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3,1

sur 354 notes
Les lobbies à l'assaut de l'internet français.

Eric Reinhardt a choisi ici un thème assez méconnu du grand public sur les balbutiements d'internet et l'avance incontestable de la France dans ce domaine. Mais c'est sans compter sur la pression de groupes d'intérêts mesquins qui vont faire capoter l'émergence hexagonale de cette révolution informatique. En parallèle, cette enquête est menée par un jeune journaliste, Dimitri, dont la vie est décrite de façon sociologique: ses attentes, ses humeurs, ses amours, sont analysées tout en profondeur. Et puis, cette digression nous montrant comment la prééminence du Paris artistique de Breton a basculé vers le New York de Pollock: où comment la France s'est fait chiper la vedette dans l'Art et les télécoms !
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Attention : ce roman contribue à une regrettable désinformation !

À l'occasion d'aventures de Dimitri, jeune reporter à l'AFP, l'auteur reprend à son compte toute une légende : (1) Louis Pouzin aurait été "l'inventeur du datagramme" ; (2) cela aurait fait de lui "l'inventeur ... d'Internet" ; (3) il aurait été "brusquement interrompu dans ses recherches ... en 1974", par Giscard d'Estaing influencé par le puissant lobbyiste Ambroise Roux ; (5) le réseau Transpac, support notamment du Minitel, et le standard X.25 auraient été conçus par des non-informaticiens.

Ayant été personnellement un acteur des réseaux du début des années 1970 jusqu'à 2010, et ayant eu à cette occasion des échanges variés avec Louis Pouzin, et avec les principaux acteurs américains d'Internet, je peux affirmer que tout ceci est historiquement faux.

(1) Louis Pouzin n'a pas été "l'inventeur du datagramme". Il n'a inventé ni le nom ni la chose car il a simplement été le premier à tester, sur son réseau Cyclades, un modèle de réseau qu'avait imaginé et décrit le britannique Donal Davies plusieurs années auparavant. (Ce modèle est d'ailleurs gravement caricaturé dans le roman d'Éric Reinhardt qui en présente l'objectif comme "améliorer le comportement des systèmes téléphoniques", ce qui est rigoureusement faux !)

(2) Louis Pouzin a encore moins été "l'inventeur d'Internet". Inventer Internet a certes nécessité de mettre en place un réseau de transmission, mais cela a surtout été d'inventer les applications qui ont justifié son utilisation. Son succès a d'abord résulté de celui de sa messagerie électronique (protocole SMTP standardisé à partir de 1982), puis il a été celui de la navigation Web qui permet par simples clics de passer d'une page multimédia à une autre, situées n'importe où dans le monde (protocole HTTP standardisé à partir de 1997). Ces applications communiquent à travers le réseau au moyen de "circuits virtuels". Elles ont utilisé les circuits virtuels de TCP/IP, à base de datagrammes, mais, techniquement parlant, elles auraient pu tout aussi bien utiliser les circuits de l'X.25 du CCITT où les ordinateurs n'avaient pas à gérer eux-mêmes des datagrammes. C'est pour des raisons historiques complexes, qu'il serait déplacé de commenter ici, que la messagerie puis le Web ont entrainé le succès TCP/IP.

(3) Les recherches de Louis Pouzin n'ont pas été "brusquement interrompues par les pouvoirs publics en 1974". En tant que "projet pilote" de l'lRIA, le projet expérimental Cyclades avait au départ une durée de 3 ans. Commencé en 1972, il n'a été terminé qu'en 1978. En 1974, son financement a été seulement transféré de la Délégation générale à l'Informatique à la Direction des Industries électroniques et à l'Informatique nouvellement créée (la DIELI). de même, la mise à disposition gratuite par les PTT des lignes de transmission du réseau (une part significative des dépenses du projet) a été maintenue jusqu'en 1978. Quant à Giscard d'Estaing et Ambroise Roux, autant ils ont bien, comme l'indique le roman, mis fin au grand projet Unidata d'informatique européenne en 1974-1975, autant ils n'avaient aucune raison de s'en prendre au passage à un projet pilote en cours à l'IRIA. En en tout cas ils ne l'ont pas fait. Ce n'est qu'en octobre 1977, plus d'un an avant la fermeture de Cyclades, que Louis Pouzin a reçu la lettre du président de l'IRIA citée dans le roman. Celle-ci, loin de lui donner "l'ordre de ne plus s'occuper de réseau" comme l'affirme le roman, se limitait à lui demander de "respecter la règle du jeu" que lui avaient fixée l'IRIA et la DIELI.

