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4,11

sur 700 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Célèbre d'abord pour sa poésie, Sylvia Plath a publié cet unique roman sous un pseudonyme, en 1963, un mois avant son suicide. Il s'agit d'un roman à clef, inspiré de ses propres troubles bipolaires. Il a été réédité après sa mort, sous sa véritable identité cette fois, provoquant une polémique et s'attirant le procès d'une femme qui s'était reconnue dans l'un des personnages du livre.


Nous sommes dans les années cinquante et l'Américaine Esther Greenwood a dix-neuf ans. Elle est l'une des lauréates d'un concours de poésie organisé par un magazine de mode, et, avec d'autres filles, elle est conviée à un séjour à New York pendant lequel elle découvre une vie futile et mondaine qui l'attire autant qu'elle lui répugne. de retour chez sa mère, alors qu'une profonde dépression s'empare d'elle, elle consulte un psychiatre, suit une thérapie qui ne l'empêche pas d'enchaîner les tentatives de suicide, et se retrouve en institution psychiatrique pour un long séjour dont elle sortira pleine d'espoir. Une fin qui résonne bien tristement quand on sait le dramatique épilogue qui devait succéder à l'écriture de ces pages.


Paradoxalement, aussi terrible soit-elle, jamais cette histoire n'écrase son lecteur de la pesanteur de son désespoir. C'est au fil d'un humour corrosif, qui épingle les travers de la société avec une lucidité pleine de révolte, que l'on s'achemine vers la perception de cette cloche de verre invisible qui se referme peu à peu sur la narratrice, l'emprisonnant toujours plus étroitement dans un sentiment d'étrangeté au monde, avant de déboucher sur celui de l'inanité de vivre.


Cette fille brillante, qui rêve de devenir écrivain à une époque où écrire est encore un geste essentiellement masculin, se voit sans cesse renvoyée à un avenir d'épouse et de mère, au mieux, si son futur mari l'autorise à travailler, à un emploi subalterne de secrétaire : « Ma mère me répétait sans cesse que personne ne voulait d'une licenciée en lettres tout court. Par contre, une licenciée en lettres connaissant la sténo, ça c'était autre chose, on se la disputerait. On se l'arracherait parmi les jeunes cadres en flèche, et elle prendrait en sténo lettre passionnante après lettre passionnante. » Et ce n'est pas le si décevant prix décroché par ses talents littéraires - un séjour dans un hôtel réservé aux femmes, dévolu à de futiles occupations réputées féminines, entre chiffons et maquillage, cadeaux ridicules et infantilisants, et dont elle ne parvient à s'échapper que pour découvrir la très inégale liberté sexuelle des femmes comparée à celle des hommes – qui pourrait lui redonner espoir. « le problème était que cela faisait longtemps que je ne servais à rien. » « La seule chose pour laquelle j'étais douée, c'était de gagner des bourses et des prix, mais cette ère-là touchait à sa fin. Je me sentais comme un cheval de course dans un monde dépourvu d'hippodromes, ou un champion de football universitaire parachuté à Wall Street dans un costume d'homme d'affaires, ses jours de gloire réduits à une petite coupe en or posée sur sa cheminée avec une date gravée dessus, comme sur une pierre tombale. »


A cette désespérance dont, comme tout le monde alors, il ne peut envisager les dérangeantes origines sociétales, le monde médical n'oppose qu'enfermement et électrochocs, se limitant à des pratiques inadaptées dont les établissements les plus hauts de gamme ne parviennent pas à gommer l'inhumanité foncière. Combien de filles, d'épouses, enfermées et maltraitées parce que non conformes aux normes féminines de leur époque ? Les allusions faites en passant dès le début du roman, puis la restitution de faits précis identiques aux terribles expériences vécues par l'auteur, pointent toutes vers le désespoir de cette femme que sa révolte contre l'écrasante domination patriarcale, les convenances et les attentes sociales à l'égard de ses contemporaines, a mené à une dépression traitée de manière coercitive comme une espèce de folie qu'il convenait d'éradiquer. Esther, tout comme Sylvia, sort calmée de son hospitalisation, bien décidée à se conformer à ce que la société attend d'elle. On en connaît hélas la suite dramatique.


