J'ai la chance d'avoir découvert
Ron Rash il y a presque 10 ans, grâce au Divan, mon extraordinaire librairie. L'addiction a été immédiate et totale. Pour moi, il est l'un des plus grands écrivains, toutes époques et nationalités confondues. L'ensemble de ses livres est d'une beauté et d'une justesse absolues. La constance dans l'excellence pour de vrai. La parution de chaque nouveau livre est un événement que j'attends avec frénésie et délectation. Habituellement, j'achète LE livre le jour de sa parution et le contemple jusqu'à l'été, le gardant précieusement pour ma PAL estivale, un peu comme l'oncle Picsou avec son tas d'or mais avec encore plus de passion.
Cette année, cela n'a pas été le cas et je l'ai lu presque à parution car grâce à Babelio et à Gallimard, j'ai enfin pu rencontrer
Ron Rash et même lui parler...J'ai néanmoins conservé son livre pour le week-end juste avant la rencontre. Attendre pour mieux savourer. Pour une impatiente comme moi, cela n'arrive jamais, c'est exceptionnel, impossible même sauf que c'est
Ron Rash.
Ce long préambule pour expliquer que mon attente est extrême mais avec
Ron Rash et ce livre, elle est encore dépassée. le pitch semble classique : Les, un shérif à trois semaines de la retraite, se trouve confronté à une affaire mystérieuse d'empoisonnement de truites d'un relais de chasse tourné vers le tourisme. Les soupçons se tournent immédiatement vers Gérald, le vieux voisin bougon et taciturne avec lequel le propriétaire du relais, un riche parvenu, est en conflit. Sauf que Becky, la gardienne du parc naturel voisin, une poétesse solitaire "qui n'est pas autiste mais a cherché toute sa vie à le devenir" et éperdument éprise de nature, avec laquelle notre shérif entretient une relation amoureuse tourmentée ne croit pas du tout que Gérald ait pu tuer les truites qu'il aimait tant. Déjà un peu moins classique...d'autant que cette affaire ne commence qu'à la troisième partie du livre. Pas vraiment les codes du polar n'est-ce pas ???
Ron Rash est le seul écrivain qui sait aussi parfaitement et intimement mêler le noir " le gris foncé" (nous a t-il dit lors de la rencontre) et le nature writing.
La nature, celle des Appalaches, région qu'il aime tant, est omniprésente dans son oeuvre, les arbres, les oiseaux, l'eau surtout (il y a toujours une rivière dans un
Ron Rash !). Il nous a dit que pour lui, la qualité de l'eau était un indicateur de l'état d'une société. Dans ce livre, l'eau a été empoisonnée...
Les personnages sont extrêmement beaux, complexes et émouvants. Tous deux ont un point commun originel : celui de ne pas savoir su (ou pu) tenir une promesse, Les avec son ex femme atteinte par la dépression, Becky envers son institutrice lors d'une tuerie d'université. Ils sont abimés et rongés par la culpabilité, Becky surtout. Je crois qu'elle est mon personnage féminin préféré depuis que je lis (de très longues années donc). Elle trouve le courage de continuer à vivre dans sa communion avec la nature et dans sa relation avec les jeunes enfants qui visitent son parc comme
Ron Rash l'a justement précisé lors de la rencontre. Elle veut transmettre sa passion à tous ceux qui l'entourent.
Ce livre recèle tant de trésors qu'il est impossible de tous les évoquer. Il aborde une pluralité de thèmes avec sobriété et justesse - l'amour de la nature, les effets pervers de la technologie qui nous coupe du monde, le langage, l'amitié donnée et reçue, la difficulté du rapport à l'autre, les ravages de la meth qui broie les êtres, la culpabilité et la rédemption. L'écriture est sublime, en alternant les voix de Les et de Becky. Une totale maîtrise pour leur donner vie et voix.
Ron Rash nous a expliqué avoir commencé le roman avec la seule voix de Les mais il lui manquait un ingrédient essentiel : la voix de Becky. Et quelle voix ! L'occasion pour nous de découvrir le
Ron Rash poète par petites touches savamment distillées. À ce propos, j'aimerais adresser un coup de chapeau ébloui à
Isabelle Reinharez qui a réalisé une véritable prouesse de traduction, avec un travail inouï sur le langage dont elle a repoussé les frontières pour mieux donner vie à l'écriture de
Ron Rash. C'est une traductrice à la mesure de
Ron Rash et pour moi c'est le plus beau des compliments.
Ron Rash nous a expliqué qu'il commençait l'écriture de chaque roman juste avec une image - celle de la truite pour
Un silence brutal et que ses personnages s'imposaient à lui. C'est peut-être pour cela qu'ils sont si terriblement vrais...
Un IMMENSE merci reconnaissant encore à Babelio et aux éditions Gallimard pour cette rencontre qui nous a permis d'aller vers
Ron Rash comme les personnages de ses romans. C'était un moment vraiment fort.
(j'attends maintenant le prochain
Ron Rash !)