(4) le réseau Transpac, support du Minitel, et le standard X.25, n'ont nullement été conçus par des non-informaticiens. le roman fait dire au Délégué général à l'Informatique que, "les télécoms ne voient pas l'intérêt de Cyclades pour la seule et unique raison que c'est une invention d'informaticiens". Louis Pouzin a en effet réussi, à cette époque et plus tard, à faire croire que les concepteurs de Transpac, et du standard X.25, n'étaient pas informaticiens. Grâce à cela, il a pu, sans argumenter sur le fond, répandre l'idée que les ingénieurs du CNET n'avaient pas compris les besoins réels de l'informatique. Or c'est à moi que les télécom ont confié la responsabilité de spécifier les protocoles de Transpac. Avec une équipe d'informaticiens chevronnés du CNET, n'avons jamais reçu aucune pression venant de non-informaticiens pour orienter nos choix. Si Louis Pouzin pouvait à juste titre se dire informaticien (il avait notamment travaillé au MIT en 1963-1964 où il avait obtenu un master), je l'étais tout autant (j'avais notamment travaillé à Berkeley en 1967-1969 où j'avais obtenu moi aussi un master, et même un doctorat). Nous faire passer pour non-informaticiens est tout simplement une insidieuse contre-vérité.

En conclusion, indépendamment des aventures personnelles de Dimitri et de ses autres enquêtes, que chacun peut librement apprécier ou non, attention aux fake news distillées dans cet ouvrage.

Rémi Després
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Franchement chapeau ! Après avoir découvert L'amour et les forêts, je n'ai pu que tout lire d'Eric Reinhardt, et ce dernier roman original et complexe est une grande réussite. Les dérives sexuels du personnage principal et les diverses explications sociologique évoquent un peu les romans de Michel Houellebecq. La richesse des thèmes, l'ésotérisme, le surréalisme, l'économie giscardienne m'ont conduit à faire des recherches et après avoir terminé Comédies françaises… J'en ai repris les premières pages.
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Les éditions Gallimard et Masse critique m'ayant gracieusement fait parvenir ce livre, je ne pouvais faire moins, par correction, que de le lire intégralement même si vingt fois j'ai eu la très forte tentation d'arrêter.
Le futur lecteur doit savoir que le sujet annoncé en quatrième de couverture ne concerne que quelques dizaines de pages dans la dernière moitié de l'ouvrage. Et encore ces pages sont en permanence entrecoupées d'incidentes n'ayant rien à voir avec "l'inventeur français de l'internet" (par exemple plusieurs pages sur l'acquisition d'un produit anti-cafards au beau milieu de l'explication ardue du "datagramme") à tel point qu'elles en deviennent presque incompréhensibles, même pour l'ingénieur que je suis. "L'enquête" se résume vite à une attaque en règle d'Ambroise Roux le grand patron et lobbyiste français des années 1970-80. A travers lui, le narrateur crache sa haine boboïste de la droite, des grands bourgeois, des patrons, de la noblesse, des éditorialistes à particule, des provinciaux, des catholiques, etc… ("… comme l'on est en province quand on appartient à la bourgeoisie catholique conservatrice voire réactionnaire.") les rendant responsables de tous les malheurs, passés, présents et futurs, de la France et prouvant sa méconnaissance de la France de province.
En dehors de ces quelques dizaines de pages, l'auteur par l'intermédiaire du narrateur Dimitri (bobo parisien, bisexuel forcément bisexuel, surdiplômé, surpayé par rapport au travail qu'il dit effectuer, prosélyte des doxas écolos, d'extrême-gauche voire d'ultra-gauche, vivant avec dans une totale inadéquation et incompatibilité entre ses idées et son mode de vie) juxtapose des "comédies" n'ayant aucun lien entre elles, fait des références plus ou moins discrètes à ses précédents ouvrages, nous entraîne dans d‘interminables digressions : sur le début carrière des néo-diplômés Bac +10 ; sur les surréalistes européens, dont Max Ernst, exilés à New-York en 1942 et à leurs influences sur la création de l'école américaine, ressemblant à un trop long (46 pages !) cours magistral - ladite école américaine étant utilisée par la CIA dans le cadre de la guerre idéologique avec l'URSS ; etc...
Dimitri, dont rien ne nous est épargné de la vie sexuelle vécue ou virtuelle, s'emploie à démontrer que la globalisation consumériste, dont il jouit sans vergogne, et les réseaux sociaux, dont il use et abuse, sont responsables de tous les maux du monde, depuis l'épilation pubienne des femmes jusqu'aux délocalisations en passant par le saccage des centres villes historiques transformés en vitrines consuméristes indifférenciées, et j'en passe.
Si le contenu est totalement raté (selon ma grille de lecture ou alors l'auteur s'est volontairement livré à une caricature de son oeuvre), le travail de recherche sur "l'inventeur français de l'internet" est perceptible même si le résultat en est présenté de façon tendancieuse. L'écriture est par moments très belle bien que souvent inutilement verbeuse et abusant des figures de styles surannées (anaphores, accumulations, répétitions…) qui alourdissent le propos.
Éric Reinhardt dont j'avais beaucoup aimé "L'amour et les forêts", beaucoup moins "La chambre des époux" n'en finit pas de me décevoir.

