Il ne sera sans doute pas facile de trouver un artiste qui accepte d'assumer le terrible risque de représenter sur la soie d'une bannière le pauvre godillot dont les serfs avaient fait leur emblème contre les bottes des féodaux et nous voilà engagés de plain-pied dans cette histoire qui est celle de manants bafoués et illettrés avec les artistes de la Renaissance : l'histoire des dizaines de milliers de paysans allemands insurgés dont les yeux furent un instant éclairés par l'avenir trop tôt entrevu. L'histoire, plus précisément, de leurs rapports avec des artistes qu'ils entraînèrent et à qui ils inspirèrent des œuvres longtemps dédaignées ou laborieusement interprétées à contresens par l'histoire de l'art.
Sébastien Brant, de Strasbourg - Il avait déjà collaboré à Bâle avec le jeune maître Albert Durer dont il présenta ainsi les bois gravés qui ornaient sa satire "La Nef des fous" :
"Nombreux sont les fous
Dont j'ai fait ici le portrait.
Si quelqu'un dédaigne l'écriture
Ou ne sait pas lire,
Qu'il se regarde dans les dessins,
Il trouvera bien ce qu'il est."