AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,3

sur 2049 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Excellent ! A lire absolument ! Une lecture vraiment utile !

Je suis vraiment en admiration de ces jeunes auteurs, découverts cette année :

- Nicolas Mathieu pour « leurs enfants après eux » qui dresse, à sa manière, le portrait « de ceux qui sont restés », après la fermeture des usines, dans l'Est de la France (les emblématiques hauts fourneaux).
Comme il a pu l'expliquer, il avait quelques comptes à régler avec sa région natale.

- A Joseph Ponthus pour « A la ligne » qui raconte son histoire d'ouvrier intérimaire en 2015-2017, dans l'industrie agroalimentaire en Bretagne, dans un abattoir et dans des conserveries de poissons et de crustacés.
A préciser qu'il se retrouve à l'usine n'ayant pas trouvé d'emploi d'éducateur social en Bretagne, région qu'il a rejoint, pour retrouver son épouse. Un emploi, juste alimentaire, pour un temps… Il va ainsi s'intégrer aux équipes de l'usine, « suivre le mouv. » et en baver avec eux : les horaires, la fatigue accumulée, le bruit, les odeurs, les gestes répétés, la souffrance du corps, les aberrations du système, mais aussi la fraternité et plus que jamais la liberté de penser !

Ces deux jeunes auteurs instruits et diplômés, modernes, décrivent la réalité sur la vie « des petites gens » (les invisibles), avec un style direct, parfois cru, émouvant aussi, toujours en musique et poésie.
Cette réalité fait du bien… il ne faut pas la cacher ! Sachant que la démarche de chacun est de raconter et non de dénoncer…

Je remercie sincèrement les camarades Babelio pour leurs excellentes critiques. Sans elles, je serai passée à côté de cet excellent récit.

Après avoir lu ce livre, j'ai une petite pensée… pour mon père, ouvrier d'usine, une bonne partie de sa vie. Son quotidien à lui, dans les années 70 et 80, c'était de jouer au savant fou avec des produits chimiques très dangereux pour la fabrication des encres et des colles à l'attention des imprimeurs. Comme il dit souvent « il fallait que l'on soit solide ! »… et aussi une petite pensée pour Tata Claudine, qui s'en allait, bien pomponnée, au volant de son R5, pour rejoindre sa chaine à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit, dans une grande usine de cosmétique… Elle était tellement fière de travailler, d'être autonome, de plus, pour cette grande marque de luxe qui faisait tant rêver (c'était la grande classe !)… Elle aussi savait bien taire tous ses maux…
Commenter  J’apprécie          337
[ Les temps modernes ]

Tu fais des études, tu ne trouves pas de travail dans ta branche, tu t'inscrits en agence d'intérim parce qu'il faut bien payer le loyer et tu te retrouves à l'usine.
C'est malheureusement assez banal. C'est ce qui est arrivé à Joseph Ponthus.
Pourtant éducateur spécialisé on se dit qu'il doit y avoir du taf… Mais non ce sera l'agroalimentaire, les conserveries de poissons, les abattoirs.
Trier des crevettes et des bulots, dépecer des poissons, égoutter du tofu, nettoyer des abats, pousser des rails de carcasses de vaches et recommencer.

L'auteur réussit un tour de force : raconter le travail, le quotidien, les horaires de dingues, l'absurdité des gestes, le corps qui souffre, le cerveau qui résiste.
Les réflexions s'enchainent, les phrases aussi, avec retour à la ligne, sans ponctuation, sans le temps de reprendre son souffle, le même rythme cadencé que celui de la chaine.
C'est un long poème réaliste qui nous conte la précarité et l'épopée ouvrière de notre époque (avec pause clope intégrée).
L'enfer prolétarien raconté par Ponthus, ça vous remue sévère, ça résonne dans la tête.
Et pourtant l'auteur parvient à inoculer dans le récit de ce purgatoire une certaine désinvolture, des références littéraires et musicales et même de l'amour quand il évoque sa femme et sa mère.