Portrait d'une jeune femme déchirée entre son désir d'acceptation sociale et sa rébellion contre l'inégalité des sexes, ce livre très nettement autobiographique est un acte de désobéissance, une façon de clamer sa révolte alors qu'elle cherche l'issue entre pression sociale et aspirations personnelles, se refusant à choisir entre une carrière d'écrivain et une vie privée heureuse. En y rendant palpable l'étouffement vécu par les femmes, elle réussit une critique au vitriol de la société patriarcale et de cet American Way of Life que le monde envie alors à l'Amérique, transformant ce récit d'un ressenti intime en un document qui n'a pas fini d'alimenter les réflexions sociologiques sur son époque, d'intriguer les innombrables analystes d'une oeuvre désormais reconnue, et de simplement toucher le lecteur, séduit par les qualités du roman autant que consterné du si tragique destin de son auteur. Coup de coeur.

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La Cloche de Détresse est un roman à clefs. Sous les traits d'Esther, nous découvrons la vie de Sylvia Plath, ou tout du moins ce qu'elle veut bien nous en dire. Autobiographique, je classerai néanmoins cet ouvrage dans la catégorie Roman. Sylvia Plath nous décrit la société américaine dans les années 50. Elle émaille son récit de réflexions sur la place de la femme, ce que l'on attend d'elle (mariage, soumission, enfants, notamment). le ton est narquois, sarcastique. Ses rêves d'indépendance et de liberté, son aspiration à devenir une femme écrivain à part entière sont bien souvent mis à mal. le récit prend un tournant dans une deuxième partie lorsqu'elle découvre à son retour chez sa mère qu'elle n'est pas admise à un cours de littérature. Que va-t-elle faire de ce temps disponible, mais plus généralement de sa vie ? Avec distanciation, de manière clinique, Sylvia Plath nous décrit la spirale d'hospitalisation, traitements, tentatives de suicide, avec en musique de fond les supplications de sa mère lui demandant d'être ‘une bonne fille', ‘de se comporter correctement'.

Ce roman est remarquable. Sylvia Plath est comme dédoublée lorsqu'elle nous décrit sa vie. Jamais je ne me suis sentie voyeur, mais plus volontiers une amie tenue à distance.


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Esther Greenwood est une jeune fille talentueuse, invitée à New York pendant un mois après avoir remporté un concours d'écriture. Au fil des nuits, elle expérimente les débauches les plus diverses. Mais cet abus d'exubérances la laisse froide, rien ne lui semble ressembler à la vie. Peu à peu, l'obsession de la mort s'empare d'elle. « Je ne pouvais m'empêcher de me demander quel effet cela fait de brûler vivant tout le long de ses nerfs. » (p. 13) Lassée des soirées et des mondanités, elle redoute toutefois le retour chez elle et attend une réponse positive pour assister à un cours d'été en littérature.

Hélas, sa candidature n'est pas retenue et un été morne et vide se profile. Esther se laisse gagner par un lent découragement et une douloureuse prise de conscience. « le problème était que cela faisait longtemps que je ne servais à rien, et le pire, que ce n'était que maintenant que je m'en rendais compte. » (p. 89) Esther ne peut plus dormir, ni lire, ni écrire ou manger. Rongée de fatigue et désespoir, elle glisse dans une dépression nerveuse et cherche à mourir plusieurs fois, en vain. « C'est alors que j'ai compris que mon corps possédait plus d'un tour dans son sac ; du genre rendre mes mains molles au moment crucial, ce qui lui sauvait la vie à chaque fois, alors que si j'avais pu les maîtriser parfaitement, je serais morte en un clin d'oeil. » (p. 176) Esther se détache de la vie, des siens, de son avenir et même de son corps. La voilà « prisonnière de cette cloche de verre » (p. 202) qui pèse de plus en plus et l'isole du monde et d'elle-même.

Esther est admise dans diverses cliniques et subit une électrothérapie. Reprendre pied dans le monde semble inaccessible, même si le retour au collège reste un lointain espoir. Avant toute chose, elle doit se libérer de sa dépression, briser la cloche qui l'emprisonne. « Pour celui qui se trouve sous la cloche de verre, vide et figé comme un bébé mort, le monde lui-même n'était qu'un mauvais rêve. » (p. 260) Esther n'est pas seule dans la clinique, elle retrouve Joan, une ancienne camarade. Entre les deux jeunes filles, un lien étrange se crée. Quand l'une progresse, l'autre va plus mal et vice-versa, comme des Castor et Pollux sous tranquillisants. S'échapper de la cloche de verre, de cette cloche où résonne la détresse comme un écho interminable et assourdissant, c'est plus qu'un combat, c'est un pari sur la vie à la fois hasardeux et nécessaire.

