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4,3

sur 2049 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Je commence 2019 en beauté, avec un coup de coeur pour ce roman d'inspiration autobiographique pas comme les autres. A la ligne Feuillets d'usine est un ouvrage surprenant, tant par la forme que sur le fond.

Après des études de lettres, Joseph Ponthus a travaillé de nombreuses années dans le social, comme éducateur spécialisé. Quand il se marie et s'installe en Bretagne, le travail hélas ne suit pas. Aux abois financiers, il s'inscrit en agence d'interim, où on va lui proposer des contrats en conserveries de poissons, puis à l'abattoir.

Ce sont ces journées à l'usine qu'il raconte ici, des « journées plates, monotones et dures », et sa vie autour, en tous cas ce qu'il arrive à en préserver. Comme un journal, ces Feuillets d'usine ont la forme d'un presque long poème. le texte ne contient aucune ponctuation. A la ligne, ce n'est pas seulement la ligne de production (c'est comme ça qu'on appelle aujourd'hui le travail à la chaine). Dans tout le livre, au lieu de mettre un point, il va à la ligne. Chaque respiration se fait à la ligne, au propre comme au figuré.

« Tant qu'il y aura des missions interim
Ce n'est pas encore le point final
Il faudra y retourner
A la ligne »

Et Joseph Ponthus a du talent, car l'ensemble se lit vraiment bien, et le récit acquiert un rythme bien à lui. Celui des percussions harmonisant la cadence du banc de nage des galériens, du chant des bagnards cassant des cailloux sur le bord de la route, du fracas discordant des machines, de la douleur syncopée des muscles torturés, ou des chansons qu'il fredonne ou entonne à pleins poumons pour se donner du courage. Et du courage, bon sang, il en a, et une sacrée énergie, un humour salvateur, et de l'amour pour sa femme. de nombreuses références littéraires émaillent le récit, les auteurs deviennent des compagnons, invoqués au fil des heures. le temps perdu de Proust, il l'a trouvé à l'usine. Il pense à Apollinaire dans les tranchées, avant de repartir à l'assaut de ses propres carcasses, après la pause.

L'écriture de Joseph Ponthus est précise et réaliste, sans être froide ni impersonnelle. J'ai été durablement marquée par ce qu'il raconte de l'abattoir. Comme je l'avais été par certains passages du Grand Marin de Catherine Poulain, où ils vidaient des poissons pendant des heures sur le pont des navires.

Derrière ces journées à la ligne se dessine à mesure le visage grimaçant, glaçant et ignoble de notre société moderne. Qui se fiche tout autant de ce qui se trouve d'un bord ou de l'autre de la chaine, de la ligne, femme, homme, animal. Tous saccagés, sacrifiés en masse à l'autel du profit, de l'argent, du rendement.

« L'usine bouleverse mon corps
Mes certitudes
Ce que je croyais savoir du travail et du repos
De la fatigue
De la joie
De l'humanité »

A la ligne rend hommage à la vie, à la force, à l'amour. Merci aux éditions La Table Ronde pour ce coup de coeur.

« Il y a dans le monde des hommes qui n'ont jamasi été à l'usine ni à la guerre. »
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Ou comment réaliser l'exploit d'écrire un récit sur le travail en usine, comme un long poême, aussi réaliste que du Zola, le tout sans aucune ponctuation et particulièrement passionnant à lire.
C'est une pépite. Un coup de maître.
Pour la petite histoire, les critiques dythirambiques et méritées sur ce livre m'ont poussée à le réserver dans ma médiathèque. Quand je suis allée le chercher, j'ai feuilleté les pages et failli le rendre sans le lire : bouh de la poésie ? Pas pour moi : si c'est pas chanté, ça ne passe pas. Je suis allergique aux poêtes dépressifs, oisifs et nombrilistes.
Mais là, on a le contraire : un actif qui trouve de la poésie dans la survie de tous les jours.
Qui vous embarque dans son univers inhumain, fait de temps compté et non de temps conté.
Fait de réveils matinaux pour s'enfermer à l'abri du printemps.
Fait de muscles qui crient aussi fort que le bruit des machines.
Fait d'odeurs qui vous poursuivent comme cette fatigue sans fin.
Fait de colère rentrée, de salaire rentré. Coute que coute.
Fait de missions d'interim où l'on est un numéro, une pièce qui en remplace une autre dans un puzzle. Peu importe la vie privée. Privé de vie.
Parce qu'il faut bien. Pour manger. Pour aimer. Pour acheter des croquettes au chien.

