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4,3

sur 2049 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
***** 5 mars 2021.... j'aurais préféré ne jamais ajouté cette note atroce. Joseph Ponthus nous a quittés très prématurément en février 2021, ayant lutté très courageusement contre la maladie... voici un lien précieux pour signaler son dernier écrit précieux, hommage à Henri Calet

voir lien : https://www.la-croix.com/JournalV2/inedit-posthume-Joseph-Ponthus-2021-03-04-1101143671

"Je ne sais qu'écrire ma vie" de Henri Calet - Préface de Joseph Ponthus / Presses Universitaires de Lyon , 2021 ]
***************************************

Une pépite totale sur un sujet pourtant abondamment traité, mais ce
récit a un ton, un rythme, une forme qui sortent de l'ordinaire, nous
prenant "aux tripes", littéralement" !

"Ce n'est pas du Zola mais on pourrait y croire
On aimerait l'écrire le XIXe et l'époque des ouvriers
héroïques
On est au XXIe siècle
J'espère l'embauche
J'attends la débauche
J'attends l'embauche
J'espère

Attendre et espérer
Je me rends compte qu'il s'agit des derniers mots
de Monte-Cristo
Mon bon Dumas
"Mon ami, le compte ne vient-il pas nous dire
que l'humaine sagesse était tout entière dans ces
deux mots : Attendre et espérer ! " (p. 18-19)

----------------------------------

Je me suis décidée à lire ce premier roman en écoutant l'auteur à une
émission littéraire... Il a dû être convaincant pour un grand nombre
de lecteurs (dont moi-même !!)... vu le nombre déjà non négligeable
des "billets" des camarades ! et il semble que cela soit bien mérité vu
l'originalité du ton et de la forme, à partir d'une expérience personnelle de
travail en usine, qui abrutit et endort les individus !...

Je transcris un extrait de la dédicace, qui est déjà des plus significatives:
Une reconnaissance pour la richesse du quotidien partagé avec les
camarades, la solidarité des ouvriers dans une précarité commune,et le soutien des mots de la littérature et de certains chanteurs "à textes"...dans des univers de travail juste "infamants", intolérables... ce livre est...

"fraternellement dédié aux prolétaires
de tous les pays aux illettrés et aux sans dents avec lesquels j'ai tant
appris ri souffert et travaillé
A Charles Trenet sans les chansons duquel je n'aurais pas tenu..."

Heureusement, notre auteur a la passion de la littérature, des textes
qui lui permettent de "tenir bon" , dans ces emplois "à la chaîne" qui épuisent mentalement et physiquement...les personnes, grignotent leur vie !!

Jeu de mots du titre... représentant doublement un terme lié à l'usine pour
dire "à la chaîne"... et le travail d'écriture de l'auteur....

La forme atypique du récit ne peut qu'intriguer, emporter ou freiner ! Pour ma part, j'y ai trouvé une musique, un rythme tout à fait prenants !

Poème en prose, sans ponctuation, allitérations nombreuses qui rendent excellemment la routine, la monstruosité des mêmes gestes mécaniques, uniformes...et une seconde de grâce dans ces enfers de l'usine, des conserveries de poisson ou des abattoirs: le souvenir d'une chanson ou d'un beau texte... et notre auteur-ouvrier s'envole dans le "baume" de mots magnifiques, qui l'aident à se sentir à nouveau, un Homme, à part entière !...


"Maman

(....)
Je sais que ma situation à l'usine t'inquiète même
si tu ne m'en parles pas de ne pas trouver de
"vrai" boulot d'avoir bientôt quarante ans d'avoir
fait des études tout ça pour ça

Je sais que tu as travaillé dur toute ta vie
notamment pour me payer l'école que tu as fait
énormément de sacrifices pour me permettre
d'avoir une bonne éducation ce qui est je crois le
cas
Peut-être pense-tu que c'est du gâchis d'en arriver
là à l'usine
Franchement je ne crois pas bien au contraire
Ce que tu ne sais sans doute pas c'est que c'est
grâce à ces études que je tiens le coup et que j'écris

Sois-en remerciée du fond du coeur (...)

