Moineaux, pinsons, mésanges
qu'on voudrait tenir dans ses mains,
je joue à suivre vos ailes
jusqu'aux brisures de ma voix.
Je dépose un chagrin,
je ramasse une idée,
je regrette souvent le partage
que j'aurais dû faire avec vous.
Je vous oublie par habitude,
un sablier dans ma poitrine
tremble à la place de mon cœur.
Un mince filet de ciel
m'accroche encore à la lumière.
Soulevons tous les lièvres
du monde,
pleuvons à verse,
risquons tout.
On n'a pas pris
les bons chemins,
les renards les ont pris pour nous.
Il a plu très fort cette nuit,
les montagnes ce matin fument,
on nous disait, dans notre enfance,
que les renards faisaient leur soupe.
Nous ignorions les lieux communs,
chaque mot vivait notre sang,
chaque fable nous irriguait.
Rappelle-toi les grandes filles
qui osaient toucher le soleil,
elles griffonnaient
des noms barbares
dans la poudre des chemins.
Le vieux moulin
vivait avec elles
d'un rien d'écume,
des aigreurs du temps.
Nous écoutions aux portes
craquer leur détresse,
elles baissaient la tête
au retour des hommes.
Rappelle-toi leur transparence
dans celle qui pleure
aujourd'hui, sur un banc
de la gare Saint-Lazare.
Petit frère des pommes sures,
des fous rires, des algarades,
par quel chas d'aiguille
passais-tu pour m'entendre ?
Noël suivait dans les fermes
tabliers gris, paille vivante,
Noël se faisait papier d'or,
oranges fraîches, papillotes.
Toujours à l'orée de mes yeux,
tu recomptes mots crus,
cœurs gros, histoires anciennes.
Tu loges dans des remous,
tu n'étouffes personne,
et moi, je m'endors en toi.
Frère, mon évadé,
mon fatigué, mon vieillissant,
tu ne prétends plus rien,
tu ne résistes pas.
Un incendie hurle là-bas,
en pleine campagne enfantine,
aucune eau n'aurait pu
combattre la catastrophe.
****
Nos yeux trimbalent avec eux
ce tragique éblouissement,
notre sommeil d'aujourd'hui,
dans nos ruines jamais triées,
a mis des menottes à la vie.
Lecure ac Richard Rognet. Episode3.