Vraiment bravo. Une lecture atypique et très très réussie.

Alors, faut-il le lire ? Oui un grand oui. Surtout ne passez pas à côté.
Vous ne verrez plus jamais le tofu de la même manière.

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Comme tout le monde, j'ai voulu lire ce livre suite aux éloges de Francois Busnel, et je ne pense pas être la seule lectrice à lui en être redevable. Ce roman en vers libre est un chef d'oeuvre, un hommage aux corps cassés du monde ouvrier, mais aussi à la poésie (qui comprend la chanson). Joseph Ponthus écrit de l'abattoir comme Apolinaire écrivait ses poèmes d'amour depuis les tranchées, et cette prestigieuse influence se retrouve tout au long de ces feuillets d'usine. Bref, un livre qui se lirait presque d'une seule traite tant l'écriture est fluide et belle.
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Ce que Joseph Ponthus nous dit tient en quelques vers : le monde de l'usine, on ne l'imagine pas, il faut l'avoir vécu pour le comprendre « L'odeur/ le froid/ le transport de charges lourdes/ La pénibilité/ Les conditions de travail/ La chaîne/ L'esclavage moderne » Oui, il faut avoir connu le quotidien d'un ouvrier, sa souffrance, sa douleur, son ennui, sa désespérance pour être à même d'en parler. Mais rares sont les ouvriers qui prennent le stylo le soir pour raconter leur journée infernale, leur abrutissement quotidien, leur dégradation ordinaire : ils sont tellement morts de fatigue qu'il ne leur viendrait pas à l'idée d'écrire, de raconter, de décrire le gouffre dont ils reviennent. Ainsi, la collision entre le monde de l'usine et celui de la littérature, et de la poésie notamment, est assez rare et lorsqu'elle a lieu, elle donne des oeuvres percutantes et fortes dont nous avons un bel exemple ici avec ce premier roman de Joseph Ponthus, quadragénaire devenu intérimaire faute de travail dans sa branche initiale.
C'est donc dans une conserverie de poissons à Lorient qu'il trouve à être employé. Son travail ? : « Le dépotage soit les caisses de poissons à vider/ le mareyage ou l'écorchage soit la découpe de poissons/ La cuisson soit tout ce qui concerne les crevettes » Plus tard, il fera l'expérience encore plus terrible des abattoirs.
L'usine est un monde à part, hors du temps… « Tu ne sais pas si tu rejoins le vrai monde ou si tu le quittes » Enfermé toute la journée, l'ouvrier ne voit pas le jour... Alors autant commencer le plus tôt possible, la nuit : il lui restera l'après-midi pour profiter un peu du soleil. « On ne quitte pas l'usine sans regarder le ciel » « À travailler de nuit je perds le goût des jours » Tout se confond, les repères temporels n'existent plus : « Le matin c'est la nuit/ L'après-midi c'est la nuit La nuit c'est encore pire »
Mais l'usine, on ne la quitte pas comme ça, elle s'accroche au corps et au coeur de l'ouvrier : « En fumant ma clope chez moi/ je suis encore à l'usine ». À force de se vider de sa force à l'usine, l'ouvrier et l'usine finissent par ne faire qu'un, une espèce d'entité terrible et fantastique : « Je suis l'usine elle est moi elle est elle et je suis moi » L'homme est déshumanisé tandis que la machine semble animée d'une vie monstrueuse et formidable.
Et l'ouvrier surveille un temps qui se fige et qui dure… Certains disent « qu'à raison de huit bonbons (Arlequin) par jour/ la journée est finie » Il faut s'accrocher à des petites choses pour tenir le coup, ne pas flancher, résister, combattre contre le monstre. Sinon, c'est la fin et demain, l'intérimaire sera remplacé par un autre intérimaire. Tout s'échange, s'intervertit, se permute à l'usine où l'ouvrier a à peine un nom.
Les chansons peuvent aider, celles de Trenet notamment mais aussi la variété française… Joseph Ponthus se récite aussi quelques poésies qu'il connaît par coeur et parvient parfois à créer quelques vers qu'il aura oubliés lorsque, le soir, il prendra le stylo : tous « ces sonnets de rêve » disparus à jamais dans le bruit des machines, la cadence insensée et inhumaine. La littérature aide à supporter, parce qu'elle est beauté, harmonie, elle est un rythme autre que celui des machines qu'elle met en sourdine, elle fait naître des images folles, inattendues, imprévisibles (tout ce que n'est pas le travail à la chaîne), elle permet des échappatoires, des dérobades, elle ouvre sur des chemins de traverse et des espaces de liberté. Encore faut-il l'avoir un peu fréquentée auparavant, ce qui est le cas de l'auteur d'À la ligne, heureusement. Elle lui a sauvé la vie.
