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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Quelles sont vos troublantes racines, à vous ? Celles que vous ressentez confusément, très intimement, indépendamment de votre lieu de naissance, celles que vous choisissez, attirés irrésistiblement par un territoire, un peuple, une culture…un entrelacement de racines ataviques et de racines culturelles, frémissantes de vie, d'évidence, de désir et d'attraction difficilement explicables, des attaches indicibles ne correspondant pas toujours au lieu où nous sommes nés. Francine Romero, dont les troublantes racines sont africaines, nous l'explique dans ce beau récit autobiographique.

Qu'il est délicat de faire une « critique » sur un livre dont l'auteure est une amie ici sur Babélio. Même lire le livre n'a pas été si aisé, j'avais peur de ne pas aimer, un peu gênée aussi de découvrir cette autobiographie dans laquelle cette amie littéraire se dévoile. J'ai procrastiné, un peu, avant de me lancer. Et j'ai beaucoup aimé. Voilà un récit tout bonnement fascinant et je comprends à présent tellement mieux la passion de Francine pour l'Afrique, au point d'ailleurs d'avoir choisi pour pseudo @Afriqueah. J'ai tellement aimé que la fin m'a laissée sur ma faim : pourquoi pas une troisième partie sur les centres culturels de Niamey et Zinder ? Hein, pourquoi Francine ?
Il faut dire que je me suis régalée de ces deux parties, deux immersions de l'auteure en terres africaines, plusieurs chapitres dans chacune des parties démarrant par une citation bien choisie en lien avec le propos du chapitre, suivies, dans le corps du texte, par des allusions littéraires nombreuses qui viennent compléter élégamment l'expérience et les ressentis de l'auteure. C'est à la fois du vécu (et nous apprenons plein de choses dont le fameux « Poulet bicyclette ») mais aussi érudit, un récit joliment équilibré.

Deux parties donc, pour deux cultures africaines. Celle du Gabon d'une part durant les années 1972 et 1973, celle de Guinée équatoriale d'autre part de 1989 à 1994. Deux parties pour deux façons bien différentes d'approcher l'Afrique. La première en tant qu'épouse d'un Gabonais, la deuxième en tant qu'expatriée à un poste dans deux Centres culturels. A l'Afrique intime et quasi anthropologique de la première partie succède l'Afrique foutraque et humaine, bassement mais aussi joliment humaine de la seconde partie. Deux tons. Deux types de racines. Racines ataviques, racines culturelles. de troublantes racines dans tous les cas pour cette femme indépendante, libre, érudite, courageuse !

Racines ataviques, ancestrales, innées, celles des origines, berceau de l'humanité, dans une première partie. Des racines comme retrouvées aussitôt arrivée en terre africaine.
« L'évidence, lorsque nous arrivons, me tombe dessus, comme si tout ce que j'avais pensé jusque-là, toutes mes actions, tout ce que j'avais désiré sans le savoir, se trouvait magiquement sur un plateau de bois précieux. Dès les premières marches descendues depuis l'avion, le sentiment de retrouver un monde connu me gagne (…) Plus que tout, je ressens une sorte de connivence secrète, une acceptation totale, une correspondance absolue avec cette culture que je connais parce que mon mari lui y est né m'en a longuement parlé. Je retrouve mes origines, celles de l'humanité, je retrouve ce que j'ai toujours voulu vivre ».