Ce récit à la première personne montre la dépression et la folie comme deux voisines qui se fréquentent de trop près. D'inspiration largement autobiographique, La cloche de détresse est un roman dérangeant et fascinant. Je me suis sentie étrangement proche d'Esther : la jeune fille bouillonne d'inspiration et de génie, mais est incapable de transformer la poussée créatrice en oeuvre, au pont d'en venir à se détruire pour finalement produire quelque chose et avoir prise sur un aspect de son existence. La rédemption finale est annoncée dès le début puisque le récit est rétrospectif, mais l'histoire n'en reste pas moins haletante. On voudrait tellement aider Esther, même on se heurte indéfiniment à la même cloche de verre. Voici le roman qui ouvre mon année livresque 2013. Certes, le sujet n'est pas des plus réjouissants, mais la plume est éblouissante, à la fois torturée et vibrante.
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Je savais que cette lecture serait éprouvante émotionnellement, puisque j'avais lu ce roman plus jeune et qu'il m'avait profondément marquée. Alors je me suis un peu protégée. A l'époque, j'avais quasiment le même âge que la narratrice et je m'étais vraiment identifiée à elle. Aujourd'hui, je pourrais presque être sa mère, et c'est peut-être un autre regard que je porte sur elle.
Esther, le double de Sylvia Plath, a tout pour être heureuse, comme on dit toujours. Etudiante brillante, elle reçoit une bourse et un prix lui permettant de passer un mois à New York tout frais payés, auprès d'autres jeunes filles comme elles, recevant des tas de cadeaux - on dirait des goodies aujourd'hui - en prime. Hôtel, restos chics, réceptions et coktails, une vie de princesse.
Pourtant, cet univers factice, superficiel qui lui correspond peu et la société étriquée des années 50 où une jeune femme est plus destinée à une vie de famille et de ménage qu'à celle de poète renommée, l'éprouvent, et le monde autour d'elle se fait de plus en plus gris; Esther est bien trop ambitieuse et exigeante pour une jeune fille de cette époque...
Petit à petit, la dépression s'insinue en elle, jusqu'à ce qu'elle commence à être obsédée par l'idée de se suicider.
L'une des forces de ce roman très autobiographique, c'est que les raisons de ces idées suicidaires sont multiples et pourraient très bien ne pas atteindre une autre fille plus stable psychologiquement, ce qui rend la compréhension du suicide plus complexe que ce qu'on entend souvent.
L'autre force, c'est cette narration très moderne et de la seule focale de la narratrice. On suit au plus près d'elle sa descente aux enfers, sa relation perturbée par la dépression aux autres, son horizon qui se referme sur lui-même, et ce grand silence quand on est dans l'oeil du cyclone, comme elle.
Un récit bouleversant, qui l'est encore plus lorsqu'on sait que Sylvia Plath s'est finalement suicidée un mois après sa publication, alors qu'elle avait d'autres projets en cours.
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La cloche de détresse est un livre éprouvant.

Dans un quotidien festif- un groupe de jeunes filles couronnées de prix littéraires passe une semaine de fêtes et de banquets dans un grand hôtel new yorkais- s'engouffre soudain ce qu'on attendait le moins: une profonde angoisse existentielle qui déréalise les épisodes les plus mondains , donne aux événements une allure inquiétante, cauchemardesque qu'il s'agisse d'une beuverie ou d'une intoxication alimentaire, d'un flirt assez poussé avec un psychopathe endiamanté ou d'une invraisemblable opération de "séduction" dans un amphi de médecins où a lieu ...un accouchement!

Le ton léger, cynique, cache de plus en plus mal le vertige intérieur qui creuse chaque anecdote, passée ou présente.

La poétesse Sylvia Plath a publié ce premier et unique roman, largement autobiographique, un mois avant son suicide. Elle y entreprend, sur un ton fitzgeraldien , tout d'abord, de retracer un épisode douloureux de sa vie de jeune fille : une terrible dépression, suivie d'un internement et d'une serie d'électrochocs, dont elle sort pour reprendre, brillamment, sa carriere d'étudiante surdouée et de poète. Jusqu'à ce que la maniaco-dépression la retrouve..

