Dans quelques jours, il y aura huit ans qu'au Japon un tremblement de terre, un tsunami et un accident nucléaire frappaient le nord-est du pays (région du Tôhoku). La plus grande catastrophe qu'a connu ce pays depuis 1945. On peut se rappeler que l'empereur actuel – il va céder sa place en avril prochain – s'est adressé – fait rarissime au Japon - directement à la population, comme son prédécesseur en août 1945, soixante-six ans auparavant.
A noter que sortira en mars prochain, Fukushima, le couvercle du soleil, un film japonais réalisé en 2016.
Les textes rassemblés par
Corinne Quentin et
Cécile Sakai ont été écrits « à chaud » quelques jours ou semaines après le 11 mars 2011. Ils sont écrits par des romancier-cières, des poètes ou des essayistes qui ont tenté d'écrire, d'expliquer ou simplement de rendre compte de leur émotion ou de leur colère.
Les contributions sont rassemblées en quatre parties (les faits ; les analyses ; les réactions d'écrivains ; enfin, des nouvelles et des poèmes), et sont d'une grande diversité (artiste, universitaire, auteur-e).
On peut ainsi lire la contribution de Jinno Toshifumi qui travaille sur les traces des catastrophes dans la littérature (roman de guerre, de la bombe) ; ou l'anthropologue Akasaka Norio qui, à travers la culture populaire des récits et de la mythologie, montre la persistance des catastrophes et s'insurge d'une stupide amnésie ou de l'inconséquence. Il cite la coutume de Churakasa, sorte de technique d'autodéfense basée sur la grande patience et qui permet de renvoyer bien poliment le mal d'où il provient. Sagesse enfouie qui permettrait de ne pas s'opposer bêtement : « Pas de lutte inutile. Fuir. Esquiver ». le journaliste Shioya Yoshio revient lui sur le « renoncement à la sécurité » nucléaire pointant la gestion privée de l'industrie nucléaire (réglementation trop assouplie) et l'insuffisance de l'Agence pour la sûreté nucléaire japonaise. le philosophe Ishida Hidetaka revient lui sur l'impermanence qui constitue « la condition fondamentale de l'homme… il faut donc vivre la vie de ce monde avec le maximum de détermination éthique envers soi et envers autrui. »
Plusieurs des auteurs de ces textes dénoncent un système économique, technologique et industriel « exclusivement défini par la productivité » (Kang Sang Jung), une société donnant priorité à la commodité : « Dans un objectif de croissance économique, toujours plus de commodité nous est imposé… […] Voilà qui fait grossir la production et la consommation. Ce que nous pensons devoir aux bienfaits de la technologie, n'est qu'un faux désir qui nous est imposé » (Hosaka Kazushi) ; mais aussi l'« inadéquation inouïe, abyssale, entre les intérêts des citoyens et ceux de l'État » (Ikeda Yûichi).
Par réaction ils-elles s'interrogent, espérant un sursaut moral et citoyen (retrouver l'esprit d'initiative), appelant à une forme d'impudence (refusant le sacrifice et la contrainte de ce monde déshumanisé pour assumer de vouloir vivre sainement), se demandant comment refaire nation quand depuis des année la société s'est atomisée (Tawada Yôko). L'écrivain Ikezawa Natsuki en appelle à « une nouvelle équation, un nouveau modèle social. Jusqu'à présent, nous avons trop produit, nous nous sommes lassés trop vite, avons trop détruit. Nous nous sommes agités pour mener une vie consommatrice. Si nous arrivions à changer d'orientation, le Japon pourrait peut-être proposer au monde un modèle nouveau pour les générations futures. »
Huit ans après, où en sont-ils ?
Pas sûr du tout que la débauche de travaux pour les JO de Tokyo-2020, et dont les coûts ne font qu'augmenter, soit la bonne réponse. Ils incarnent la société de croissance et l'économie productiviste que dénonçaient certains des contributeurs. Pas sûr donc, que ce soit la bonne voie, la bonne équation souhaitée par Ikezawa… Parenthèse : bien que les médias dominants n'en parlent évidemment pas, il existe au Japon – et ailleurs - des opposants à ces grandes messes sportives mondialisées !