Je pense néanmoins qu'au vu des thèmes à la mode développés dans ce roman, il sera sélectionné dans de nombreuses listes de prix littéraires de cet automne.
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L'art brillant du « loupé »
ou
Les errances de Dimitri


En France, ne serait-on pas spécialement doués pour « passer à côté » des choses les plus importantes ? Comédies françaises, le nouveau roman magistral d'Eric Reinhardt, porte sur ce moment crucial où tout semble basculer du mauvais côté, parce qu'à un moment, on fait un mauvais choix, aussi bien sur le plan politique, esthétique, que sur le plan sentimental.

Laissez-vous happer par l'épaisseur romanesque de ce roman, vous plongerez dedans, il y a bien UNE histoire, celle du héros, Dimitri, 27 ans, mais tellement d'autres aussi, liées entre elles. Dimitri, c'est une sorte d'obsédé du coup de foudre et de la rencontre amoureuse, et cette quête est un moteur qui fait avaler les pages au lecteur ; on lit aussi pour suivre ce fil, de façon naturelle, et en même temps on a peur des clichés : on se dit « oh non, il ne va pas nous faire le coup de la rencontre fatale, à la André Breton, dès le premier chapitre à Madrid avec ce personnage dans lequel même Beigbeder se reconnaît, qui va dans un restau branché… »: et pan, non, sur le bec ! Les choses ne se passent pas comme il le veut : une sorte de mécanique déceptive se met en route, qui tient le lecteur en haleine et qui n'entame pas pourtant pas l'espoir dans la quête amoureuse du héros - comme nous tous, Dimitri a ses attentes magiques par rapport à la réalité, on a besoin de rêver sa vie, de la rendre romanesque, quand bien même elle nous déçoit. Nous avons beau nous dire que nous faisons des choix conscients, que le hasard existe, mais si nous croyons rencontrer plusieurs fois la même personne, voilà que malgré toute notre rationalité, nous y voyons un signe ! Ce livre porte aussi sur ce besoin de magie et d'irrationnel, essentiel, qui peut aller jusqu'à des formes de ridicule, mais est-ce si ridicule ? – ( et on retrouve d'une certaine manière ce besoin d'irrationnel dans la vie d'Ambroise Roux, ce patron des télécommunications sur lequel enquête Dimitri aussi.)

Car Dimitri est un jeune journaliste qui veut écrire un livre, et c'est ainsi qu'il enquête sur Louis Pouzin, un inventeur d'Internet français bien réel, encore vivant, et complètement ignoré de l'histoire française, parce que Giscard, influencé par le très influent PDG Ambroise Roux, a préféré miser sur le Minitel. On espère que ce livre réparera cette grande injustice ! J'ai aimé la générosité de ce livre, et ce qui me plaît, c'est son aspect hétéroclite (le roman, en général, c'est sa nature, pour moi), sa grande liberté affirmée (et oui, avec le mot « bite » plein de fois, pourquoi pas), qui intègre l'onirisme, l'ambition de raconter aussi le monde actuel, l'histoire d'internet, avec son aspect documentaire intégré (et tellement moins rasoir que Bellanger), les références aux surréalistes et donc le côté manifeste esthétique aussi (whaouh la litanie des créateurs de spectacles). Et j'ai tellement ri avec la sexualité de Peggy Guggenheim, ou l'anti-cafards chez Maurice ou les lettres à Giscard… le portrait d'Ambroise Roux, la satire de sa biographie officielle sont d'une férocité brillante ! C'est un livre à surprises, ce qui permet de ne jamais s'ennuyer. On aimerait que d'autres hommes se mettent à faire l'éloge de la pilosité des femmes, par exemple ! Quant au dénouement, il pourrait inscrire le roman dans la littérature fantastique.