La cloche de détresse tinte en sourdine dès les premières pages, puis nettement et jusqu'au malaise.

Elle prend parfois la forme d'un défi absurde -la descente à ski- ou d'une féerie macabre-la garde-robe voletant du haut d'un building dans la nuit new yorkaise.

Parfois celle d'une epreuve initiatique obligatoire- le sexe, la défloration, qui s'apparente au viol, au meurtre.

C'est la cloche du bureau paternel montée en lampe dont le fil pelucheux électrocute la jeune Esther- lui donnant un cruel avant-goût des "soins" qui l'attendent- quand elle veut prendre près d'elle ce souvenir d'un père adoré et disparu, avec le bonheur, quand elle avait neuf ans.

C'est enfin la cloche de verre sous le boisseau de laquelle elle a l'impression de vivre, coupée du réel, isolée de ses propres émotions, comme dans un mauvais rêve.

La retenue, la pudeur, l'élégance de la forme maintiennent à distance les sombres remous des troubles bipolaires qui tentent de happer et parfois saisissent cette jeune poétesse pleine de talents et de promesses.

Mais l'élégance et l'humour -glacé- ne sont pas tout : le style a souvent des fulgurances, des embardées qui laissent pantois. La cloche fêlée, comme celle de Baudelaire, est une cloche de poète. Elle est pleine d'images et de musique.

Cette cloche de détresse avait dans son bronze toute une gamme pour exorciser la folie.

Un triste jour, alors que ses deux jeunes enfants dormaient à l'étage, Sylvia Plath, terrassée par une vague trop forte d'angoisse , n'a plus su ou plus voulu la faire tinter. Et a mis sa tête dans la cuisinière à gaz.
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Ce livre, acheté il y a de nombreuses années lors d'un épisode dépressif, m'attendait depuis sagement dans ma bibliothèque.
L'aura planant autour de "La cloche de détresse" et de Sylvia Plath m'impressionnait et m'effrayait à la fois.
Je m'y suis plongée cette année, près de dix ans après mon achat, pour m'aider à trouver les mots face à des sensations parfois innommables.

C'est d'abord un roman, d'inspiration autobiographique certes, mais un beau roman avec une vraie histoire, une héroïne intelligente et un univers, celui de l'Amérique mondaine des années 1950 en pleine évolution, très bien décrit.

Le sujet principal du récit est la chute vertigineuse de la narratrice Esther, dix-neuf ans, au cours de quelques mois qui vont la voir passer de la condition d'étudiante pleine d'avenir à celle de malade mentale, en proie à des envies suicidaires et des angoisses terribles.

Les sensations provoquées par la maladie sont très bien décrites, Sylvia Plath était malheureusement déjà passée par là et cela se ressent dans le choix des mots et des expressions.

C'est aussi un éclairage intéressant, bien que forcément biaisé, sur la psychiatrie de l'époque et ses traitements : sédatifs puissants, électrochocs dans des conditions brutales.

D'autres thèmes sont évoqués, celui du féminisme notamment et du poids des hommes dans une société encore très conservatrice.

Esther est en effet une fine observatrice et porte un regard aiguisé sur le monde qui l'entoure, le récit est donc loin d'être seulement celui d'une descente aux enfers.

C'est un texte très riche au charme particulier, avec des passages réellement superbes, on sent bien la plume de la poétesse derrière ce roman.

Un roman devenu classique, à découvrir...
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J'ai terminé La cloche de détresse et j'ai du mal à trouver les mots pour en parler. Bien sûr que cela parle de dépression, de souffrance psychique, c'est noir, d'autant plus qu'en connaissant un peu la vie de l'auteur et sa mort, et les liens entre ce qu'elle écrit et ce qu'elle a vécu c'est encore plus poignant. Mais en même temps il y a dans le livre un humour (noir certes), une justesse pour analyser les situations les plus désespérées, une lucidité qui même dans les moments les plus terribles ne la lâche pas, que la lecture en est un grand plaisir, malgré tout. Et quelle maîtrise de l'écriture et la structure narrative, c'est soufflant. Un très grand livre, à lire absolument, mais peut être pas dans les moments difficiles.
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The Bell Jar
Traduction : Michel Persitz

