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Éric Reyes Roher (Traducteur)
EAN : 978B0B29LMQM8
133 pages
Mémoire d'Encrier (06/06/2022)
3.39/5   22 notes
Résumé :
Tomber raconte le délabrement d’une famille cubaine qui partage pourtant le même espace. Au pays, la faim et la privation agissent comme un détonateur. Le père communiste, la mère gravement malade, la fille résignée et le fils rancunier deviennent tous des ennemis méconnaissables, même si aucun d’entre eux ne comprend vraiment comment et pourquoi cela est arrivé. Tomber pose un regard frais et actuel sur le Cuba contemporain pétri de contradictions.

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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Tomber m'a plongé dans la vie quotidienne d'une petite famille cubaine confrontée à la vieillesse des parents et au désir d'indépendance de leurs deux enfants, sur fond de crise économique et politique.
Carlos Manuel Álvarez, considéré comme l'un des meilleurs écrivains latino-américains de sa génération, prouve son talent dans ce roman publié en français par l'éditeur canadien Mémoire D encrier. Son récit est divisé en cinq grandes parties donnant la parole, avec une régularité de métronome, au fils, à la mère, au père et à la fille.
Chacune et chacun s'exprime, se plaint, se souvient, raconte ses démêlés avec un autre membre de la famille ou avec d'autres personnes. C'est Diego, le fils, qui commence, parle de son service militaire et des appels téléphoniques à sa mère, Mariana. Il ajoute qu'Armando, son père, est fier de lui.
De son côté, la mère est bien malade. Cette professeure à la retraite subit des crises d'épilepsie fréquentes causant des chutes de plus en plus graves. Quant au père, il est un communiste convaincu, appliquant ses idées jusqu'au bout, quitte à pénaliser gravement ses proches. L'exemple du père est éloquent et Carlos Manuel Àlvarez démontre avec brio ce qu'un intégrisme, quel qu'il soit, peut faire comme dégâts.
Enfin, María, la fille, me paraît la plus sympathique. Avec courage, elle porte assistance à sa mère qui peut faire jusqu'à huit crises par semaine. Elle est aussi un exemple du jusqu'au-boutisme de son père. En effet, lorsqu'Armando est nommé directeur de l'hôtel quatre étoiles où elle travaille déjà comme cheffe de rang, celui-ci veut la licencier pour échapper à tout soupçon de favoritisme ! Heureusement, Armando doit céder.

Éric Reyes Roher qui a traduit le livre de Carlos Manuel Álvarez, a bien su rendre sentiments et réflexions développées par l'auteur. Il permet surtout de ressentir au plus près la réalité d'une vie quotidienne à la limite du supportable. L'allusion aux « années dures » revient souvent, ce qui prouve que la situation s'est quelque peu améliorée pour cette petite famille faisant partie, pourtant, de la classe moyenne.

Au travers des réflexions des personnages, le père mis à part, les exemples de privations, de vexations, de déceptions et même de délations sont parfaitement révélateurs. Carlos Manuel Àlvarez ajoute aussi de justes considérations sur l'amitié et les rapports sociaux.
À la fois philosophe et pragmatique, l'auteur n'hésite pas à me mettre mal à l'aise, à me faire réfléchir ou même à souffrir, sans oublier de remettre en scène le Che et cette fameuse bicyclette qu'un fabricant voulait lui offrir pour sa fille…
Prostitution, vols, trafics en tous genres, débrouillardise poussée au maximum, astuces, cadeaux, tous les moyens sont bons pour les Cubains s'ils veulent survivre. Beaucoup ont choisi de partir mais ceux qui sont restés aiment leur île par-dessus tout ou n'ont pas eu les moyens ou l'occasion de…
La corruption, les magouilles et le sans-gêne de dirigeants qui se servent d'abord, comme cela se fait ailleurs, n'entament pas l'idéal construit autour d'une volonté de partager richesse ou pénurie, face à l'hostilité d'un environnement politique sans pitié.
Aussi, je ne peux dire mieux que cette phrase mise en exergue dès que j'ouvre le livre : « C'est une chambre de cinq mètres carrés où tout le monde est ami ou ennemi, voire ami et ennemi de soi-même. »
Cette lucidité donne toute sa valeur à ce roman que j'ai pu découvrir grâce à Babelio et aux éditions Mémoire D encrier que je remercie.