Pour autant ce roman disparate est en profondeur très cohérent, parce que tout semble lié. J'ai d'ailleurs trouvé des correspondances subtiles entre cette histoire de communication par paquets de données dans Internet, qui choisissent leur direction pour arriver à leur but, et l'errance du personnage, par exemple dans Bordeaux : il s'agit en quelque sorte de la même histoire de choix libres de chemins, qui semble errante et arrive à sa destination. Il y a beaucoup de choses qui s'emboitent ainsi savamment, comme aussi l'histoire des tables tournantes, et de l'espèce de charlatan à la fin.
Encore une fois le livre fait système avec les autres romans d'Eric Reinhardt, on y retrouve par exemple le motif de la cantatrice, l'épisode onirique de l'appartement avec les femmes me fait beaucoup penser à une mini-histoire intégrée (dans quel roman déjà ? Cendrillon ?) avec une inconnue nocturne, une nuit passée chez elle, dans un grand appartement sombre, où il y avait un piano. le personnage du père -je l'ai vraiment beaucoup aimé- avec son avion qui est comme un rêve d'envol pour se venger des humiliations de sa vie professionnelle, fait écho au père du Moral des ménages et en même temps il fait un peu penser au brocanteur de L'Amour et les forêts. On va retrouver également des principes fondamentaux pour le romancier autour de la rencontre amoureuse comme dans Cendrillon, l'importance des sensations, l'éloge de l'émerveillement.

Dimitri critique Ambroise Roux, sa misogynie, son art de la manipulation, mais en même temps, il éprouve une fascination très ambiguë pour lui, alors que dans ce roman, le vrai génie Louis Pouzin n'apparaît presque qu'en creux, comme s'il intéressait moins Dimitri -qui rate même sa première rencontre avec lui. Finalement, Dimitri lui-même ne se départit pas complètement de ce modèle de l'homme français séducteur intelligent et machiavélique qu'il critique si pertinemment, et je trouve aussi cette ambiguïté intéressante, il a d'ailleurs lui-même été lobbyiste, il est un peu superstitieux aussi finalement, et séducteur même s'il est féministe. Alors comment fait-on pour nous-mêmes nous arracher vraiment de ces modèles culturels nationaux qui nous imprègnent, alors même qu'on en est conscients ? Voilà ce que sont nos « comédies françaises ».
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A la première page du roman, Dimitri Marguerite perd la vie à 27 ans, ainsi confronté à la fulgurance d'une jeunesse fauchée, le lecteur est d'emblée averti, les promesses d'avenir tournent court.
L'écriture bien vivante d'Éric Reinhardt s'applique ensuite à rendre le personnage bien vivant, si vivant, que le souvenir de sa mort s'estompe progressivement, jusqu'à surprendre celui qui tourne les pages, lorsqu'elle pointe le bout de son nez à la fin du récit. On l'avait oublié celle-là… la boucle est bouclée.
Dimitri est un personnage romanesque. Il invite le lecteur à rire de ses frasques tout autant qu'à s'indigner avec lui dans ses révoltes. C'est un réel plaisir donc de cheminer à ses côtés pour partager ses émotions : amoureuses d'abord, Dimitri vit ses coups de foudre dans un absolu peu commun, une recherche obstinée, elle structure le fil du récit de rencontre en rencontre. Passions culturelles ensuite car Dimitri est passionné d'art, vivants de préférence : danse, théâtre, Eric Rheinhardt nous livre p 66-67 un catalogue complet de ce qu'un intellectuel parisien peut visionner sur les scènes de la capitale en quelques mois des années 2000, de Roméo Castellucci à Mathilde Monnier en passant par des dizaines d'autres. Les passions de Dimitri sont infinies mais celles qui arment le fond du roman, s'inscrivent dans la sphère politique. Devenu journaliste à l'AFP, lorsque Dimitri rencontre Louis Pouzin une première fois, dans une brasserie de la place de la Bastille, il semble encore bien loin de vouloir faire la lumière sur les travaux de son interlocuteur : le plan Calcul, le projet Cyclades et l'embryon avorté d'internet en 1974. le lecteur doit accepter de suivre les méandres de la pensée foisonnante de Dimitri, de ses déconvenues amoureuses à ses projets d'écriture, pour finalement plonger dans les prémices d'Internet. Derrière cette aventure avortée, Eric Reinhardt fait le portrait d'Ambroise Roux, patron de la CGE, rompu à toutes les manipulations du pouvoir politique pour arriver à ses fins : régner en maître sur le marché des commutateurs indispensables aux télécommunications et donc tout faire pour valoriser ce secteur et négliger l'informatique et son devenir. Dimitri sera le pourfendeur de ce maître du lobbying et cette traque donnera lieu à des pages aussi drôles qu'improbables. Au-delà du parcours tumultueux de son héros, Comédies françaises est aussi l'occasion pour l'auteur de mettre à mal une France poussive qui a du mal avec son temps et laisse passer les opportunités de développement et de croissance, il en va pour l'industrie comme pour la peinture contemporaine, le leadership a déserté l'hexagone... dans ce naufrage, il y a des coupables et le roman de Rheinhardt solde les comptes de la droite française et s'en réjouit.
Un roman riche on l'aura compris, peut-être trop, j'ai regretté pour ma part que le propos politique arrive si tard dans le récit dans lequel finalement il peine à prendre toute sa place, il s'inscrit plutôt comme un discours de l'auteur et le personnage de Dimitri peine parfois à prendre l'avantage dans cette affaire tant Reinhardt lui fait courir de lièvres.
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Dimitri est un jeune homme brillant, issu d'un milieu de gauche, de parents enseignants. C'est un jeune homme passionné, capable de se lancer à corps perdu dans une relation amoureuse, ou dans une enquête qui le passionne. Après une expérience écoeurante dans un cabinet de lobbyistes, il devient reporter à l'AFP.
Il fait une découverte qui le sidère et se lance à fond dans une enquête sur la naissance d'internet : dans les années 70, en France, un certain Louis Pouzin avait découvert le datagramme, allant ainsi plus loin que les Américains dans les recherches. Oui mais voilà, le lobbying existait déjà à l'époque, et un puissant industriel va inciter VGE à arrêter le programme de recherche, au profit du Minitel !