Francine va vivre dans le village natal de son mari, au sein même de la famille de celui-ci, apprenant à se délester du superflu, à se soucier seulement du moment présent, à vivre simplement, à faire avec une flore et une faune flamboyante, au sein de la forêt équatoriale notamment, foisonnante et dangereuse. A faire avec et à la ressentir, au point de comprendre pourquoi cet univers, si profond, soit devenu le refuge des esprits. Nous sentons à quel point l'auteure observe mais surtout ressent l'Afrique, s'immerge corps et âme sans rester sur le rivage, sans être uniquement observatrice, elle est totalement unie à la nature et aux villageois par « le lien de l'humanité heureuse et souffrante, vivant en vérité, ne demandant rien d'autres que ce qu'ils ont », au point de se sentir noire dans ce village gabonais. Elle fait preuve d'humilité, de respect, ne juge jamais, admire ces personnes, notamment les femmes rencontrées avec lesquelles se développe une touchante sororité. Elle se fond dans cette vie dans ce qu'elle a de plus précaire et de plus simple. J'ai trouvé cette partie particulièrement apaisante dans son dépaysement, belle dans sa frugalité, touchante dans l'immensité ressentie, ce « sentiment océanique » évoqué qui fait qu'au-delà de notre statut d'humain nous nous fondons pour faire partie d'un tout. Cet aspect est très bien rendu.

« J'écris pour raconter ces mois passés, le bonheur de me réveiller sur ma natte, dans une hutte construite avec des piliers de bois et un lacis de feuilles de palmiers tressés, entre eux, le bonheur d'être là tout simplement. Bonheur simple, marcher sur le sable roux, parler avec mes belles-soeurs, qui, elles, bavent sur la France, bonheur paisible et monotone aussi du travail des champs, conclu par un somptueux coucher de soleil aussi rapide que multicolore ».

Malgré cette racine atavique ressentie avec évidence, force est de constater qu'elle n'est pas totalement des leurs, comme le prouveront sa mise à l'écart lors de la cérémonie mortuaire de la petite Anina, source d'un magnifique chapitre sur les différences de perception de la mort entre les deux cultures, un chapitre qui m'a interpellée et émue, ainsi que le retour en France où le décalage culturel avec son mari posera problème.
« Ces mois passés au Gabon m'ont à la fois réunie dans la simplicité des actes de tous les jours, donné le sentiment d'appartenir à cet univers, et insidieusement fait mesurer une différence indéniable ».

Racines construites dans la seconde partie, choisies, davantage culturelles, comme ancrages sur un territoire pour mener à bien une mission. Une source d'ouverture et de compréhension au monde, un défi dans un pays dictatorial dangereux, une volonté de retrouver ce territoire tant aimé. Francine pourrait faire sienne cette splendide citation de Karen Blixen qui ouvre un des chapitres :
« La rencontre que j'ai faite en Afrique d'une race essentiellement différente de la mienne a contribué puissamment à l'heureuse expansion de mon univers. La tendresse est née entre nous au premier regard ».

A la simplicité presque naïve (au sens pur) de la première partie, l'auteure oppose la compréhension du dessous des cartes de la gouvernance africaine. La corruption des classes dirigeantes, celle des fonctionnaires, l'exploitation du pays par d'autres pays et par des multinationales, mais aussi les abus de certains expatriés sont narrés parfois avec virulence et même une véritable colère. Cette Afrique des blancs qui engendre des attitudes méprisables. Mention spéciale à un des directeurs du Centre qu'elle rhabille pour l'hiver, ces quelques lignes sur le monsieur sont un truculent et savoureux exutoire.

« Un des directeurs du Centre est un pourri, un gros bouffi affreux qui présente un ventre saillant à travers les pans de sa chemise prête à péter les boutonnières, semblable à s'y méprendre à un des personnages (figure récurrente de certains blancs) de Mongo Beti dans Trop de soleil tue l'amour ou de Gil Courtemanche dans Un dimanche à la piscine à Kigali. Il a inventé un système imparable et que moi comptable, qui pourtant l'ai à l'oeil, ne peut contrecarrer »…

Tout au long du livre, nous apprenons une foultitude de choses sur les maladies, la mort, la sorcellerie, les mets culinaires, l'hygiène, l'histoire coloniale des deux pays, la politique, les différentes tribus, les us et coutumes…C'est érudit sans jamais être pédant, c'est beau sans jamais tomber dans le pathos. D'ailleurs, il y a une pudeur telle dans ce récit que le drame est juste évoqué, glissant, l'air de rien, au détour d'une phrase, sans s'étaler, alors que nous devinons combien ce malheur a dû être profond, que le bonheur notamment conjugal est simplement relaté. Pudeur donc, humanité, sincérité, authenticité, ouverture d'esprit et esprit critique, grande liberté, ainsi sont serties les racines africaines de Francine qui m'ont joliment troublée. Merci à toi Francine et, très sincèrement, bravo !