Comme la poésie d'Apollinaire dans Alcools, les vers libres et non ponctués de Joseph Ponthus (libres comme il ne l'est pas !) intègrent les mots de l'usine, les termes du métier, et, ce faisant, ils leur confèrent une dimension poétique inattendue, que ce soit la liste des crevettes à trier (Coaxial, Ishida, Multivac, Arbor, Bizerta) aux syllabes exotiques et folles, les noms de poissons : « chimères », « grenadiers », sources de métaphores et de jeux de mots infinis. Il arrive qu'au détour d'une phrase l'on croise un subjonctif imparfait « J'ignorais jusqu'à ce matin qu'un poisson d'un tel nom existât » : la poésie de Ponthus est une poésie du contraste, du décalage entre des mondes qui ne se connaissent pas, se fréquentent rarement et que l'auteur fait se rencontrer, produisant un choc esthétique de la dissonance qui gagnera encore en violence et en brutalité lorsqu' il s'agira d'évoquer l'abattoir. J'aime cette poésie, sa force, son énergie, sa beauté fougueuse et intense. Elle produit l'oxymore et l'antithèse, l'éclat et la surprise.
Je repense aussi à une expérience étonnante qu'il fait à l'intérieur même du monde déjà « à part » qu'est celui de l'usine (étrange mise en abyme) : dans le chapitre 12, il raconte son expérience d' « égoutteur de tofu » : « Je me dis que je vais vivre une expérience parallèle/ Dans ce monde déjà parallèle qu'est l'usine » On atteint ici (et c'est assez drôle) une espèce de quatrième dimension un peu absurde. le soja ne parle pas à l'auteur, il n'en fera pas un objet poétique (et l'on pourrait s'interroger sur le pourquoi) Être « dépoteur de chimères » est tout de même plus puissant, plus métaphorique, c'est une image propice à l'ouverture, au rêve  : « ça claquait plus quand même » résume l'auteur !
J'aime ces réflexions, dites en passant, sur ce qui, dans ce monde de l'usine, peut provoquer l'image, la magie de la métaphore inattendue, imprévisible et soudaine. Quand l'univers poétique croise celui de l'usine, c'est l'étincelle, la déflagration, l'explosion ou pas, ça prend, ça pète, ça éclate ou non. Dans tous les cas, l'expérience est fascinante car elle nous oblige à réfléchir à ce qui fait la poésie, à ce qu'elle est, à ce qu'elle admet ou refuse.
Ce monde moderne a aussi quelque chose d'éternel à travers les mythes qu'il convoque et qui sont, eux, de tous les temps : leur rapprochement crée une esthétique de la surprise assez étonnante qui peut rappeler encore une fois la poésie d'Apollinaire : « L'usine serait ma Méditerranée sur laquelle je trace/ les routes périlleuses de mon Odyssée/ Les crevettes mes sirènes/ Les bulots mes cyclopes/ La panne du tapis une simple tempête de plus »
Joseph Ponthus aime aussi citer dans ses vers, comme pour les narguer en leur montrant qu'une poésie de l'usine est possible, ceux qui se sont toujours éloignés de l'univers du prolétariat : « Cher Marcel je l'ai trouvé celui que tu recherchais/ Viens à l'usine je te montrerai vite fait/ le temps perdu / Tu n'auras plus besoin d'en tartiner autant » Petit clin d'oeil malicieux qui fait sourire, même si ce « temps perdu » n'a pas le même sens pour chacun des deux...
J'aime quand le monde de l' « utile », celui qui crée les biens de consommation, se heurte à celui de l' « inutile », la poésie, la littérature : entre une folle production qui ne rend pas les gens heureux et une création sensible qui les aide à surmonter leurs souffrances, on devine alors confusément que le plus utile des deux n'est pas celui qu'on pense...
À la ligne de Joseph Ponthus ou le nécessaire renversement des valeurs…

Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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Fracassant
Ce roman aux allures d'un long poème en prose
Fracassée
Je suis il me semble après sa lecture

