Très touchée par le thème de ce livre dont le héros mélancolique en voyage à Barcelone reçoit une lettre dont il a l'intuition qu'il s'agit d'une très mauvaise nouvelle. N'ayant pas la force de l'affronter tout de suite, il ne l'ouvre pas et la pose, fermée, sous un vase. Alors, nous errons avec lui dans Barcelone et ses quartiers "chauds" pendant quelques jours. N'ayant pas encore ouvert la lettre, il fait comme si... rien n'était arrivé, alors qu'il pressent la catastrophe. Sa vie est-elle une vie dans laquelle le malheur n'est pas arrivé puisqu'il ne le connaît pas ? ...mais elle est déjà bouleversée. A-t-on le pouvoir de repousser le malheur en refusant de savoir, mais pendant combien de temps ? Tel est le thème de ce très beau roman et le récit de ces quelques jours dans lesquels le héros met sa vie en marge...
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Une écriture très raffinée, oú parfois j'ai été obligé de relire le passage plusieurs fois pour le comprendre.
Ce roman explique les 48h de la vie Sigismond après la découverte de la lettre l'informant du suicide de sa femme.
Pendant ces 48h, il se forme une sorte de bulle où il ère dans les rues de la Ville de Barcelone au contact des "putes".
Il se place en marge de sa propre existance.
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Le roman antifranquiste francophone est souvent larmoyant, grandiloquent et au final barbant.
Celui-ci fait exception, il est EX CE LLENT.
C'est un Goncourt qui clame son amour des catins qui fleurette avec le nationalisme catalan (comme qui y en aurait des bons et des mauvais?).
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Un roman qui évoque le refus d'accepter une tragédie en se mettant en marge de sa propre vie.
Un texte noir et difficile, fait d'errances dans les quartiers glauques de Barcelone, au milieu des prostituées. L'écrasante chaleur n'a d'égale que la lourdeur du drame que l'on devine et qui explose à la toute fin du recueil, plus violent encore que ce que l'on avait imaginé.
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La bouche ouverte, oui, voilà comme Sergine l'avait vu dormir sur le divan de la chambre haute du mas, quand elle y était allée sur la pointe des pieds, pour le surprendre, et elle a dit aussi que la violence de son ronflement seule empêchait les mouches de septembre d'entrer dans sa gorge et de le visiter jusqu'à l'estomac ou plus profondément peut-être. Elle a dit qu'il était béant comme un sanctuaire où l'on gagne des indulgences en descendant dans la crypte. Elle a dit qu'il était devenu comme un monument qui eût contenu des machineries, et qu'elle aurait pu, sans le réveiller, lui peindre les lèvres en bleu, si elle avait eu de la couleur, ainsi qu'on peint l'entourage des portes et des fenêtres dans les pays qui sont infestés par les insectes volants.
Sur la plage solitaire où il a déjeuné un peu après midi, songe-t-il, il s'est assis sur une large touffe de petites fleurs des sables que butinaient des abeilles, et il se remémore l'odeur mielleuse qui s'en dégageait tandis qu'il mangeait le jambon cru et le pain beurré achetés ce matin à Perpignan.
Il rit aux plus grands éclats de lui-même et de son malheur, il pose sur sa poitrine, à la juste place, le court canon de l'arme, il presse la gâchette, et voilà comment il s'est brûlé le cœur.
Depuis vingt-quatre heures, environ, qu’il est arrivé à Barcelone, il a parcouru pourtant un incalculable chemin sur l’espace où sa vie a licence de se déployer et de s’exercer, quoiqu’il se soit mis en sécurité provisoire dans une transparente bulle et qu’il ait posé une transparente tour sur la lettre où le sort de tout ce qu’il aime est écrit. Jusqu’où ne s’est-il pas égaré dans la grande ville que le soleil partage entre l’ombre et la plus intolérable blancheur pendant le jour, tandis que la nuit l’éclaire de lumières rouges pour la pauvre comédie jouée en tous lieux par les putes aux beaux yeux peints et par les marins du mystérieux Altaïr ?
La grâce de ses épaules est pure.
André Pieyre de MANDIARGUES – Un siècle d'écrivains : L'amateur d'imprudence (DOCUMENTAIRE, 2000)
Émission « Un siècle d'écrivains », numéro 249, intitulée « L’amateur d’imprudence », diffusée sur France 3, le 7 décembre 2000, et réalisée par Evelyne Clavaud.