Tout va bien
J'ai du travail
Je travaille dur
Mais ce n'est rien
Nous sommes debout

Ton fils qui t'aime" (p. 214-219)


J'avoue avoir appris un terme sans doute très connu, mais complètement ignoré de ma part, pour nommer "les pauvres" : "Les sans - dents " !! ...
direct , violent et imagé à l'excès ... comme l'est cet excellent roman,
successivement poétique, tendre, brutal, cru, terne comme ce quotidien dévorant de gestes toujours mêmes ,du corps qui fatigue, s'abîme.. mais surgit toujours un instant de grâce : un sourire, la plaisanterie d'un camarade, la clope savourée à la pause, les mots magiques d'une poésie, d'une chanson ou d'un texte littéraire, pour reprendre une goutte d'énergie, de suspens réparateur ...!


Je termine sans terminer ...ce billet avec ce passage très fort...Il ne peut y avoir de fin pour parler des "sans-dents", de la souffrance, de la pénibilité extrême de certains emplois, avec cette lancinante "précarité" qui abîme, épuise les individus...dans cette société en manque d'humanité et surtout de reconnaissance, de dignité dans le travail des personnes!

Cette lecture, en dépit de la dureté des expériences en usine de l'auteur, offre plusieurs lumières salvatrices : la vie, la lumière des paysages marins, l'amour de l'épouse pour laquelle l'auteur s'est retrouvé à Lorient, amputé momentanément de son travail premier , d'éducateur social, le courage et la solidarité des camarades , emportés dans la même galère que lui!


"Il y a qu'il faut le mettre ce point final
A la ligne

Il y a ce cadeau d'anniversaire que je finis de
t'écrire

Il y a qu'il n'y aura jamais
même si je trouve un vrai travail
Si tant est que l'usine en soit un faux
Ce dont je doute

Il y a qu'il n'y aura jamais
De
Point final
A la ligne "
(p. 262)

Une curiosité qui sera éveillée pour suivre avec attention cet écrivain original et percutant !
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Et voilà comment on délaisse le livre papier pour le livre numérique. On télécharge un extrait, un soir, comme ça, juste pour voir , sauf qu'on ne peut plus se détacher du récit et on achète le livre en un clic et on le lit d'une seule traite. Englouti. Goulûment.Mais non encore digéré, tellement il est génial.
Diplômé de lettres, sans emploi, Joseph Ponthus se retrouve intérimaire et catapulté dans le monde froid, métallique, mécanique, uniformisant et répétitif de l'usine. Ce purgatoire de métal sans fenêtres, aux néons blafards, aux odeurs crasses, aux pauses clopes et cafés minutées, et les gestes routiniers, harassants, abrutissants qu'il enfante, l'écrivain les subit de façon robotique avec le corps qui lâche, rompu aux douleurs aiguës.
L'usine , paradoxale, personnifiée, écrase les certitudes de l'auteur. Tantôt destructrice, tantôt « divan de psy », tantôt anxiogène tantôt substitut à l'angoisse.
Et on le suit sur ces lignes de production, au gré des embauches et débauches, travailleur à la chaîne ou travailleur social, lecteur solidaire et compatissant de la servitude de l'auteur. Mais surtout lecteur admiratif de la construction de ce « récit-ovni », de sa poésie et de sa force. Construit comme un poème moderne, sans ponctuation, avec de nombreux passages à la ligne, des phrases aérées, des mots accumulés, isolés, répétés, ce récit est aussi parsemé d'humour, usant parfois d'un langage cru et argotique. L'auteur puise sa force de résistance chez nombre d'auteurs et d'artistes.
Car oui pour s'échapper de cet univers , déshumanisé, ennuyant et ne pas devenir fou, creux, vide: il rêve, il pense, il récite, il chante. Et il écrit.
Ainsi au milieu des crevettes, poissons panés, tofu, carcasses, abats, machines…apparaissent :
Claudel, Appolinaire, Dumas, Aragon, Perrec, Rabelais, Monet, mais aussi Brel et Trenet pour ne citer qu'eux, comme échappatoire.
En filigrane il y a aussi un déchirant cri d'amour à sa mère, à son épouse et à son chien.
Un livre unique, un livre marquant, qu'il faut lire absolument, point.
A la ligne

