombé dans l'oubli, ne vit guère que de sa pension, se tient le plus éloigné de sa femme, qui cherche du réconfort ailleurs et qui tient la famille. Quant aux enfants, la fille exerce dans la police et sait que si elle veut avancer, il faudra qu'elle mette un mouchoir sur ses principes et convictions. le fils vit de petits boulots, assisté de sa mère et de son père, en attendant un emploi qui lui convienne davantage. Il s'exerce au rap, dans sa révolte contre ses clients, la classe aisée Ubereats géorgienne qui commande et se fait livrer ses repas à la demande.

C'est la guerre de tranchée dans cette famille où chacun vit sa petite vie de son côté, chacun ressasse ses rancunes et rancoeurs, celles de minorités, qui ont peu droit à la parole, qui doivent se couler dans le moule et suivre le mouvement ambiant, qu'il soit du gouvernement en place, du patriarcat dans la police, et dans la société, qui fait que les violences conjugales sont moquées, à défaut d'être punies, et que la policière s'impose de suivre silencieusement les traces de ses collègues masculins, que la dégradation de son véhicule ne sera jamais punie. Seulement 24 heures certes, mais une journée qui en dévoile beaucoup, l'essentiel sur l'état d'esprit de ces quatre personnes, qui ne parlent même pas la même langue. La cohabitation est difficile, le père cuve ses souvenirs sur le canapé loin de son épouse, il pense essentiellement à son fils, sa fille est autonome depuis longtemps.

Le récit débute par une attaque en règle de l'Union soviétique, on ne pourra pas dire qu'on ne savait pas. Il ouvre sur le fameux vélo soviétique, de la marque Desna dva, on referme l'histoire presque de la même façon. Et entre temps, l'auteur ne se prive pas de lancer quelques piques sur les sourires en toc de l'imagerie soviétique. L'arrivée à Tbilissi, cela marque la perte de son précieux vélo, le seul bien que l'union soviétique ait pu fabriquer d'acceptable, et de bien d'autres choses. Alors que lui reste coincé entre ses souvenirs et leurs ombres, Mila essaie d'avancer, vivre avec son temps, et ses nouvelles technologies, ses réseaux sociaux, l'écart entre eux et le décalage est énorme. À l'image du brassage des communautés dans la capitale : les vestiges de l'Union soviétique face aux avancées inexorables du temps.


Le bunker de Tbilissi fait référence à l'insalubrité morale de la ville comme de la Géorgie, parti à vau-l'eau depuis la chute de l'URSS, une saleté qui fait référence à l'état de la ville ou chacun s'est approprié ce qu'il voulait, ou les formes d'autorité qu'il reste sont totalement dévoyées, au plus bas comme au plus haut de l'échelle, le pouvoir judiciaire en première ligne. Les idéaux de Guéna ont tous été trahis, les règles du jeu sont inexistantes, la loi du plus puissant, de celui qui comptera le plus grand nombre de relations, de celui qui s'octroiera le plus de passe-droits : c'est cette odeur nauséabonde que sent Guéna, qui colle à sa peau, qui émane de tous ces bunkers ou des immeubles soviétiques de la capitale géorgienne. le dénouement n'est pas si fermé, Guéna réussit à se détacher de cette odeur, avec une certaine fatalité, conscient que lui ne changera pas les choses, pour changer son fusil d'épaule et revenir à ce qu'il y a finalement de fondamental au milieu de cette société qu'il voit en perdition.
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Encore un matin….

Ce récit nous emmène pour une seule journée dans la vie d'une famille géorgienne, le 9 avril, jour de commémoration nationale.

Le père, Guéna, arménien d'origine, attend sa pension de retraite pour pouvoir acheter ses paquets de cigarettes. Il ne fait, d'ailleurs, plus grand chose mis à part boire, traîner avec ses potes et brûler les poubelles de son immeuble.

Mila, sa femme, a pris les choses en main pour faire vivre la famille. Elle cohabite avec son mari et leur vie de couple est au point mort. Elle a rencontré un homme sur son lieu de travail, appréciant à nouveau d'être désirée.