"La Cloche de Détresse" parut dans le monde anglo-saxon en janvier 1963. Un mois plus tard, Sylvia Plath mettait fin à ses jours.
Le fait d'avoir plongé au plus profond d'elle-même pour en extirper ce livre constitua-t-il pour elle un choc trop violent dont elle ne ressentit peut-être pas l'impact pendant qu'elle écrivait mais qui se révéla dans toute son ampleur après qu'elle eut autorisé son ultime enfants de mots et d'encre à prendre son envol sous la houlette des éditions Faber & Faber ?
Ou bien les réactions, très mitigées, des êtres de chair et de sang dont elle avait restitué le caractère dans ces pages accentuèrent-elles l'impression qu'elle traînait après elle de n'avoir jamais été réellement comprise et appréciée à sa juste valeur, la renvoyant à sa souffrance intime ?
Y eut-il d'autres facteurs comme la certitude, illusoire ou définitive, d'avoir atteint, avec "The Bell Jar", à l'ultime niveau de son talent ?
Quoi qu'il en soit, ce roman demeure un modèle d'analyse personnelle sans complaisance. Une fois encore, le miracle de l'écriture se fait sentir et le romancier s'approprie sans vergogne l'individu qu'il est aussi pour en faire l'un de ses personnages. Ce personnage, il l'examine sous toutes les coutures - on dirait de nos jours qu'il le scanne - et le restitue, avec l'intégralité de ses états d'âme, fussent les moins facilement compréhensibles. A ce jeu-là, c'est vrai qu'on peut se perdre et si la réussite de Plath l'écrivain est ici exemplaire, on peut comprendre que Plath la femme n'y est pas survécu.
Il faut dire que Plath n'a pas choisi la facilité : si elle dote bien évidemment son héroïne d'un Etat-civil à part entière (Esther Greenwood), elle ne peut s'empêcher de recourir au "Je" pour monter son texte. de plus, on sent bien qu'elle n'a rien oublié de son parcours de petite provinciale qui, ayant remporté un concours de poèmes organisé par une grande revue new-yorkaise, se trouve brutalement immergée, presque du jour au lendemain, dans un univers brillant mais superficiel qui l'agace et la charme tour à tour.
Quand, le séjour-récompense à New-York achevé, Esther-Sylvia prend le chemin du retour, le drame éclate : aux angoisses et aux sensations vertigineuses inspirées par un univers qui semble vaciller, succède une tentative de suicide et l'inévitable thérapie de choc, la seule pratiquée dans les années cinquante.
Certes, Sylvia Plath a tenu à achever son roman sur une note d'espoir et fait son héroïne quitter, pratiquement guérie, la clinique qui l'a accueillie après sa dernière rechute. L'espoir, il est vrai, s'ouvrait alors à la jeune fille puisque nous étions encore en 1953/1954, soit avant sa rencontre et son mariage avec Ted Hughes. Mais lorsque la romancière pose le point final à ce récit, dix ans se sont écoulés, elle connaît des problèmes de couple et a deux enfants. Pour elle, l'espoir n'est plus.
Juste avant de s'enfermer dans la cuisine et d'en calfeutrer la porte pour s'assurer que l'arrivée de gaz du four accomplirait correctement son office, Sylvia Plath prit la précaution de préparer, à l'intention de son fils et de sa fille, un goûter de pain et de chocolat. ;o)
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Depuis le temps que j'avais envie de lire "La cloche de détresse" de Sylvia Plath, je ne regrette pas cette lecture bouleversante. Cet unique roman de la poétesse américaine virtuose est un chef-d'oeuvre car il y a une intensité rare dans la narration, qui fait vibrer.

Au début du roman Esther Greenwood est à New York en stage à la rédaction d'un magazine de mode. Elle a dix-neuf ans en cet été 1953.
Durant ce mois, elle accepte les cocktails, les robes, les défilés, les banquets, les sorties, menant une vie de jeune débutante et, pendant un temps, elle est exactement la jeune fille prometteuse qu'on voit en elle.
Et puis rapidement, ça devient trop, Esther ne voit plus que le côté factice de toutes ces mondanités et relations. Elle sait bien que ce n'est pas la vraie vie, ce n'est même pas une vie qu'elle a un jour désirée.
De retour à la maison, la dépression lui tombe dessus comme une cloche de verre qui l'empêche de respirer pour rester en vie. Tous les moyens sont bons pour trouver la mort qui devient obsessionnelle pour apaiser ses souffrances.
Sauvée presque par hasard aux portes de la mort, elle dit l'horreur des thérapies psychiatriques de l'époque, en particulier celle des électrochocs, puis la lente et chaotique rémission en particulier grâce à l'écoute, au regard, à l'intelligence de sa psychiatre.

