Apocalypse ! Armaggedon !
"- Il a dit que la Terre peut parfaitement se mettre à pencher de côté parce qu'elle est en l'air.
- En l'air ?
- Oui, en l'air, supportée par rien, une boule qui tourne en l'air et pas fixe ; et, si on ne la voit pas bouger, nous autres, c'est seulement qu'on bouge avec… Alors, vous comprenez, rien qu'un coup de pouce…
- Comment savez-vous ça ?
- C'est Anzévui qui me l'a dit."
Numérologie et fake news, superstition et ignorance : et tout le monde y croit parce que "c'est Anzévui qui me l'a dit."
Anzévui c'est l'argument d'autorité : c'est le gars qui s'y connaît en jus de légumes, euh non, en plantes médicinales, c'est le vieux qui vient en aide aux genoux arthritiques, aux digestions difficiles et aux règles en retard.
Aussi, lorsqu'il annonce qu'il a fait ses propres recherches (dans les livres, hein : Internet n'existait pas) et que le soleil ne reviendra pas… dans ce village d'ubac où d'ordinaire il disparaît "du milieu d'octobre au milieu d'avril"…
… le village entier, terrifié, y croit - et fait de monstrueuses provisions de bois pour le feu et d'huile pour la lampe.
Tout le village ? Non : quelques personnes résistent encore et toujours aux théories fumeuses.
J'ai aimé ce personnage optimiste qui a la tête bien plantée sur les épaules et se moque des superstitions. J'ai aimé que ce soit une femme (et qu'elle s'appelle Isabelle^^)
Parce que les hommes, eux, pour la plupart embrayent à fond sur la fin du monde annoncée, et se laissent sombrer dans la dépression et/ou l'alcoolisme. Cet hiver, de surcroît, est particulièrement rude et sombre - c'est ce qu'on appelle le biais de confirmation.
J'ai beaucoup aimé les descriptions lyriques de la montagne, de l'hiver, des couleurs de la neige.
Et la fin est absolument splendide.
LC thématique décembre 2023 : "C'est l'hiver dans mon livre"
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C’est une côte au bord de l’eau, c’est comme un côté de baignoire, ça a deux cents mètres de haut. Et la terre n’y tiendrait pas toute seule, mais ils ont fait partout des murs qu’ils ont mis les uns au-dessus des autres, qui la soutiennent ; et où ils cultivent la vigne avec des fossoirs, remontant chaque hiver dans des hottes la terre qui est descendue. Ils sont là, voyez-vous, comme sur des marches d’escalier, et ils sont dans l’air, voyez-vous, parce qu’il y a de l’air partout. Il y a au-dessus d’eux l’air qui est bleu, en face d’eux la montagne qui est bleue, au-dessous d’eux le lac qui est bleu. Le soleil vous tape sur la tête, mais il y en a un autre, celui d’en bas, qui vous tape dans le dos. Ça en fait deux : celui d’en haut, qui est en un point, tout rassemblé ; celui d’en bas qui est tout cassé en morceaux et éparpillé, parce qu’il y a l’eau qui le balance et en bombarde la côte ; ça en fait deux qui chauffent ensemble : c’est pourquoi ils ont du bon vin.
Soirée rencontre à l'espace Guerin à Chamonix
autour du livre : Farinet ou la fausse monnaie
de Charles Ferdinand Ramuz
enregistré le 20 juillet 2023
en présence de Gérard Comby (membre de l'Office tourisme de Saillon & de la Commission du Patrimoine)
Résumé :
Un généreux Robin des bois, roi de l'évasion, porté par la plume de C. F. Ramuz.
Farinet, c'est un fameux faux-monnayeur, roi de l'évasion et Robin des bois qui vécut entre Val d'Aoste, Savoie et Valais au XIXe siècle. Arrêté pour avoir fabriqué de fausses pièces qu'il distribuait généreusement dans les villages de montagne, il s'évade à de nombreuses reprises. Ce héros populaire à la vie romanesque et rocambolesque meurt à 35 ans, en 1880. Cinquante ans plus tard, Ramuz s'empare du personnage et en fait le héros d'un récit classique, haletant comme un roman d'aventure, mais porté par son style unique : irruption du présent au milieu d'une phrase, mélange des temps qui rend le présent dense et incandescent, langue vaudoise aux accents paysans transfigurée par une écriture singulière, moderniste, au confluent des révolutions artistiques du XXe siècle (il est passionné par Cézanne et Stravinsky). Farinet se serait caché un temps au fond de la vallée de Chamonix, dans une grotte au-dessus de Vallorcine. Un petit mémorial y est installé.
Ce roman est paru pour la première fois en 1932.
Bio de l'auteur :
Ed Douglas, journaliste et écrivain passionné par l'Himalaya, a publié une douzaine de livres, dont plusieurs ont reçu des prix. Deux ont été traduits en français : de l'autre côté du miroir (Éditions du Mont-Blanc, 2018), Himalaya, une histoire humaine (Nevicata, 2022). Il publie des articles de référence dans The Observer et The Guardian. Il est rédacteur en chef de l'Alpine Journal et vit à Sheffield, en Angleterre.
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