Zema, leur fille aînée, est membre des forces de l'ordre. Seule femme de son unité, elle ferme les yeux sur la corruption ambiante et mène une enquête pour savoir qui ose lui voler des pièces de sa voiture.

Quand à Lazare, le petit dernier de la famille, il se rêve rappeur et en attendant se fait livreur.

Mais beaucoup de choses peuvent survenir en une journée…

Ce roman offre une expérience de lecture assez incroyable. Il est bref, environ 150 pages, et pourtant il regorge de thèmes abordés comme autant de miroirs de la situation géorgienne.

Je pourrais évoquer pêle-mêle : les conséquences de l'influence russe, la violence, le choc de la chute du communisme, le stress post-traumatique, les violences faites aux femmes, la corruption etc

Ce qui fait de ce roman un récit dense, à la narration parfois complexe qui m'a souvent obligée à faire des allers-retours pour bien tout comprendre.

Mais pour autant, je n'ai pas réussi à le lâcher car malgré des thèmes assez sombres, le ton du récit est alerte, c'est souvent drôle et cynique.

Mention spéciale à l'introduction signée Emmanuelle Collas qui permet de mieux comprendre, en quelques pages bienvenue, le contexte géopolitique de la Géorgie.

Une très belle découverte de la littérature géorgienne.
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Nous sommes à Tbilissi, en Géorgie, le 9 avril, jour de commémoration nationale. C'est aussi l'anniversaire de Mila. Son mari Guéna semble l'avoir oublié ainsi que ses deux enfants : Zéma, qui est devenue policière et Lazare, le fils chouchouté par son père, rappeur, livreur et rêveur.
Nous allons suivre leur histoire sur cette journée, à plusieurs heures qui se découpent comme des chapitres. On en apprend un peu plus sur chacun. le passé sombre et dramatique de Guéna dans cette ville qui l'a marqué au fer au rouge et dans un contexte politique et social très tendu. Mila, cette femme qui l'a soutenu contre vents et marées mais qui s'est oubliée. Zéma, une revancharde qui ne se laisse pas marcher sur les pieds. Et Lazare, un gamin perdu mais à l'oeil ouvert sur le monde.

