[La] pratique qui consiste à faire bon accueil aux pensées, aux émotions et aux sensations porte le nom d'attention – traduction approximative du tibétain drenpa, « prendre conscience ». Ce dont nous prenons conscience, ce sont tous les processus subtils du corps et de l'esprit qui échappent d'ordinaire à notre attention parce que nous sommes concentrés sur la « grande image », l'aspect dominant de l'expérience qui détourne notre attention en nous submergeant ou en provoquant un désir irrépressible de prendre la fuite. Le fait d'opter pour l'attention réduit peu à peu la grande image en morceaux plus petits, plus gérables, qui apparaissent dans la conscience et en ressortent avec une incroyable rapidité.
En fait, il est un peu étonnant de découvrir combien l'esprit est intimidé quand on lui propose d'être son ami. Les pensées et les sentiments qui semblaient si puissants et solides s'évanouissent presque aussi vite qu'ils apparaissent comme des bouffées de fumée dispersées par le vent.
Pris par l’habitude de regarder par la fenêtre et de définir l’expérience comme ce que nous voyons dehors, nous ne nous rendons pas compte que c’est la fenêtre elle-même qui nous permet de voir. Retourner l’esprit pour regarder l’esprit, c’est regarder la fenêtre, plutôt que seulement le paysage. En faisant cela, on se rend peu à peu compte que la fenêtre et que ce qu’elle permet de voir sont simultanés. Si l’on regarde par une fenêtre dans une direction par exemple, on verra les nuages, la circulation, la pluie etc. d’une certaine manière. Si on regarde dans une autre direction, on verra les choses un peu différemment : les nuages seront plus proches ou plus sombres, les voitures ou les gens seront peut-être plus petits ou plus gros.
Regarder simplement les pensées, les émotions, etc. comme différentes expressions du potentiel infini de l'esprit lui-même. Autrement dit, utiliser l'esprit pour regarder l'esprit. Voilà une définition fondamentale de ce que, dans la tradition bouddhiste , on appelle "méditation". Comme nous le disions plus haut, en tibétain on parle de gom, "se familiariser. La méditation permet de se familiariser avec son esprit.
L’esprit est toujours actif : il distingue, évalue, et redistingue après évaluation – et il réévalue après de nouvelles distinctions encore plus fines. Le plus souvent nous nous retrouvons captivés par toute cette activité. Celle-ci paraît aussi normale et naturelle que de regarder par la fenêtre la circulation dans une rue très fréquentée. Et même, si la rue ou l’on habite n’est pas particulièrement fréquentée, on regarde quand même par la fenêtre le temps qu’il fait : Est-ce qu’il neige ? Est-ce qu’il pleut ? Le ciel est-il dégagé ou couvert ? Il se peut même que nous allions de fenêtre en fenêtre pour regarder le jardin de devant, l’arrière-cour, l’allée de ce côté, ou la maison du voisin, de l’autre.
Toutefois, si l’on recule pour regarder la fenêtre toute entière, on verra dans ces points de vue, limités ou unidirectionnels, comme différents aspects d’un panorama beaucoup plus vaste. Il existe un domaine illimité de pensées, d’émotions et de sensations qui passent et sont visibles par la fenêtre sans que celle-ci en soit affectée. Il y a 25 siècles, le Bouddha, présenta un certain nombre de pratiques censées nous aider à reculer pour observer l’esprit.