Même si elle l'a recouverte d'une légère couche de fiction pour adoucir la réalité, l'histoire d'Esther est celle de Sylvia Plath, ce qui est d'autant plus touchant quand on sait que quelques mois plus tard elle réussirait son suicide.
Cela lui permet de poser des questions sans réponses, elle se demande de quoi on peut bien vouloir la punir et pourquoi ses proches, la société, veulent la façonner selon leurs modèles. de là, elle parle d'injustice dans une société en évolution ou le féminisme doit prendre toute sa place.
Un roman poignant qui m'a profondément marquée.


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Ma fascination pour la poétesse Sylvia Plath (qui aurait 91 ans) ne fait que croître à la lecture de ses poèmes, des oeuvres de fiction sur elle, et maintenant de son unique roman.


“Pour celui qui se trouve sur la cloche de verre, vide et figé comme un bébé mort, le monde lui-même n'était qu'un mauvais rêve.”


Amérique des années 50, Esther Greenwood qui n'est autre que le double de Sylvia, est une étudiante Américaine de 19 ans, brillante elle a remporté un nouveau prix, celui dont il est question dans le roman est un prix d'écriture pour un prestigieux magazine de mode à New-York, elle remporte l'opportunité d'y faire un stage.

La voilà immergée dans ce monde de cocktail, soirées mondaines, grands restaurants,discours pompeux, monde factice, échappe à un viol, à  des discours imaginaire avec Buddy son petit ami scientifique qui dit que les poèmes ne sont qu'un tas de poussiere. Esther ressent un malaise, elle se sent oppressée, la mélancolie la gagne et l'envie d'en finir s'insinue en elle au fil des expériences ennuyeuses vécues à New York.

“Je me sentais très calme, très vide, comme doit se sentir l'oeil d'une tornade qui se déplace tristement au milieu du chaos généralisé.”

Elle n'est pas dupe. Elle suffoque dans la cloche de verre qui se fissure. Elle veut manger toutes les figues mais les voient pourir une à une ne parvenant pas à choisir les siennes, un mari, un foyer heureux avec des enfants, une autre figue était une poétesse célèbre, une autre un brillant professeur…

Sa mère la voit secrétaire et comme elle, Esther a intérêt d'apprendre la sténo, elle aura une vie bien rangée, “sera un petit caillou efficace au milieu des autres cailloux.”

Elle refuse cette vie caricaturale mais se sent happée par le désir d'enfants, dévorée par le modèle de la société Américaine si contraignants, si avilissant et réduction, destructeur pour les femmes “ Un homme ne s'en fait pas le moins du monde alors que moi, pour rester dans le droit chemin j'ai un bébé au dessus de la tête comme une épée de Damoclès.”

Esther, Sylvia, sombre peu à peu dans une detresse infinie, la depression nerveuse, la souffrance, la saturation, elle décrit ses sensations, dans son corps dans sa tête, ses tentatives de suicide qui sont déconcertantes, detaillées, sans aucune sentimentalité. Elle glisse dans les ténèbres, revient dans l'hôpital psychiatrique dans lequel elle a été Internée auparavant, se mélange avec les patientes, les médecins, les promesses, les séances d'électrochocs.

Le style de Sylvia Plath est très vivant, très électrique, candide aussi et drôle parfois alors qu'elle décrit sa psyché, elle flirte avec le vide. Elle veut tenir ce qu'elle est, Sylvia poétesse, sur la corde du funambule, s'en tenir à ce petit fil qui est là quand même pour pouvoir exister pleinement, et autour il y a le néant, l'air, l'espace du vide,  le manque de temps pour écrire qui s'approche, qui la dévorera. Elle aura tenu jusqu'à ses 31 ans, puis elle est tombée un mois après la publication de son unique roman. Elle disait de ce roman qu'elle avait ramassé des éléments de sa propre vie et en avait ajouté de la fiction. Cette oeuvre est extraordinaire. 

“Le problème était que cela faisait longtemps que je ne servais à rien, et le pire, que ce n'était que maintenant que je m'en rendais compte. La seule chose pour laquelle j'étais douée c'était de gagner des bourses et des prix. Mais cette ère là touchait à sa fin.”


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