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Troublantes Racines - Francine Romero - Récit autobiographique - Lu en août 2023.

Lu entièrement le 15 août, sans pouvoir m'arrêter.

Je vais commencer par quelques citations du prologue que j'aime énormément :

"J'écris pour avoir la force de vivre le pays des solitudes, le pays métis...
J'écris parce que la vie me déroute, j'écris parce que j'ai peur de la mort.
J'écris pour mieux comprendre autrui, j'écris pour me comprendre.
J'écris pour me racheter" Birago Diop

Francine (Afriqueah sur Babelio) a écrit le récit et les ressentis de ses années passées entre le Gabon et la Guinée Équatoriale pour assurer la gestion comptable de deux Centres Culturels, nommée par le Ministère de la Coopération .

Francine a hésité longtemps avant de se lancer, elle rencontre Pierre Duchesne auteur d' Une année au Cameroun et là, c'est le déclencheur, Francine s'y met et c'est génial, elle "ressent une urgence d'écrire deux de ses expériences africaines".

Ses souvenirs personnels sur sa découverte de l'Afrique, l'histoire de cette Afrique, le passé et le présent moins glorieux.

Divisé en deux parties, son récit débute avec sa rencontre avec Yenoth, étudiant gabonnais, à Lille lors de ses études. Un mariage, un petit garçon.


Et les voilà partis dans le pays de son mari où Francine va découvrir le Gabon , terre d'Afrique dont elle se sent immédiatement en symbiose, "plus que tout je ressens une connivence secrète... je retrouve mes origines, celles de l'humanité"

Atterrissage à Libreville.

Port-Gentil, une autre étape, rencontre avec la famille de son mari, oncles, tantes, cousins-ines... une grande famille, autour de repas bien de là-bas où elle est bien accueillie. Francine se délaisse du superflu, découvre que le temps en Afrique n'a pas la même durée qu'en Europe, il passe, c'est tout. Elle se débarrasse de sa montre, elle n'en portera jamais plus.
Et puis, le périple pour arriver dans le petit village de Yombé II au bord du fleuve Ogooué en pirogue, traversée de l'immense et dangereuse forêt équatoriale. Moyen de communication, le tam-tam. Découvertes des coutumes, de la culture, de la nature foisonnante, des couleurs, des odeurs, tous les sens sont en éveil quand on découvre l'Afrique et ça ne s'effacera jamais. Découvertes aussi des différentes ethnies, pas toujours amies !
Découverte d'une appartenance à la famille, d'une chaleur humaine d'une entraide.
Dans les petites plantations de manioc, ce sont les femmes qui travaillent "ce sont les femmes africaines qui portent le Continent sur leur tête" écrit Henning Mankel cité par Francine. Elles portent sur leur tête des kilos de racines de manioc avec une dignité et un port de reine inégalable. La polygamie est normale là-bas à cette époque. Pour se nourrir, c'est la chasse, la pêche, la culture du manioc, le petit élevage. Pas de réserve puisque pas de frigo.
J'ai adoré le passage sur les éléphants, Francine en parle comme personne. Les insectes grouillent en Afrique, on s'habitue.
Une infirmerie rudimentaire, sans médicament exceptés des antiseptiques. La lèpre, la bilharziose, le paludisme, la fièvre jaune ... sont des fléaux.
Les rituels de la mort, les esprits, les guérisseurs, les sorciers ou sorcières, les désenvoûtements, les confréries secrètes, les initiations rites de passage occultes.