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Paru en 2019, cet ouvrage m'avait échappé. Quelle erreur ! Parce que Joseph Ponthus est un écrivain, il raconte avec une sobriété de mots qui n'enlève rien à l'émotion, bien au contraire.

Joseph Ponthus parle du travail en usine, d'abord dans une conserverie de poisson, ensuite dans un abattoir. le travail y est pénible, insupportable, mais le narrateur n'a pas le choix, il doit bosser, coûte que coûte. Il ne trouve pas d'emploi dans sa partie et il a besoin d'argent, comme tout le monde.

C'est un seul et unique thème, même si, ça et là, apparaissent en filigrane, sa vie en dehors de l'usine, avec sa femme, avec son chien ou dans son métier d'éducateur.

Joseph Ponthus s'appuie sur son expérience, mais il ne démontre rien, ne cherche pas à théoriser. Il raconte ce qu'il a vécu et le livre en est d'autant plus puissant.
Attendez-vous à un choc parce que la syntaxe est inhabituelle : pas de ponctuation et des retours à la ligne. Chaque retour à la ligne est un petit coup de poing que j'ai reçu dans l'estomac. Alors forcément, la lecture de cet ouvrage m'a laissée éreintée.

A lire absolument

Lien : https://dequoilire.com/a-la-..
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Il a quitté son travail d'éducateur spécialisé en banlieue parisienne pour les beaux yeux d'une bretonne. Hélas, ici, les emplois dans le social sont rares alors que les conserveries de poissons et les abattoirs de Bretagne manquent de bras. Il faut tout de même un travail alimentaire pour boucler les fins de mois, et ici alimentaire veut dire intérimaire et précaire.

Heureusement Joseph le narrateur à encore les beaux restes d'un heureux cursus littéraire, alors pour supporter ce gagne-pain éreintant, mal payé et mal considéré, il convoque Cendrars, Aragon, Apollinaire, Péguy, Dumas ou Trenet. Réciter « les Poèmes à Lou » devant des mamelles de laitières Holstein ou chantonner « Y a de la joie » au milieu des abats de boeufs cela permet de rester un être humain.

Pour se sauver, pour survivre, Joseph va rendre son usine d'intérim, poétique et intime. « Á la ligne » devient alors une élégie dans laquelle il est Ulysse face à tas de bulots, ou D'Artagnan ferraillant contre des queues de vaches.

Chanter à tue-tête « La folle complainte » en nettoyant l'atelier découpe de porc pour se donner du courage.



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Véritable reportage littéraire, de la France que certains ont osé appeler « d'en bas ».

Un journal intime, physique et organique d'un ouvrier qui décrit sa vie à bras le corps. Ce corps qui souffre, dos cassé, bras lourds, doigts gours, corps brisé qui pleure de fatigue, mais aussi l'humour au quotidien comme un onguent pour apaiser.

Douleur, sueur, peur « Á la ligne " n'est pas qu'un poème prolétarien, c'est surtout.le constat, la photographie d'un monde qui souffre.