Le roman est foisonnant, quelquefois répétitif pour appuyer le propos et pour dessiner parfaitement le contexte de l'époque. Mais l'écriture est dynamique et surtout très drôle ; le roman réserve de sacrées surprises…
C'est brillant !!!
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Autant l'avouer d'emblée, j'ai beaucoup aimé « Comédies françaises » d' Eric Reinhardt. J'ai dévoré les près de cinq cents pages à toute blinde, ce qui n'est pas dans mes habitudes. Faut vous dire, j'arrête là ces considérations personnelles, que les digressions ne me gênent pas, ceux qui me connaissent savent que j'en use et en abuse…
En effet, la richesse du roman sur le fond, tient aux thèmes abordés et aux nombreuses digressions. En tout j'en ai distingué, sans que ce soit exhaustif, une dizaine. La qualité littéraire est remarquable, le fil rouge est parfaitement déroulé, selon moi l'auteur en possède une grande maîtrise, pas si fréquente chez nos écrivains contemporains, le risque de se perdre subsiste sans doute , pour certains lecteurs, compte tenu du caractère particulièrement foisonnant de l'oeuvre.
En quoi consiste La richesse du roman ?
Je vous brosse un rapide inventaire des thèmes abordés : L'amour sous toutes ses formes, L'androgynie sous plusieurs angles, la danse, le théâtre vivant qui occupe une place de choix dans la vie du héros Dimitri, né en 1989, et sans doute de l'auteur, je cite : « On va au théâtre pour voir des corps, des visages qui acceptent de se montrer, comme un sacrifice » ; pour poursuivre dans le domaine artistique : le surréalisme, puis le mouvement Dada au travers de la figure de Max Ernst et une magnifique digression sur Jackson Pollock, précurseur de l'expressionnisme américain et le rôle de la CIA pour promouvoir les peintres avant-gardistes dans le contexte de la guerre froide.
Et quid des « comédies françaises » dans cet ensemble d'apparence hétéroclite ?
- La thèse centrale repose sur l'analyse du mal français, je cite : « C'est le même peuple des gouvernants (X puis ENA) qui se comprennent, ont les mêmes défauts et les mêmes qualités, donc s'il n'y a pas consensus, une idée nouvelle ne peut s'imposer. Ils répugnent à prendre le moindre risque. Ils apprécient que d'autres aient essuyés les plâtres avant eux. Et finalement ils ne s'engagent que lorsqu'ils ont la certitude que leur initiative va plaire soit aux actionnaires, soit au gouvernement. C'est ça l'esprit français ».
- L'autopsie d'un désastre conséquence de ce mal français est réalisée en deux parties : Comment VGE en supprimant le plan calcul et en ne soutenant pas le développement de l'informatique a gâché l'avance française indéniable (et méconnue) prise grâce à l'invention des datagrammes par Louis Pauzin en abandonnant clé en main aux USA les moyens conceptuels et technologiques qui donnèrent naissance à l' INTERNET, rien que ça !
- Deuxième partie : C'est en fait d'Ambroise Roux, grand patron français et boutiquier des télécommunications, qui est le responsable de ce désastre, en application du principe de consanguinité des élites françaises aggravé par le monarchisme républicain persistant. Les ressorts de son machiavélisme sont détaillés et les extraits de son hagiographie par une écrivaine aristocrate béate sont délicieux à lire.
La toile de fond sur l'évolution de notre société est très juste, elle est marquée par la nostalgie des années soixante, la crise permanente depuis 1973, et pour faire court, la certitude de l'apocalypse en ce début du XXI e siècle. Les villes de Paris, Madrid et Bordeaux où évoluera Dimitri, l'unique héros du roman, aux ambiances bien particulières sont très bien dépeintes.