Ce premier roman est un livre fort, avec des choix forts, tant en terme de sujet que de style, mais c'est parfaitement mené.
Chapeau monsieur.
Lien : https://www.instagram.com/p/..
Commenter  J’apprécie          330
Voilà, je n'avais pas prévu d'écrire une chronique sur cette oeuvre magistrale mais deux éléments aujourd'hui m'ont fait changer d'avis :

1) Je viens d 'apprendre le décès de son auteur : Joseph Ponthus mort des suites d'un cancer à 42 ans, si jeune, si talentueux. Cette nouvelle m'a bouleversée et fait réagir au point que..

2) j'en parle au petit-déjeuner (9h45) de mon aînée (17 ans et demi) en lui disant : "Bichette, il faut que tu lises un manifeste en prose génial, une merveille sociologique, un écrit d'écorché vif, un pamphlet ouvrier, une oeuvre solaire et très bien écrite, qui parle des travailleurs avec respect, du déclassement social, qui raconte le monde des Gilets Jaunes sans stigmatisation, qui écrit avec justesse et acuité sur les dérives sociétales, sur ce monde qui survit à coups de missions intérimaires lacunaires, qui étouffe aux conditions de travail rudes, humiliantes, déchirantes, parfois inhumaines et avec une très grande précarité, où la solidarité se compte en voyages routiers et en pauses "café-cigarette."

Ce à quoi ma fille a rétorqué : "Tu t'en souviens drôlement bien de ce roman !"

Et je lui ai répondu : "À la ligne est un livre qui a changé ma vie - je mange moins de viande grâce à lui et grâce à toi aussi (chère fifille végétarienne)- parce que l'épisode de l'abattoir m'a suffisamment traumatisée et fait prendre conscience de scènes décrites sans pathos (où le respect des êtres -hommes, animaux- est dépassé et trop traumatique pour qu'on puisse oublier). Un poème sans ponctuation dont le style fluide est à l'image de certains couplets : incisif, percutant, touchant, profondément humain. Un écrit à la Zola ou la Aubenas, la poésie en plus. "

Voilà, par amour pour une femme, Joseph Ponthus a quitté un poste d'éducateur spécialisé après des études littéraires de haute voltige (deux années de classe préparatoire, des études universitaires ensuite) et a rejoint le monde des travailleurs précaires, qui accumule les missions d'intérimaire dans différentes usines (poissons, viandes).

À la ligne est un témoignage d'amour à cette femme qui l'a fait grandir, un héritage instruit (aux multiples références classiques) que nous laisse Joseph Ponthus : j'aurais tellement aimé qu'il écrive plus d'écrits, d'histoires. Il possède cette rage qui bouscule et dont je ne partage pas tout le contenu. Mais la confrontation de ses idées aux miennes fait cheminer le débat qui est nécessaire.

Le titre À la ligne bien choisi résume à la fois la forme (les retours à la ligne dans le texte servent de souffle) et le fond (les lignes de production des usines - travail à la chaîne)

Voilà, j'aurais aimé que Joseph Ponthus vive plus longtemps, j'espère que sa fin de vie aura été plus apaisée. J'ai une pensée pour ses proches, pour sa femme en particulier, pour ses amis, pour ses collègues (passés ou présents).

Le succès littéraire d'À la ligne est mérité. À la ligne est un livre exceptionnel, à étudier sans délai (parce que la vie est courte, parce que les voix d'une grande pertinence méritent être entendues et lues).

Je dois cette lecture à Jérome du blog D'une berge à l'autre qui en avait fait un coup de coeur : à juste titre. Merci cher ami !
Commenter  J’apprécie          326
Je sors de ce livre, bouleversée par la vérité qu'il nous balance à la figure, je le reçois comme un cri infini, au rythme des phrases jamais arrêtées, ouvertes comme des blessures à vif.
Car c'est bien de son corps souffrant dont nous parle l'auteur, un corps que l'usine achète, pour boucher les trous, pour continuer à produire vite, la précarité des uns faisant le bonheur des autres;
"je rêve d'être en grève
Comme lorsque j'avais un vrai boulot et que je ne risquais rien
Je rêve de pouvoir aller à la manif"
Ce corps il transpire, il porte, il pousse, il reste vivant dans la puanteur et la mort des bêtes. Il s'accroche à ce qui le fait tenir, revenir à l'embauche au petit matin pour les sous...le café, la clope, la pause, les pattes de crabe chapardées, en douce, trop rarement.
Ce corps, il est pourtant debout, grâce aux idées qui lui donnent la force, celles qui lui viennent des poèmes ou des chansons, celles qui lui viennent de la mémoire des luttes, de la Chanson de Craonne à la Semaine sanglante.
Ce corps tient debout par l'humanité qu'il porte, et qui éclabousse dans les mots écrits, à l'Epouse amour ou à la Mère.
Un livre pamphlet, une claque magistrale.
Commenter  J’apprécie          323
J'ai eu jusqu'à présent cette chance de ne pas devoir gagner ma croute en bossant à la chaine, mes parents l'ont évité aussi.