Un grand livre.
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A l'ordinaire, je ne suis pas friande des romans écrits comme celui-ci, sans ponctuation, avec des phrases très courtes, ou même parfois sans verbe. Je me dis que l'auteur veut "se donner un genre" et je n'y adhère pas. Cependant, rien de tout cela dans ce roman, bien au contraire, j'ai vraiment aimé ce texte, que ce soit le fond et la forme. Quelle étrange impression que de lire ces mots là, jetés là comme ça, jour après jour, à la fois drôles, durs et tendres, sur une expérience si éprouvante du monde du travail, l'usine, les 3 x 8, l'exploitation de l'animal, l'absurdité de notre société (je pense à l'exemple du "payer pour être payé", entre autre, où l'auteur se retrouve à payer un taxi pour éviter de perdre son travail..). Si ce roman m'a touché, c'est parce que d'une part, je suis très sensible à tout ce qui a été écrit sur l'absurdité du monde du travail, mais aussi à cette poésie qui surgit là où on ne l'attend vraiment pas. J'ai été très sensible à l'humour décalé, et touchée par l'humilité d'un auteur si proche de moi par l'âge, la pensée, le parcours des longues études inutiles, si proche géographiquement aussi d'ailleurs... et troublée de savoir pourtant qu'au moment où j'ai lu ces lignes, il n'était déjà plus là.
Quel dommage, j'aurais tant aimé le connaître et lire tout ce qu'il n'a pas eu le temps d'écrire.
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C'est sans doute une des chroniques les plus difficiles qu'il m'ait été donner d'écrire. Comment retranscrire la puissance d'évocation d'"A la ligne, feuillets d'usine", un récit, un témoignage vibrant d'une telle force, avec un tel sens inouï de l'authenticité, du parler "vrai" ? Avec ce premier roman Joseph Ponthus signe une oeuvre d'une acuité saisissante sur le monde de l'usine, celui des ouvriers des conserveries de poissons et des abattoirs, la ligne qui ne s'arrête jamais, nuit et jour, semaine après semaine, mois après mois.. Un monde peuplé de chefs et d'une armée d'intérimaires se sacrifiant sur l'autel du travail à la chaîne parce qu'il faut bien vivre, remplir son frigo, payer les factures, le loyer.. Sans misérabilisme mais avec un sens de la phrase incisif, de la formule, qui remue au plus profond de l'âme, l'écrivain nous transporte dans un monde que nous méconnaissons. Joseph Ponthus a été étudiant en littérature à Reims, il a eu plusieurs vies en une : tour à tour travailleur social, éducateur spécialisé avant de rejoindre la Bretagne et plus précisément Lorient où il vit et travaille dans ces usines, ces abattoirs se nourrissant des bêtes menées à la mort, finissant en carcasses poussées, découpées par une armée des ombres récoltant à la sueur de leur front, à la suite d'un travail harassant et peu gratifiant, leur maigre salaire. Joseph Ponthus aurait pu sombrer mais il avait l'amour de son épouse, de son chien Pok Pok et celui de l'écriture, des mots, des chansons, des poètes, des auteurs qui continuent de réenchanter sa vie. Car Joseph Ponthus n'a pas honte de sa situation et de ce statut social que beaucoup juge (à tord) insignifiant, sans ambition. Il est intérimaire, il travaille et il garde la tête haute parce qu'il le reconnaît, même si son travail est âpre, difficile, il se sent fier d'être avec ses camarades ouvriers. On lit ce livre d'une traite, sans reprendre son souffle, la gorge sèche en se demandant comment l'homme peut avoir créé de telles conditions de travail bien souvent indignes ? Ce livre m'a touché, ému, bouleversé car ces feuillets d'usine sont l'oeuvre d'un auteur d'une sensibilité, d'une intelligence de coeur et d'esprit peu commune. Oui c'est dur de travailler en usine mais il a la force de souligner combien il peut-être chanceux par rapport à d'autres qui n'ont même pas de travail, de toit.. Je pense que si nous voulons comprendre la colère qui s'exprime depuis plusieurs mois, à travers le conflit des gilets jaunes, à l'aune des résultats des élections européennes, et bien il nous faut nous plonger dans des livres qui ont cette qualité énorme : celle de parler avec une sincérité désarmante de la vie telle qu'elle se passe pour des millions d'entre nous. C'est un vibrant hommage aux salariés précaires, aux ouvriers déclassés, à tous ceux qui peinent, malgré leur travail, à joindre les deux bouts. Joseph Ponthus a obtenu le Grand Prix RTL/Lire 2019, le prix Régine Deforges 2019 et le prix Jean Amila-Meckert 2019. le public a plébiscité ce livre. La reconnaissance d'un homme qui pourra ajouter une nouvelle corde à son arc : celle d'écrivain talentueux.