Alors à ma manière j'ai souhaité
Par la forme de ma critique
Lui rendre hommage comme je le pouvais

Ce livre m'a chamboulée
Par son sujet d'abord
Un intellectuel qui quitte tout par amour
Se retrouve en Bretagne
Travailleur social sans travail
Il pousse les portes d'une agence d'intérim
Et découvre l'univers usinal comme on dirait carcéral

Crevettes langoustes bulots vaches tout y passe
Dans ce monde
Où la vie trépasse

C'est la littérature qui le sauve
Les vers d'Apollinaire
Les chansons de Trenet
L'épée de D'Artagnan
Dans ce monde où
Le travail physique l'éreinte
Et l'intellectuel l'élève

C'est sa forme ensuite qui m'a happée
Sans point sans virgule mais
A la ligne
Voilà le chef d'oeuvre de Joseph Ponthus

Épuisant épuisé
Il rentre le soir et écrit pour ne pas oublier
Rythme effréné
Pas le temps d'une pause clope café virgule point
La cadence de l'usine s'impose

Enfin c'est son hommage qui reste après avoir fermé le livre
Ces « illettrés » ces « sans-dent » ces héros
Prolétariat capitalisme
Solidarité ouvrière
A-L-I-É-N-A-T-I-O-N

Admiratrice de Camus et d'Hugo
A l'heure où je vous parle
Ce sont les mots de Ponthus
Qui
À moi
Me trottent dans la tête
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       Un des meilleurs livres que j'ai lus ces derniers temps, d'une extrême justesse et d'une grande honnêteté : un récit humaniste. L'auteur nous parle de la précarité des travailleurs intérimaires à travers une autobiographie rédigée en vers libres. Ainsi, de l'usine à poisson, des crevettes surgelés en passant par le soja à égoutter puis le pire, l'abattoir, le monde dur et répétitif de l'usine, le travail épuisant, abrutissant est magnifié par une écriture adoptant un rythme soutenu, à l'instar des cadences de l'usine.                           
Grâce à ses études littéraires, à des textes, des chansons qui ressurgissent aux pires moments de l'abrutissement physique et psychique, l'auteur tient le coup, va au bout de son enfer, de son "voyage" au bout des nuits.                Ce récit, que l'on peut qualifier d'épique -l'auteur est une sorte d'Ulysse à la recherche d'une porte de sortie dans ces travaux infernaux- est aussi un chant d'amour puisque notre héros effectue ces différents emplois pour rester vivre en Bretagne, auprès de la femme qu'il aime. Il évoque également dans cet ouvrage, une réflexion sur le monde du travail qui broie sans vergogne les personnes les plus pauvres.  Et puis ce texte est aussi un chant d'amour pour l'humanité, une poésie du compagnonnage, une fresque de l'amitié et de l'entraide qui défie les clichés sur le monde ouvrier, le monde de celles et ceux qui n'ont pas eu la chance de faire d'études, qui appartiennent à des milieux sociaux défavorisés.                                                  Joseph Ponthus déjoue l'attente des lecteurs de par son style et les qualités humaines de ses compagnons de l'enfer.
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Des feuillets d'usine qui en disent long sur les conditions de travail dans les usines, qui disent vrai, qui dénoncent, qui font rire aussi.
Joseph Ponthus revient toujours à la ligne pour nous parler d'un univers qu'il connaît bien, un monde où le travail est difficile et précaire.
Ce retour à la ligne - ligne de production, ligne de joie, ligne de fatigue, ligne d'humanité dans l'exercice d'un métier inhumain, corps alignés, à la chaîne, machinale monotonie, mêmes gestes répétés indéfiniment, mêmes ouvriers toujours à leur place indéboulonnable, promiscuité, dépendance, malveillance, liens fraternels ou d'inimitié, ligne de rupture, la monotonie lancinante, le "plein le cul", expérience parallèle, l'enfer des temps moderne - est vital pour gagner sa croûte; vendre sa force de travail.

L'envers du décor : parce qu'on ne se pose que très peu souvent la question de savoir comment sont fabriquées ces jolies couronnes de crevettes apéritives ?

« Je sais que la première occurrence du mot crevette
est chez Rabelais
Cela me plaît et se raccorde aux relents gastriques
de l'usine. »

Ou comment la béchamel des plats "tout faits" est préparée ? de même que ceux à base de poissons et crustacés ; des odeurs dont on ne peut se défaire...
Et les douleurs du corps qui se manifestent. Tenir parce qu'il le faut bien, espérer qu'il y aura du boulot la semaine suivante, demander une avance sur salaire parce que le mois est difficile.
Un monde incertain, bancal, difficile, très difficile, humainement, physiquement, viscéralement, machinalement, psychologiquement éprouvant.