N'allez pas croire pourtant que je ne sais pas ce que c'est que le boulot physique, celui qui nous fait transpirer et donne des maux de dos : pour gagner plus, j'ai dû bosser plus et accomplir des boulots « en stoemelings », comme on dit à Bruxelles. « En noir », si vous ne causez pas le bruxellois sans peine.

Malgré tout, jamais je ne me suis retrouvée à trimer comme l'auteur, limite si je n'étais pas le cul dans le beurre, bordé de nouilles, même les vendredis soirs où je ne savais plus comment je m'appelais après une semaine de malade.

Ce roman, Dealer de Lignes en avait parlé en bien, mais ça ne m'intéressait de lire un auteur qui parlait du travail à la chaine, dont dans un abattoir alors que j'avais à lire « Jusqu'à la bête », qui parlait justement d'un travailleur dans un abattoir. Je pensais le sujet redondant.

Femme de peu de foi que je resterai toute ma vie ! Heureusement qu'au détour d'un zapping, on est tombé sur l'émission « La grande librairie » (le mercredi 6 février) où l'auteur était présent. Connaissant le titre, j'ai regardé et ensuite, je ne voulais qu'un seule chose : le lire !

C'est bien simple, j'avais les yeux en quiquinne de poupousse (qui criaient dodo) et j'ai regardé toute l'émission, me gavant des mots de l'auteur ainsi que de ceux des autres présents sur le plateau, me demandant si mon pauvre cerveau arriverait à assimiler tout ça, plus habitué qu'il est à entendre de la médiocrité au fil de la journée.

Il faut prévenir le lecteur/trice potentiel(le) que la présentation du texte n'est pas celle de d'habitude. Écrivant son texte à la ligne, comme une poésie sans rimes, sans virgules, sans point final, l'auteur a fait un pari risqué.

Vous voulez savoir ce que j'en pense ? Putain, ça va foutrement bien au récit !

D'ailleurs, au bout de quelques lignes, mon petit cerveau travailleur mettait lui même les virgules fictives pour donner du temps de repos à mes yeux qui ont dévorés ce roman à la vitesse d'un éclair, se gavant de toutes les belles phrases écrites, se délectant du style de l'auteur et s'ouvrant tout grand devant certains métiers comme égoutteur de tofu. Effectivement, dépoteur de chimères, ça claquait mieux.

À l'aide de peu de mots, avec des petits bouts de phrase, l'auteur nous décrit avec brio la France des précaires, celle des intérims, ceux qui bossent pour vivre, qui sont obligé d'accepter n'importe quel job afin de gagner quelques sous, obligé d'enquiller des nuits, des samedis, des dimanches, de ne jamais savoir à quelle sauce ils vont être mangé puisque leurs contrats ne sont jamais longs.

Cette vie, je ne la souhaiterais même pas à mon pire ennemi et même si j'ai cumulé des jobs physiques, je les ai toujours choisi, je pouvais foutre le camp sans problème, je n'étais pas déclarée et j'avais un autre job intellectuel sur le côté (dieu quel titre pompeux).

Véritable carnet d'usine écrit après ses heures éreintantes de jobs de merde en tout genre, on ressent bien toute la fatigue de monsieur Ponthus qui nous explique n'avoir tenu que grâce à la littérature qu'il avait étudié et aux chansons françaises qu'il chantait pour tenir et ne pas devenir fou au milieu des crevettes.