C'est un court roman, peut-être trop court pour vraiment saisir tout le contexte de Tbilissi et de la Géorgie en général, que je ne connaissais pas du tout. J'ai découvert une ambiance pesante, dure et une ville au passé lourd. C'est un livre qui se lit facilement mais qui reste peut-être trop en surface, surtout avec une contexte aussi chargé. J'aurai aimé en savoir plus. le fait que le roman soit si court empêche un peu de s'attacher réellement aux personnages. Néanmoins je salue ce livre pour m'avoir permis de découvrir ce pays, cette ville et son histoire, car je suis allée me renseigner plus en profondeur après !
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Il est difficile pour moi de donner un avis, même quelques jours après...
Première lecture de la rentrée littéraire pour moi et dont j'attendais beaucoup (et surtout trop). L'éditeur nous le présentait comme “Vingt quatre heures dans la vie d'une famille” ce qui n'est pas faux. Plusieurs points de vues, beaucoup de flash-black, pas toujours bien délimités. le seul personnage auquel j'ai été attachée a été la fille, Zéma. Elle n'apparait toutefois que trois ou quatre fois. Beaucoup de thématiques sont abordées cependant cela se révèle toujours en surface. Cela ne permet pas de réflexions profondes sur un point ou un autre. Cela donne l'impression alors que l'auteur a voulu explorer pleins de sujets d'actualité en même temps… Dommage.
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Malgré son potentiel ce roman se perd trop vite dans une narration éparse et souffre d'une dramatisation trop bancale et trop fractionnée. On en apprend certes un peu plus sur la lutte de ce pays avec son passé soviétique et les douleurs propres de chaque génération, mais le résultat manque de cohésion et de finesse.
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Citations et extraits (16) Voir plus Ajouter une citation
Il n'y avait qu'à voir comment l'Union soviétique se transformait de manière négative ces dernières années et comment la colère et le chagrin étaient proportionnels à la diminution des produits dans les rayonnages des magasins. Si, jusque là, la Géorgie et l'Union soviétique s'appelaient les républiques amies, elles étaient vite devenues des ennemies et si, jusque là, ils étaient des citoyens soviétiques, ils étaient vite devenus des Arméniens et des Azéris et des Géorgiens et des Abkhases et des Ossètes. Il n'y avait qu'à voir comment ils avaient commencé à se massacrer en respectant le scénario russe écrit dans les années vingt.
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Dans les endroits ou les voyous du quartier restaient accroupis, où s’élevaient des garages construits illégalement dans les années 1990, s’exhibaient à présent des stades de football, des toboggans de mauvaise qualité, des balançoires, des jardins en béton et différents cadeaux généreusement distribués par la mairie avant les élections. Chaque fois que tu passais devant, ils te rappelaient que tu vivais dans un semblant de démocratie ; ils te rappelaient que les voyous n’avaient pas disparu, qu’ils s’étaient juste transformés et qu’ils arrivaient à cohabiter avec le système comme auparavant, que si un voyou était malin il pactisait avec la police, qu’avant les élections le gouvernement avait toujours plus besoin de la garde des voyous avec leurs bandanas noirs que de balançoires, que la peur était plus efficace que les aides sociales, que c’étaient des gens affamés qui vivaient dans la peur, que ces gens avaient plus besoin des aides sociales que des balançoires et qu’ils recevaient donc la terreur en guise d’aide. Voilà comment on bouclait la boucle de la démocratie bananière.
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Grâce à sa mère, Mila avait appris en même temps que l'alphabet une vérité fondamentale : dans la vie, l'argent est aussi important que le bonheur et, si on ne peut pas acheter le bonheur avec de l'argent, en revanche, on peut acheter des objets qui nous rendront heureux car l'écart n'est pas si grand entre le bonheur et le confort matériel, qui se ressemblent comme deux gouttes d'eau. Même s'il existe des pauvres heureux et des riches malheureux, rien n'obligeait Zéma à suivre ce chemin. Elle pouvait être heureuse ou malheureuse, comme n'importe qui. En général, quand on parle de moyenne, tout dépend de la vision du monde qu'on a. Zéma ne pouvait pas se permettre d'être pessimiste, donc le bonheur, c'était un niveau de vie acceptable, et le malheur serait uniquement la chute et la destruction.
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A la fin des années 1990 et au début des années 2000, à part la Croix-Rouge et l'ONU, l'Eglise évangélique aussi nous fournissait une généreuse aide humanitaire. Les deux premières, d'accord, soutenaient le pays en décrépitude comme elles le pouvaient, mais nous ne nous sommes jamais posé la question, et aujourd'hui encore moins car c'est trop tard : pourquoi cette Église évangélique américaine, plus précisément de paroisiennes, oui, uniquement des femmes car le programme social s'appelait "Les mères évangéliques aux mères du monde" ou quelque chose comme ça ? Que voulaient-elles ? Pourquoi se donnaient-elles tant de mal, qu'essayaient-elles de faire ?
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Le monde autour de lui puait. Il puait depuis toujours et, de même qu'il essayait en allumant le feu de nettoyer le bunker, les autres héros essayaient aussi de faire en sorte que l'odeur de la décomposition de ce monde n'atteigne pas les montagnes, les prés, mais tous perdaient cette guerre contre la puanteur, comme Guéna. Même s'ils repeignaient d'anciens immeubles soviétiques avec de jolies couleurs, s'ils mettaient trois ou quatre couches d'asphalte sur la terre truffée de morts, l'odeur de la puanteur était là. Elle régnait en maître.
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Vidéo de Iva Pezuashvili
Rencontre avec le lauréat 2022 de l'EUPL, Iva Pezuashvili. Originaire de Géorgie, il remporte ce prix avec "A garbage chute", roman choral qui retrace l'histoire d'une famille géorgienne contemporaine.
Un grand merci à Iva Pezuashvili pour cette interview "en duplex"
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