Pour terminer ma critique, sans rien révéler de l'intrigue, je ne veux pas gâcher votre lecture ! j'insisterai sur les points forts constituant la grande qualité littéraire de ce roman :
- de multiples rencontres, très vivantes, très présentes, « filmographiées » qu'elles soient initialement dues au hasard, ou provoquées comme les interviews des acteurs du gâchis évoqué supra,
- Une tension maintenue, par un fil rouge solide, ce qui règle les risques de se perdre dans un ensemble pourtant très foisonnant,
- Des coups de théâtre superbement mis en scène,
- Des adresses directes au lecteur, rares mais pertinentes,
- L'expression, sous une forme de logorrhée, de la rage de l'écrivain sur des sujets autour de l'humiliation, des insupportables incompétences, des arrogances nobiliaires,
- Des partages d'états émotionnels ou de grande profondeurs psychologiques relatés sous des angles et des manières diversifiées,
- Et, peut-être le plus important, une forte densité ou intensité romantique !
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Un roman en deux grandes parties, la première nous fait découvrir Dimitri, né en 1989 qui, après de brillantes études scientifiques qui satisfont plus à une injonction familiale et sociétale qu'à une véritable motivation, embrasse une autre voie, plus conforme à ses aspirations. Il quitte le monde des maths pour les sciences politiques via « Science Po ». Il tombe souvent amoureux et s'entiche de façon soudaine et obsessionnelle d'une femme aperçue dans la rue qu'il va s'employer à retrouver. Des dialogues savoureux et drôles avec alexandra pimentent cette quête et rendent attachant ce jeune homme, brillant feu follet.
Dans la deuxième partie, après avoir abandonné un poste de lobbyiste, il devient journaliste à l'AFP et découvre l'histoire de « Louis Pouzin », inventeur Français de l'internet. Une enquête solide et très documentée nous fait découvrir les arcanes politico-industrielles de l'abandon par VGE (Valéry Giscard d'Estaing) du programme « Datagramme » qui aurait pourtant permis à la France et à l'Europe de devancer les américains ! La narration de cette aventure, avec la verve talentueuse d'Eric Reinhardt est extrêmement vive et drôle et la charge contre « Ambroise Roux »,patron de la CGE et VGE est redoutable ! Dimitri dans ses oeuvres et ses dialogues avec les femmes qu'il continue à côtoyer nous balade agréablement dans l'histoire.
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Voilà un roman documentaire comme c'est souvent le cas dans cette collection blanche malheureusement. Long et ennuyeux avec moult récits qui s'entrecroisent inutilement.
Sans style...
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