Le récit prend aux tripes car il ne reflète pas les conditions de travail sous un Victor Hugo ou un Émile Zola, ni celles dans un goulag en Sibérie, mais dans la France d'aujourd'hui, celle qui nous est contemporaine !

Je ne suis pas le lapereau de l'année, j'ai tout de même quelques connaissances, je ne pense être une personne qui n'a pas envie de faire fonctionner ses neurones, mais malgré tout, j'ai pris une claque magistrale dans la gueule en découvrant l'envers de certains décors du pays voisin du mien, celui dit des Lumières.

Il était temps que l'on jette un grand coup de projecteur sur les conditions de travail dans lesquelles baignent des travailleurs, ceux qui n'ont pas la chance d'être dans les premiers de cordée, comme le dit si bien une personne de ma connaissance.

Véritable ode au travail dans l'usine, récit bourré d'émotions, de solidarité, de situations ubuesque, de non considérations des chefs et de corps qui commencent à crier leur douleur à force d'être maltraité par les conditions de travail répétitives, ce roman atypique m'a pris à la gorge et aux tripes.

Je pense même coller un procès à l'auteur pour toutes les claques qu'il m'a mise et les coups de pieds au cul qu'il m'a donné. Je me croyais éveillée mais je somnolais encore un peu.

Lien : https://thecanniballecteur.w..
Commenter  J’apprécie          325
Recueillement. Alors que je lisais son livre, Joseph Ponthus mourrais. Je l'ai appris en refermant mon livre, en cherchant à savoir qui il était, si c'est une fiction. Non...
Et hier, je n'ai pas pu trouver les mots. Encore touchée par son histoire.
Imaginant que c'est l'usine bien sûr qui l'aurait tué. Mais je n'en sais rien...

Livre d'une justesse, d'une lucidité entière, profondément humain, l'amour de l'humain, ce qui fait l'humain dans l'enfer de l'intérim. Et puis la poésie de l'indicible : la poésie du travail à la chaîne dans un abbatoir, la poésie de la souffrance, la poésie de la non vie. Ou comment rester vivant malgré tout.

A lire absolument. Pour mieux prendre conscience des hommes et des femmes qui triment pour remplir nos frigos, nos maisons, nos vies...
Commenter  J’apprécie          311
Joseph est marié. Il est également l'heureux propriétaire d'un chien nommé Pok Pok qu'il met un point d'honneur à sortir le matin et le soir avant l'embauche et la débauche à l'usine.

Joseph est intérimaire. Mais Joseph n'a pas toujours été intérimaire. Auparavant, il exerçait plutôt un métier qu'on considère généralement comme "intellectuel", du fait de sa passion pour la poésie et la littérature. Mais, la vie fait qu'il faut bien se nourrir et en attendant de trouver un métier dans son secteur de prédilection, Joseph travaille à l'usine, dans l'agro-alimentaire. Il va et vient d'une mission à l'autre selon les besoins. Parfois, il est un maillon de la chaîne de conditionnement de fruits de mer, des crevettes, des langoustines (en période de fête), des pinces de crabes mais aussi des bulots. Parfois, il fait du poisson pané. Parfois, il égoutte du tofu. C'est pas vraiment l'extase totale, loin de là. Il doit s'adapter à des affectations ou des horaires qui changent à la dernière minute, des chefs incapables de se souvenir des prénoms tant le turn-over est fréquent. Mais Joseph fait toujours son travail, sans ramener sa fraise, consciencieusement, répétitivement.

Mais malgré tout, les fruits de mer et le tofu, c'est finalement plutôt la planque comparé à ce qui l'attend dans sa prochaine mission, là-bas dans cet abattoir.

Joseph, dans ce livre, décrit, d'une manière cynique à souhait, le caractère impersonnel quasi-anonyme de l'intérim en usine "Fordiste". Cette main d'oeuvre corvéable à merci, totalement interchangeable et qui regarde jalousement ces salauds de privilégiés en contrat à durée indéterminée qui ont le culot de faire grève, alors qu'eux, ne s'y risqueraient pas sous peine d'être immédiatement remplacés par un nouveau petit clone docile et soumis à ces chefs à casques rouges.

