Le Musée Noir - Mandiargues ou les droits de L'imagination

L'inconnue traversa le quai, prit le trottoir du côté des vieilles maisons, s'enfonça dans une ruelle, à droite, un peu plus bas que la rue Neuve des Capucins. Je voyais devant moi la chevelure se gonfler d'air marin et frémir comme un oiseau noir qui va prendre son vol, comme le jet d'encre de la seiche à l'intérieur duquel celle-ci se cache. Je ne vis plus rien, après un moment, que la tache opaque de la chevelure dansant par-dessus des murs gris et misérables, qui s'ouvraient et se refermaient sans cesse autour de nous à mesure que nous avancions.

Au fond d'une impasse, qui revient en demi-cercle se terminer dans la direction du quai, se trouve une maison qui paraît haute parce qu'elle est très étroite et parce qu'elle n'a qu'une seule fenêtre par étage au-dessus d'une porte qui est étroite en proportion de la maison et qui est encadrée par deux harpies de pierre. C'est là que vint s'arrêter la créature étrange
que je n'avais pu m'empêcher de suivre : précisément entre les deux harpies, dont les seins de femme retombaient flasquement sur des serres de vautour.

Le seul pont qu'il y eût dans la forêt dressait loin de tout cours d'eau son inutilité bizarre, unissant, au-dessus d'une route en cavée, deux très hauts talus couverts de petites fougères et d'une belle mousse robuste. Porté par des piles de pierres blanches à peine un peu verdies malgré leur ancienneté, c'était une simple passerelle en bois depuis longtemps pourrie où personne ne s'aventurait plus, si les rares usagers avaient tracé de leurs pas, pour descendre ou remonter les talus, un sentier en lacets qui marquait servilement la végétation comme une empreinte de collier dans la fourrure.

Le pont