Lien : https://thedude524.com/2019/..
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Je me maudis d'avoir attendu la mort de Joseph Ponthus pour ouvrir son livre, alors que je l'avais depuis plusieurs mois dans ma pile. Je pensais avoir l'éternité pour le faire, et je n'ai finalement que l'immense regret de ne pas l'avoir lu de son vivant. Joseph Ponthus m'avait bouleversée dans une interview télévisée, où il soulignait qu'en France, on ne dit plus "ouvrier" mais "sans-dents ou illettré", ajoutant qu'il espérait pouvoir se refaire les dents avec la vente de son livre.
Et donc, il est question de "sans-dents" dans ce récit, de ceux qui se lèvent pendant la nuit pour embaucher aux aurores dans des usines sans fenêtres, à trier des bulots ou porter des carcasses de vaches huit heures de suite. Ponthus raconte son expérience d'intérimaire dans l'agro-alimentaire, non pas choisie mais subie, parce que personne n'ambitionne de travailler à la chaîne. Il raconte le bruit, l'odeur, le froid, la galère des transports, la précarité, le décompte des heures, les cadences infernales, les troubles musculo-squelettiques, les blagues de beauf, le répit des pauses café-cigarettes, la boule au ventre le dimanche soir, et la solidarité pour résister à tout cela. Et surtout, la littérature qui lui remplit la tête tandis que son corps agit en automate au-dessus de la chaîne : "(...) c'est grâce à ces études que je tiens le coup et que j'écris". Car le sans-dents est un ancien khâgneux.
J'ai été touchée par ce récit, ces phrases courtes sans ponctuation pareilles à des pensées qui s'envolent et s'entremêlent savamment, gonflées de poésie pour paraître plus légères. J'ai été très émue par les éclats de bonheur incrustés dans le texte (la joie de promener son chien encore plus joyeux malgré l'épuisement, le délice de boire un café dans un rayon de soleil), et par les coups de blues pudiquement évoqués. Car dès le début, Ponthus l'annonce : "L'usine m'a eu, je n'en parle plus qu'en disant mon usine". Tout en exécutant ses tâches harassantes et abrutissantes pour un salaire modeste, il ne peut que constater les effets de l'aliénation du travail sur sa vie. Et ce que j'ai le plus apprécié, c'est que sans véhémence aucune -et avec poésie, donc- il dénonce de la façon la plus implacable l'emprise et les ravages du néolibéralisme sur nos existences.
C'est donc avec une boule dans la gorge que j'ai refermé ce livre et que je vous invite à le lire à votre tour, car c'est un trésor d'humanité qui ne peut qu'être partagé. Et pour que vive encore Joseph Ponthus.
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Je comprends votre enthousiasme pour ce livre
Je comprends les manifs contre les 64 ans
Décidément la fluidité de lecture est très importante pour moi
Pourquoi ponctuer
Laissons faire le lecteur
Je respire son livre et contrairement à Joseph Ponthus
Je respire
"La Métamorphose" de Franz Kafka aussi est pire que la vie
Il aime les crevettes pas les bulots ça se ressent dans son travail
Comme démontré dans l'histoire des sculpteurs de pierre
De la cathédrale de Paul Claudel
Connaître le but est essentiel
Guillaume Apollinaire et Trenet soutiennent son travail
Ainsi que le curé de Camaret qui a les
Les cauchemars sont des heures sup non payées
La couverture
L'homme découpé et ses parties numérotées comme une carcasse de boeuf
Houat superbe petite île que je n'ai vue que de loin
La grève pénalise les intérimaires comme Joseph
Les commerciaux les embêtent
180 bouchers ou 3 audits arrivent et "on aura deux heures pour planquer les carcasses purulentes qu'on ne veut pas montrer"
C'est comme le régime de Videla pour la coupe du monde de foot de 1978
Chef et Manu venez bosser qu'on se régale
"La vraie vie sera à la débauche"
Dieu l'a fait partir avant pour qu'il ne souffre pas trop longtemps sur Terre
Cette épreuve gagnée contre les psychotropes
"Je la dois à l'amour"
Mais aussi à la cigarette roulée qui m'emportera
Les accidents de Kopa et Brendan sont peut-être des leçons
"La fressure
Ca glisse et c'est malaisé à prendre"
Retourner un mort par brûlure
Ca glisse et c'est malaisé à prendre
"Si je n'avais pas la frousse de perdre ce satané boulot"
"Saint Barthélémy porte la dépouille de sa propre peau"
Saint Denis porte la dépouille de sa tête coupée
A l'école du cancer
On n'est pas préparé"
"J'ai tant écrit dans ma tête"
Moi aussi

