"Ain't no cure for the summertime blues" chantait Eddie Cochran en 1958, et ce roman nous plonge dans un blues estival.
En 1953, après avoir gagné un stage au magazine "Mademoiselle" suite à un concours de poésie, Esther Greenwood, 19 ans, passe le mois de Juillet à New York. Cocktails, talons hauts, chapeaux et sacs à mains : oh la belle vie ! Mais le retour dans la maison familiale, dans la banlieue de Boston, la confronte au vide de son existence. Peu à peu, une "cloche de verre" enserre sa tête et emprisonne son esprit ; Esther sombre dans la dépression, veut en finir avec la vie, et découvre les lueurs bleutées de l'électrothérapie.
Ah ! Comment supporter les délices de l'American way of life d'après- guerre, lorsque l'on est une jeune femme intelligente et ambitieuse ? Comment accepter son hypocrisie, sa superficialité et sa violence feutrée ? Pratiquement autobiographique, le récit de
Sylvia Plath dresse le portrait glacial d'un pays obsédé par l'électricité, que ce soit pour exécuter des communistes (les Rosenberg) ou redonner le goût de la vie à ceux qui veulent mourir. C'est également un témoignage précis sur la dépression et la façon dont elle ronge le cerveau et pourrit la vie : "Où que je me trouve -sur le pont d'un navire, dans un café à Paris ou à Bangkok- je serai toujours prisonnière de cette cloche de verre." Je crois que je n'ai jamais lu de phrase aussi triste.
Même s'il est forcément attachant, ce n'est donc pas le roman le plus gai de l'année, d'autant que les personnages -même Esther- ne sont pas franchement sympathiques, mais j'ai aimé la colère et la révolte qui sous-tendent l'histoire, et la remise en question de la domination masculine (déjà). La partie new yorkaise m'a un peu fait penser à "L'attrape-coeur" de Salinger, avec ce même regard cru et désabusé de la narratrice sur ce qui l'entoure, et dans la seconde partie, j'ai apprécié la justesse de sa retranscription de la torpeur et de la vacuité de l'été dans les petites villes.
Sylvia Plath s'est suicidée un mois après la publication de cet ouvrage, en 1963, à l'âge de 30 ans. Elle avait pourtant l'air heureuse sur les photos. "Il n'y a pas de remède..." disait la chanson.