Je ne connaissais pas
Claude Rodhain, quand les Editions City m'ont proposé de découvrir sa plume avec son dernier roman, j'ai tout de suite été enthousiaste et je ne l'ai pas regretté, l'écriture est superbe et le livre, -en partie autobiographique-, m'a emmenée dans la France d'après-guerre avec le destin de Charles, un enfant de sept ans, abandonné par ses parents.
L'auteur nous embarque dans la vie de l'enfant, son arrivée dans un orphelinat, le quotidien trop rigoureux et parfois inhumain, les brimades, la faim, le froid, les coups, Charles supporte parce qu'il pense que ses parents le cherchent, il n'a pas été abandonné, il est perdu, d'ailleurs il est connecté, en pensée, avec sa mère qu'il surnomme « Mam Two », elle le guide et pour elle il veut être exemplaire.
Bien vite il est placé dans une famille d'accueil, on pourrait penser qu'il va s'y épanouir, mais par accident, il met le feu à la cave et là, accusé d'avoir volontairement déclenché l'incendie, il est envoyé à Charonne, une maison de correction où sont regroupés les mauvais garçons, ceux que les gardiennes appellent les vauriens. C'est l'enfer qui commence pour Charles, l'orphelinat c'était de la rigolade à côté, le seul point positif c'est qu'il y retrouve Robin son frère un peu plus âgé dont il ignorait l'existence.
Après deux ans d'une vie cauchemardesque, Charles se sauve, son objectif, atteindre Versailles et le siège de l'assistance publique pour témoigner des traitements inhumains infligés aux orphelins.. L'enfant est courageux, il part de la région de Limoges pour rejoindre Versailles à pieds et en se cachant. C'est incroyable de voir à quel point il est déterminé, il ira jusqu'au bout et il témoignera pour que les horribles conditions de vie cessent, il finira par obtenir gain de cause. Il découvre aussi que Robin n'est pas son seul frère. Il a une grande soeur et deux autres frères, ils sont cinq dans la fratrie Baudrin.
Quand Charles apprend qu'ils ont tous été abandonnés par leurs parents, il ne peut le concevoir, pourtant Julie, l'ainée, finit par tout lui raconter, le père buvait, ils vivaient entassés dans un deux pièces, cinq bouches à nourrir en pleine guerre ce n'était pas possible et Charles, le petit dernier, était le plus encombrant de tous, celui que son père ne voulait pas et que sa mère tentait de protéger. Ils ont été déposé à l'orphelinat, comme on déposerait des valises à la consigne. Charles se rend alors compte qu'il n'est l'enfant de personne, qu'il ne connaît rien de ses racines ni de cette mère qu'il a idéalisée et qui lui manque tant.
Mais s'il ne sait rien d'où il vient, il décidera où il va et il veut le meilleur, il veut être reconnu, il veut réussir, il veut montrer à cette mère qu'il ne méritait pas d'être abandonné, elle aurait du le protéger. Il va travailler d'arrache pied et étudier pour obtenir une belle situation. Doucement mais sûrement il va gravier les échelons sans jamais lâcher l'idée qu'il veut côtoyer les sommets, pour se prouver qu'il a mérité d'être là, c'est un beau pied de nez à Mam Two.
Il se lance un peu trop vite dans la vie maritale, embarqué malgré lui par Sophie qui possède tout ce qu'il n'a pas, une vraie famille. Réticent au départ, parce qu'il est épris de liberté et qu'il ne connait pas le fonctionnement d'une famille et encore moins le fait de ne plus vivre en dortoir avec les autres orphelins, il finit par trouver ses marques auprès de cette femme dont il est très amoureux. de cette union naît Charlotte, Charles a toujours pensé que s'il avait un enfant un jour, il ne vivrait que pour lui. Il adore sa fille mais il a une carrière à construire et finit par négliger sa famille. Quel comble pour un homme qui a été abandonné et s'était promis de veiller sur les siens.
Charles gravit les échelons et travaille pour un certain Joseph Guilledoux de Questembert. L'homme le presse comme un citron mais c'est très formateur pour Charles qui commence à prendre de l'importance dans l'entreprise. Il ne ménage pas ses heures, laissant sa femme et sa fille seules le week-end, totalement dévoué à son patron qui lui promet monts et merveilles et surtout la direction de l'entreprise quand il se retirera. Charles est compétent et intelligent, bien sûr qu'il mérite de gravir les échelons et d'obtenir un poste à responsabilités. Il avait promis à sa femme qu'ils seraient riches, qu'ils auraient un bel appartement, qu'elle ne manquerait de rien, quelle magnifique revanche pour le petit orphelin qui n'avait rien. Puis Charles a toujours besoin de prouver à Mam Two ce qu'il est et tout ce qu'elle a manqué.
Au décès de Questembert, Charles décide de créer sa propre société et encore une fois il s'avère brillant. Il est toujours entre deux trains et deux avions, fait fructifier son entreprise, côtoie les hautes sphères de l'Etat, s'adonne aux plaisirs de la chair avec d'autres femmes. Charles Baudrin est désormais important, il est riche, a eu un fils, il a réussi et même mieux que ce qu'il s'était fixé. On peut se demander si l'homme est réellement heureux, sa mère lui manque toujours autant, est-ce qu'il essaie de la retrouver dans toutes ces femmes qu'il séduit ?
J'aime beaucoup cette lecture et la construction du roman avec l'ascension de Charles, ses rencontres, ses frasques, je ne le comprends pas toujours mais respecte les choix qu'il fait, n'a t'il pas le droit d'être heureux et d'obtenir sa revanche sur la vie ? Quand il rentre dans la société de Questembert, je sens tout de suite qu'il y a quelque chose d'étrange, mes doutes sont révélés à la fin du roman, j'enrage un peu, je trouve qu'il y a là, un acte manqué, mais je ne peux en dire plus au risque de tout dévoiler.
J'ai passé un agréable moment avec ce livre, j'ai beaucoup aimé toute la partie qui concerne l'enfance de Charles, son courage et sa ténacité malgré son jeune âge. Il a beaucoup travaillé pour arriver au sommet, il mérite le respect, puis il y a ce petit facteur chance sous forme d'une rencontre, comme si une bonne fée tout à coup se penchait sur son berceau, lui qui était si mal né.
Beaucoup d'émotions, la colère côtoie l'apaisement, l'agitation se mêle à la sérénité, la joie laisse la place à la tristesse et vice versa. L'écriture est fine et concise, les mots percutent, il n'y a que de l'authenticité dans ce roman parce qu'on sent que l'auteur l'a écrit avec ses tripes. Merci aux Editions City pour l'envoi du roman.
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