"Maman
Sois remerciée du fond du coeur"

"Mon épouse amour
Il y a ce cadeau à t'écrire"




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Une de mes proches m'a prêté ce livre, me disant combien elle l'avait trouvé formidable.

C'est vrai, ce livre m'a presque fait pleurer devant tant de beauté tirée de la brutalité des conditions de travail en usine. Il est bouleversant, incomparable, un véritable chef-d'oeuvre. Je l'ai lu le coeur serré, comme on dit, avec un mélange de sidération, d'effroi, de compassion, mais aussi de joie, de rires, et d'admiration devant tant de générosité, d'humanité.

Joseph Ponthus, nom de plume de Baptiste Cornet, après de brillantes études et 10 ans de travail comme éducateur spécialisé, suit en Bretagne la femme avec laquelle il vient de se marier. Ne trouvant pas de travail dans son domaine d'activité, il prend des postes « alimentaires » d'intérimaire dans l'industrie…. agroalimentaire.
D'abord dans le « Purgatoire » d'une conserverie de poisson, puis dans « l'Enfer » d'un abattoir industriel, où le lecteur touche du doigt ( enfin, attention à ne pas se le faire couper!) l'horreur de la mort des animaux et de leur traitement ultérieur, les conditions d'hygiène discutables, le bruit, les cris, les odeurs….

Il relate son quotidien harassant, les cadences à respecter, la douleur physique qui s'installe, la fatigue, l'épuisement.
Mais aussi, la solidarité et même la fraternité entre les ouvriers (même s'il n'est pas tendre avec les cossards, les tire-au flanc, les prétentieux). Mais encore, au mieux l'indifférence des chefs, au pire leur tyrannie; le mépris à leur égard des commerciaux, l'absence totale des membres de la Direction de l'Usine, sauf le jour où un audit a lieu, ou que la presse a épinglé une des usines du groupe.

Et puis, dans tout ça, il y a les moments de décompression des pauses, toutes ces paroles échangées alors. Et surtout, tout le monde chante, c'est incroyable. Et le voilà à nous citer Barbara, Brel, Trenet pour lequel il a une affection particulière, …et même Vanessa Paradis.