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« Entre 1991 et 1994, à la suite de l'effondrement de l'URSS, le régime cubain se retrouve totalement isolé sur la scène internationale. Confrontés à une violente crise économique qui les prive de tout, les habitants de l'île vivent alors les heures les plus sombres de leur histoire récente. Qualifiée par les autorités de « Période spéciale en temps de paix », ces années demeurent pour beaucoup les plus dures de leur existence. » (Note du traducteur)

Tomber de Carlos Manuel Alvarez (The Fallen en anglais) traite de cette période et de son après, du point de vue d'une famille cubaine en pleine désintégration, dont les membres ne pourraient être plus éloignés les uns des autres. L'auteur leur donne la parole à tour de rôle, et toujours dans le même ordre, dans chacune des cinq parties qui composent ce roman choral : le Fils, Diego, obligé de faire une année de service militaire avant son entrée à l'Université, et qui en veut à son père pour son intégrité, ce dernier n'ayant rien tenté pour le lui éviter; la Mère, Mariana, une enseignante en congé de maladie qui est gravement malade, et sujette à des crises d'épilepsie qui la font chuter et se blesser; le Père, Armando, directeur d'un hôtel appartenant à l'État et qui s'oppose à toute forme de corruption, quitte à en subir les conséquences; et la Fille, Maria, qui travaille dans le même hôtel que son père à la gérance du restaurant, et qui doit se livrer à des activités illégales pour assurer le bien-être de sa famille. J'ai beaucoup aimé la construction de ce roman qui, en partant du personnel, fait ressortir métaphoriquement toute la complexité d'un système politique corrompu, et qui montre la difficulté de vivre dans un présent et un avenir qui n'ont rien de radieux.
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Une histoire familiale poignante dans un pays en pleine stagnation.
Cuba sous embargo depuis plus de 50 ans ça laisse des marques indélébiles.
L auteur nous susurre avec délicatesse que malgré le tourisme présent aujourd'hui sur l île, la population reste toujours les perdants de cette longue lutte. Corruption et difficultés d approvisionnement sont toujours bien présents. On comprend qu'il y a eu une période vraiment très difficile après la Révolution cubaine, où la famine a touché la population.
Ce quatord, où chaque membre de la famille expose avec son ressenti ce drame qui les touche de près, la maladie de la mère mais aussi ce qui les relie.
L auteur a un style qui flotte entre la dure lucidité d existences malmenées et de réflexions avec une richesse de metaphores et une exactitude des sentiments qui laissent là aussi une trace indélébile.
Un livre, une histoire, quatre voix qui méritent de se relever.
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Un père - une mère - un fils - une fille.

Une famille comme il en existe beaucoup à Cuba. Mais pour autant, celle-ci n'est pas tout à fait ordinaire.

Le père, Armando, est un communiste convaincu qui refuse la corruption ambiante. Un homme droit, intègre, trop au goût de sa famille.

La mère, Mariana, souffre de crises d'épilepsie à répétition. L'ancienne enseignante se trouve coincée chez elle du fait de ses chutes.

Le fils, Diego, blasé par la vie est en plein service militaire. Un service auquel il aurait pu échapper si son père n'avait pas considéré que les passes-droits ne sont pas envisageables pour sa famille.

La fille, Maria, tente vaille que vaille, de faire tenir la maisonnée. de trouver de l'argent, de gérer la maladie de sa mère, et de travailler.

Bienvenue dans ce roman qui nous conduit en plein Cuba. Mais un Cuba loin des cartes postales et des cigarillos. Une société que l'on sent déshumanisante, sans grand espoir où seuls les plus dégourdis et les moins honnêtes réussiront à s'en sortir.

Ce roman offre une structure assez complexe, des passages qui m'ont touchée, d'autres qui m'ont laissé perplexe mais aucun qui ne m'aura laissé indifférente.

On assiste à la déliquescence de cette famille où chacun se bat contre les autres et la société.

Un roman très intéressant mais pour lequel il m'a manqué certaines clefs pour pleinement le comprendre et l'apprécier.
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Tout d'abord, je tiens à remercier Babelio de m'avoir fait découvrir à la fois cette maison d'édition québécoise et ce roman ! Merci également à Mémoires d'encrier pour cette découverte.

