Personne ici ne sait qui je suis

Une bien belle BD, qui nous livre le quotidien d'une maison des habitants, à travers les cours de français suivis par des étrangers issus du monde entier, dans des situations administratives diverses.
Nous suivons des parcours de vie, des traversées terribles, des situations précaires et difficiles. Nous touchons la solitude, la douleur de l'exil, les désenchantements, les aberrations ô combien aberrantes de la procédure Dublin et son impact sur les personnes que l'on se renvoie d'un pays à l'autre, les contraignant à l'attente avant même que leur demande d'asile ne soit étudiée…
Mais nous participons aussi aux amitiés nouées par le biais de la maison des habitants, les apéros, les piques-niques, les sorties luge, sorties baignades, tournois de foot… des moments de légèreté, de partage, de découvertes culinaires, des rires, comme autant d'occasions de s'échapper un peu des difficultés.
Nous appréhendons également l'importance de maîtriser, au moins verbalement, la langue du pays dans lequel on vit, pour ressentir un peu moins la douleur de l'exil et contrer la solitude.
Entre chaque récit de vie, Coline Picaud nous fait partager ces instants du quotidien, les liens d'amitiés, d'entraide, d'écoute et nous montre, sans misérabilisme ni militantisme à outrance (mais un petit peu quand même et c'est tant mieux), que la solidarité passe aussi par le partage du quotidien. Parce que participer à une sortie avec des amis, rencontrer d'autres personnes, parler de soi et écouter les autres, c'est déjà une petite lutte contre le froid de l'isolement.

Autrice grenobloise et coordinatrice des ASL (Ateliers sociolinguistiques à destination des promo-arrivant•es, pour apprendre la langue française) en Maison des Habitants, Coline Picaud dessine et raconte son expérience dans cette formidable BD. Elle fait des portraits d'étranger•es rencontré•es lors de ces ateliers. Des liens se tissent. Des amitiés se nouent.

Elle parle tout d'abord de son métier et des Maisons des Habitants dans lesquelles elle travaille : l'accueil, ses collègues, les joies et déceptions dans le suivi du parcours migratoire des étranger•es, les cours de français, les sorties organisées à la mer (Marseille, à la montagne...), les fêtes, le « Café international » où l'on parle de tout et côtoie le monde entier.
Elle se fait aussi simple messager du récit de vie des personnes rencontrées : Sutha la Sri-Lankaise, Zabihullah l'Afghan, Meri la Brésilienne, Abdelrahman le Somalien, Rahel l'Éthiopienne, Maha la Syrienne, Golindya l'Érythréen, Télémilé le Guinéen...
Ces témoignages sont souvent ceux de violences subies avant de quitter le pays natal, pendant le voyage et parfois encore après leur arrivée. Elle nous transmet ses émotions, nous relate les difficultés rencontrées par ces personnes.
Et l'on ne peut qu'éprouver de la tristesse, de la colère mais aussi du respect pour ces existences violentées, et pour tous les travailleur•euses sociaux•ales qui font tout leur possible (dans la mesure des moyens qu'on leur donne) pour les accompagner.