Ces conditions pénibles, il les supporte, et c'est absolument étonnant, ça montre que l'éducation, la culture ce n'est pas rien, grâce à des références littéraires qui parsèment le récit, Apollinaire, Cendrars, La Bruyère, et tant d'autres. Il s'imagine comme l'Ulysse de l'Odyssée affrontant les périls et les monstres. Et puis, il compare très souvent sa vie à un combat, et les références à la Grande Guerre sont nombreuses et pertinentes (il faut dire que le récit se déroule en 2016 et l'une des actualités de cette période, c'est que l'on est en pleine commémoration des 100 ans de la Guerre de 14-18). Personnellement, j'ai honte de l'avouer, car, ici, le travailleur « esclave » est libre en théorie de travailler ou pas, cela m'a fait penser à l'esclavage, ou pire encore, aux camps de concentration.

Et puis, derrière la colère, il y a l'humour, on se prend tant à sourire, voire à rire, quand l'auteur se moque de sa condition, tourne en dérision les situations; on ne peut s'empêcher alors de se souvenir du Charlot des Temps Modernes, collé aux boulons de sa chaîne de montage, quand notre « héros » lutte avec les amas de bulots qui s'accumulent quand la chaîne tombe en panne.

Et puis, il y a tant de fraternité, de bienveillance pour ses collègues de travail.
Et plus encore pour son épouse, pour laquelle il n'a que des mots tendres, malgré cette vie qui est, en partie, la conséquence du départ en Bretagne de cette dernière.
Et puis, il y a ses « lettres » à sa mère, bouleversantes, qui lui disent de ne pas s'inquiéter de ses conditions de travail, elle qui a fait tant de sacrifices pour qu'il fasse des études; qui sont pleines de réconfort quand il apprend qu'elle est atteinte d'un cancer, ce qui nous étreint quand nous savons ce qui est arrivé quelques années plus tard à l'auteur.

Et puis, tout cela est sublimé par la poésie des images, le choix des mots.
Et surtout, le mode d'écriture, celui des vers libres (eux au moins le sont), sans ponctuation aucune (évidemment les références nombreuses à Apollinaire ne sont pas là pour rien!), mais qui traduisent si bien le rythme du travail « A la ligne », c'est à dire à la chaîne de production, et qui donnent tant de poésie au récit.

Il faut lire ce livre, qui montre que, plus de 150 ans après les écrits de Marx, l'exploitation de l'homme par l'homme est toujours d'actualité. Il n'est pas anodin que ce livre ait reçu, entre autres, le Prix littéraire de Sciences Po.
Messieurs les technocrates, dont le premier d'entre-eux, le Manu que cite Ponthus, il vous faut le lire, pour vous imprégner de ce document indispensable à la compréhension concrète de la réalité de la vie ouvrière au 21ème siècle. Traverser la rue pour aller à l'abattoir, ce n'est pas si facile.

J'ai lu avec une grande tristesse que l'auteur est mort d'un cancer foudroyant en 2021.
C'est sûr, lui, il n'a pas eu l'hommage de la Nation dans la Cour d'honneur des Invalides.
Il n' a pas eu de distinction par les élites de notre pays, pas de Légion d'Honneur, ni d'autre médaille.
Mais quand même, pour avoir fait une action aussi exemplaire pour les « sans-dents », les oubliés de la Nation, et dans une forme aussi magnifique, on aurait pu le distinguer, Baptiste Cornet, alias Joseph Ponthus, lui donner, à défaut de Légion d'Honneur, je ne sais pas, par exemple, la Médaille du Travail à titre posthume.
Mais sans doute, il s'en foutait, des médailles, Joseph Ponthus. Ce qui lui plairait le plus, peut-être,c'est que son livre fasse partie du programme de lecture dans les écoles de notre République.


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Magnifique. Merci à l'auteur pour ce partage, merci à sa maison d'édition (La Table Ronde) pour avoir osé le publier. Je ne peux que vous encourager à vous intéresser à ce livre. A ouvrir ce livre. A vous plonger dans ce texte si différent. A partager les heures des ouvriers de l'industrie agroalimentaire.
Un livre qui marque, sans conteste.
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