Tomber raconte l'histoire d'une famille cubaine au début des années 90, pendant une période très difficile pour le pays puisqu'elle coïncide avec la chute du régime soviétique d'alors. L'île connaît une crise économique sans précédents. Ce contexte difficile finit par rejaillir sur le fonctionnement familial apparemment banal, comme vous vous en rendrez compte au fur et à mesure de votre lecture. Diego, le fils, effectue son service militaire. María, la grande soeur, est cheffe de rang dans un grand hôtel et son père, Armando, dirige ce même hôtel. Enfin, Mariana, la mère, était professeure jusqu'à ce qu'elle souffre de crises d'épilepsie, qui ont démarré il y a peu. le livre se divise en cinq parties, lesquelles comprennent chacune un chapitre raconté par l'un des quatre personnages : l'apparente banalité familiale laisse donc peu à peu la place aux tensions et aux différentes interprétations d'un même événement par chacun des membres.

J'ai tout aimé dans ce roman : le style, à la fois très travaillé et épuré, l'alternance de points de vue, qui permet une compréhension progressive de la situation et même la sensation légèrement désagréable que génère l'ensemble : on sent que quelque chose cloche, mais cela n'est jamais réellement nommé. Suggérer pour mieux souligner la dureté de la situation, telle est la force de ce court récit.
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Citations et extraits (20) Voir plus Ajouter une citation
J’ai demandé à Armando pourquoi, si les bicyclettes étaient à tout le monde, et non pas à quelqu’un en particulier, on fabriquait des bicyclettes individuelles, et non pas une seule bicyclette géante sur laquelle on pourrait tous monter et pédaler ensemble, des millions de coups de pédale à l’unisson, tous dans la même direction. Mais, c’est ce qu’on fait déjà, a répondu Armando, le pays est une bicyclette géante, c’est tout à fait ça, mon fils, on pédale sur la bicyclette de la justice. Je me souviens alors d’une phrase de ma mère, qui semblait partie ailleurs mais qui était bien là, comme le sont toujours les mères, dire qu’on pédalait, certes, mais dans la semoule.
(page 77)
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Le laps de temps dont dispose un homme pour se rater ou s’en tirer est très court, et se situe communément à un âge, quatorze, quinze ans, où il n’en a pas conscience, ne sait rien de ce qui se joue en coulisses. C’est pourquoi l’humanité n’est qu’un perpétuel défilé de frustrés, de pauvres diables pris au piège, apparus là un jour, puis qui le suivant, mécaniquement, deviennent des spectateurs ahuris de ce qui leur arrive, à eux et à l’espèce entière : la croissance et les transformations physiques, les petites douleurs, les grandes commotions, la perte graduelle des facultés, les cheveux blancs et les rides, les maux de hanche, la surdité, le déclin irréversible et l’écœurement.
(page 109)
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Tu voudrais te rendormir mais tu sens que tu n'y arriveras pas. Les guenilles du sommeil sont comme les roseaux auxquels tu cherches à te cramponner alors que l'insomnie t'entraîne dans son courant. Tu gardes les yeux fermés. Les autres soldats dorment eux aussi, et tu refuses de croire que tu es déjà éveillé, tu voudrais croire encore un peu que tu dors toujours et que tu ne fais que rêver que tu ne dors plus. Seulement, il y a bien quelque chose qui s'est mis en marche et qui t'échappe.
(page 18)
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On n’a pas toujours aussi bien mangé, mais c’est le cas à présent, je le répète souvent : à la table de l’homme honnête on peut y lire l’état du pays. À la table de celui qui ne met sur la table que ce qu’il mérite. Alors, dès que j’entends dire que c’est pire qu’avant, je pense à ma table d’aujourd’hui et à ma table d’il y a dix ans, et je sais que ce n’est pas pire qu’avant, mais au contraire, que ça va de mieux en mieux. J’en ai l’intime conviction.
(page 33)
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Personne n’affectionne ses patrons. J’en sais quelque chose. À la seule différence que mes patrons sont corrompus alors que j’estime être un chef honnête et irréprochable. Comme Che Guevara, la fois où il s’est rendu dans une usine de bicyclettes. Ce jour-là, le directeur de l’usine, un lécheur de première, a tenté de lui en offrir une, pour sa fille. Le Che n’a pas hésité à lui livrer le fond de sa pensée, en lui rappelant que ces bicyclettes n’étaient pas à lui, au directeur donc, mais à l’État, et qu’il ne pouvait pas donner ce qui appartenait à l’État.
(pages 27-28)
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