Mais Joseph le raconte toujours avec la manière. Parce que Joseph n'est pas qu'un pion interchangeable. Joseph sait écrire. Il aime Guillaume Apollinaire, Charles Trenet et Barbara. Il extériorise la monotonie de son labeur sous forme de feuillets d'usine qu'il nous envoie à la figure comme pour nous faire croire que même le travail le plus ingrat pourrait paraître presque beau s'il est raconté avec le talent du poète.

Joseph raconte une anecdote avec une collègue : "Tu te rends compte aujourd'hui c'est tellement speed que j'ai même pas eu le temps de chanter". Et Joseph pense que "c'est une des phrases les plus belles, les plus vraies et les plus dures qui aient jamais été dites sur la condition ouvrière".

Joseph ne connaît pas non plus les signes de ponctuation, comme le symbole d'une certaine urgence, de l'obligation d'aller vite pour respecter les objectifs de production, comme une métaphore dans laquelle les jours et les nuits ne peuvent plus se distinguer à l'image de ces phrases qui se suivent et se mélangent sans point et sans virgule.

Joseph a réussi son coup : rappeler à ceux qui ont tendance à l'oublier, la violence de la condition ouvrière du travail à la chaîne, du travail précaire "à la ligne".

Joseph a aussi réussi à ressusciter Zola.
Zola peut être. Mais pas l'esclavage industriel du XIXe siècle. Celui-ci n'est jamais vraiment mort finalement.
Commenter  J’apprécie          312
J'ai lu A la ligne quasiment sous contrainte: pour le manuel de terminale pro de 2021, il nous fallait un texte contemporain qui parle de la condition ouvrière, de l'ubérisation et de leurs ravages sur le corps et l'esprit; pas glamour donc. Ce livre ayant tout de même obtenu le prix des lecteurs de ma ville, je m'y suis collée, d'assez mauvaise grâce cependant. La mission que je m'étais secrètement fixée: le feuilleter rapidos, en extraire un passage édifiant et le rendre avant de partir en vacances. Et bien, je l'ai lu en entier et me suis régalée. C'est une sorte de journal de bord d'un homme, fin lettré que les circonstances de la vie ont amené à assurer des missions d'intérim dans des usines agroalimentaires ou des abattoirs. Pas tellement un livre détente donc.
Il raconte son quotidien sans jamais se plaindre, de manière originale (pas de ponctuation et, à la ligne), intéressante et humaine. On sent l'homme de gauche humaniste aux antipodes de mon ennemi idéologique: le gauchiste donneur de leçons, victimiste et revanchard. C'est joliment écrit, passionnant, parfois édifiant. Une très bonne surprise.
Commenter  J’apprécie          311
En feuilletant le livre, je m'étais dit : Oh, ça ne va pas me plaire… Aucune ponctuation ou presque, en tout cas, pas de point final, même à la toute fin. L'auteur écrit en toute lettre : « Point final », mais termine son texte par les mots : « À la ligne ». Jusqu'aux remerciements qui adoptent la même forme ! Je m'étais dit que ça n'allait pas me plaire et j'ai dévoré ce livre bouleversant d'humanité, qui réussit à éviter le désespoir, parce qu'il y a l'amour, parce qu'il y a la chaleur des relations humaines avec sa femme, sa mère, ses compagnons de galères, ses anciens compagnons zadistes, sans oublier la joie d'un chien quand on rentre chez soi…

Il ne s'agit pas d'un roman, plutôt d'un récit : Joseph Ponthus nous relate son expérience d'ouvrier intérimaire dans des usines. C'est un intellectuel (de formation littéraire) qui, parce qu'il change de région pour suivre sa femme, ne va pas retrouver d'emploi dans le domaine où il travaillait. Pour pouvoir survivre, il va s'inscrire dans une agence d'intérim qui lui assignera diverses « missions » dans des usines agroalimentaires, puis dans un abattoir. On a beau employer le mot « mission » pour anoblir les différents boulots que Joseph Ponthus exécutera, on est loin, très loin du but élevé que le terme implique habituellement… Le titre que l'auteur choisit de donner à son récit joue aussi sur la langue de bois : on ne dit plus qu'on travaille « à la chaîne » ; on dit maintenant « à la ligne », et l'auteur fait là, je crois, un malicieux clin d'oeil au lecteur en adoptant cette présentation.