« Pourquoi ce chef aux cheveux poivre et sel ne
salue-t-il jamais personne alors que d'autres sont
plutôt humains dans ce monde machinal
Quelle part de machine intégrons-nous
inconsciemment dans l'usine »

Tel un funambule, le Travailleur de l'usine qui embauche en attendant la quille, la débauche après huit heures par nuit par jour derrière les machines marche sur un fil. La chute est à tout moment une menace, la ligne sinueuse.
« C'est fantastique tout ce qu'on peut supporter. » Guillaume Apollinaire (lettre à Madeleine Pagès, 30 novembre 1915), cité en exergue par Joseph Ponthus. Très à propos.
Un témoignage immense.
Alors Macron ! À la lecture de ces lignes de Joseph Ponthus, on fait moins le malin ? « Ceux qu'ont l'pognon Ceux-là r'viendront Car c'est pour eux qu'on crève ».

Un bel hommage à ces hommes et femmes courage « Et puisse le temps qui efface tout ne pas me faire oublier trop vite vos visages et vos voix Vos noms et la noblesse de votre travail Mes camarades Mes héros. »

« Il n'empêche
J'y vois plus qu'un symbole
Celui du capitalisme qui jamais n'arrivera
totalement à oublier
Ses racines les plus profondes
Le patron tout-puissant
Ayant droit de vie et de mort sur une carrière
ouvrière
Comme aux bons vieux temps de la Troisième
République
Quand les enfants bossaient
À la mine
Ou ailleurs »
Lien : https://seriallectrice.blogs..
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Dire que l'écriture si particulière de Feuillets d'usine n'est pas surfaite, est vite assimilée et se laisse oublier, est souvent poétique aussi.
Dire que Joseph Ponthus vous accueille dans son quotidien, sans larmoiement, sans apitoiement, mais avec beaucoup de lucidité, sans misérabilisme.

Plutôt laisser dire Joseph Ponthus, puisqu'il a du talent. Et pas seulement. Puisqu'il nous propose aussi une vision, une vision d'un monde dont on parle peu : l'usine. Peut-être pas peu, notez, mais néanmoins mal en général.
Joseph Ponthus est très nuancé et sa critique du répétitif, du manque de considération des chefs, des difficultés matérielles à aller travailler, de la rudesse physique ou morale du boulot… gagne en force et en crédibilité, car il donne aussi à voir la beauté du geste, la satisfaction du travail accompli, voire le bienfait de la fatigue physique sur le mental, quand elle permet de mettre à distance des soucis psychologiques.

Le rapport au corps dans le monde ouvrier est évoqué parfois et m'a rappelé Eddy Bellegueule (enfin Edouard Louis) qui avait quelques considérations à ce sujet également. D'ailleurs je n'ai toujours pas lu son « histoire de la violence

Un peu d'humour et beaucoup d'humanité aussi, pour parfaire le tout. Un grand livre, qui mérite à mes yeux largement le succès dont qu'il connaît, par sa force et son originalité, qui a le bon goût, exercice difficile, de ne pas gâcher son propos, la forme ne volant pas la vedette au fond.

Lien : https://chargedame.wordpress..
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L'écriture est très belle, il y a un rythme , une cadence , une urgence à dire le travail de l'usine, les jours qui se suivent dans la douloureuse attente du répit après le travail harassant, le corps mis à l'épreuve dans ses extrêmes, l'épuisement mental d'une tache ingrate , folie de cette mécanique sans âme qu'est le travail à la chaine.
On va dans une usine de poissons panés, dans la chaine des crustacés, puis arrive l'abattoir.
C'est violent et ce qui sauve le lecteur c'est tout l'art de la langue de l'auteur .
Très beau.
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Un livre et une écriture que l'on ne peut oublier ! Joseph Ponthus, avec « A la ligne. Feuillets d'usine » a écrit une oeuvre magistrale, très incantatoire avec ses retours à la ligne, qui rythment le propos, aidés par les assonances et les allitérations à la manière d'un slam. Il nous fait pénétrer, entendre, sentir, vivre le travail d'un ouvrier d'usine intérimaire, avec une plume et une culture qui remue les tripes, font rentrer dans le combat pour une dignité.
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