Ce n'est bien sûr pas le premier livre qui raconte les conditions de travail en usine, mais j'ai trouvé celui-ci particulièrement frappant. L'originalité de la forme m'a sortie de mes habitudes, et contrairement à ce que je croyais, j'ai beaucoup aimé le rythme que la présentation typographique impose ainsi d'ailleurs que les phrases ou les mots en leitmotiv qui traduisent souvent l'épuisement à cause des gestes répétitifs, l'absence de sommeil réparateur et l'intense fatigue du corps et de l'esprit. Joseph Pontus le dit et le répète : ses souvenirs littéraires l'aident à tenir la cadence, à tromper l'ennui, à garder espoir. Dans les postes qu'il occupe, il sera trieur de crevettes, cuiseur de bulots, égoutteur de tofu ; il travaillera à la ligne sur des crabes, des langoustes, divers poissons, panés ou non ; il deviendra un temps dépoteur de chimères (!), et le travail aux abattoirs sera sans doute le plus difficile à supporter. « C'est fantastique tout ce qu'on peut supporter » propose Joseph Ponthus en exergue. Cette phrase d'Apollinaire convient parfaitement à son difficile témoignage. Eh oui, il va supporter ces conditions de travail qui semblent parfois d'un autre âge et nous les faire découvrir ou partager avec un texte plein de verve, de références littéraires, de gouaille et… d'humour. J'ai adoré ce livre !
Commenter  J’apprécie          315
Il n'y a pas de ponctuation
Pour arrêter le flux
Ces mots que Joseph déverse
L'usine et le reste
Les poissons les carcasses
L'embauche et la débauche
Les heures sombres la nuit les néons
Les heures qui s'empilent  le corps qui plie
Mais ils tiennent lui les autres
La douleur et la nuit
Encore

Joseph déverse sans point ni virgule
Les heures sans plainte pour cinq sous à bouffer
Les mots qu'on gobe qu'on serre qu'on digère
Des mots qu'on entend
Nécessaires faut savoir leur vie
Ses ouvriers sur la ligne

Lui il a fait des études ses mots sont beaux
Ses références
Des auteurs des citations des chansons
Des accroches pour ne pas sombrer
La tête occupée
Ça coule dans l'usine
Et ça choppe en pleine gueule
Leur vie leurs matins leurs soirs leurs nuits
La folie les chefs et l'intérim
L'attente et l'effort
Indispensable faut savoir

L'homme avance et on suit
L'usine qui pourrit l'usine qui guérit
Une baffe
La pêche à la ligne le boulot ben oui le boulot
Poissons vaches du pareil au même
On trime on pue on s'essouffle on recommence
Dur si dur
Joseph tu nous tues de tes mots des silences des autres tu nous assommes mais t'as raison faut tout dire faut qu'on sache toi les autres les maux les douleurs faut qu'on entende
La vie l'essentiel
L'amour et même le chien
Les réveils un pied devant l'autre toujours
Pour vivre

Joseph je vais leur dire de te lire
Absolument
Indispensablement
Remettre les pendules à l heure
Pour de vrai t'as raison la vie c'est pas des idées
Joseph merci pour ce texte sans point ni virgule
Aussi désossé que les carcasses de ton abattoir
A vif
Fort Intense réel
Un coup au coeur
Indiscutable
Point à la ligne
Lien : http://aufildeslivresblogetc..
Commenter  J’apprécie          311



Autres livres de Joseph Ponthus (1) Voir plus

Lecteurs (3754) Voir plus



Quiz Voir plus

Les écrivains et le suicide

En 1941, cette immense écrivaine, pensant devenir folle, va se jeter dans une rivière les poches pleine de pierres. Avant de mourir, elle écrit à son mari une lettre où elle dit prendre la meilleure décision qui soit.

Virginia Woolf
Marguerite Duras
Sylvia Plath
Victoria Ocampo

8 questions
1718 lecteurs ont répondu
Thèmes : suicide , biographie , littératureCréer un quiz sur ce livre

{* *}