Un peu d'histoire dans le récit de Francine, les invasions, les colonisations, la traite des esclaves, les Pygmées, le pétrole, l'entrée du Gabon dans l'OPEP, la crise de 1973, l'entrée de l'Islam.
Retour à Lille où Francine découvre un autre homme en son mari, c'est la fin de leur union.
Et puis, La Guinée Équatoriale 1989-1994, Francine fait ses adieux à son père, elle n'est pas sûre de le revoir, c'est dur. Elle s'en va avec sa fille Inès, son fils qui doit passer son bac sera pensionnaire.
L'installation à Malabo n'est pas de tout repos, alimentation en eau déplorable...
La dictature est au pouvoir, la méfiance règne, on ne dit pas ce qu'on pense, c'est dangereux. le meurtre barbare d'un coopérant, ami de Francine.
Le pétrole toujours, objet de convoitise provoque bien des malversations, le scandale des déchets nucléaires.
La corruption règne en maîtresse "la vénalité des politiciens, la cupidité des fonctionnaires et des flics et les expatriés qui ne sont pas tous des parangons de vertu."

Francine fait la rencontre de "l' homme de sa vie" un Andalou avec lequel elle se marie. Elle est heureuse.

D'aventures en aventures, Francine nous fait découvrir une vie mouvementée, avec ses grandes joies, ses petites et grandes peines, ses désillusions aussi, mais toujours cet énorme amour de la vie.

L'Afrique, Francine l'a dans le sang, dans les tripes, elle repartira travailler à Niamey capitale du Niger et à Zinder.

C'est une belle histoire que celle de Francine, un témoignage passionnant d'un vécu bourré d'anecdotes, avec en toile de fond l'histoire de cette Afrique si convoitée pour ses richesses, un peuple maltraité par ses dirigeants corrompus et avides de pouvoir.

Une Afrique qui reste tellement présente dans le coeur de ceux et celles qui y ont vécu et qui ont dû la quitter malgré eux pour des raisons de sécurité. C'est ce que mes parents, mes frères et soeurs ont été obligés de faire en 1960 lors de l'indépendance du Congo. Mais comme Francine, l'Afrique est quelque part dans mon coeur, inoubliable.

Francine a mis tout son coeur dans ce récit, toutes ses émotions, et la lire a été un formidable plaisir, je vous recommande de lire son aventure, vous ne pourrez pas rester indifférents , en toute honnêteté, parce que vous pourriez croire qu' étant une amie babéliote je ne peux que dire du bien de son récit, mais non, il en vaut la peine, d'ailleurs lisez-le, vous vous ferez votre propre opinion et je serai heureuse et curieuse de la découvrir.

Un tout grand merci Francine, et pourquoi pas ton passage au Niger dans un prochain livre ?

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La rencontre que j'ai faite en Afrique d'une race essentiellement différente de la mienne a contribué puissamment à l'heureuse expansion de mon univers. La tendresse est née entre nous au premier regard.
Karen Blixen
Ce livre est une bouffée de fraîcheur presque un appel au large dans ma petite vie de tous les jours.
Que ce soit cette citation de Karen Blixen où des extraits de ce roman je suis rentrée chez moi le temps de la lecture. J'ai partagé le ressenti de Francine, il y a bien des années, presque une autre vie.
Ce n'était pas le même pays mais les mots et les impressions ont résonnés en moi.
Ce texte se présente en deux parties :
La première sous forme de journal de bord avec sa famille, le tout agrémenté de textes et d'une analyse de cette expérience.
La vie au jour le jour, l'accueil de sa famille, leurs coutumes et puis aussi la sorcellerie (tout ce qui y touche ou presque m'était plus ou moins connu avec quelques variantes).
La seconde tient plus du témoignage est n'en est pas moins intéressante.
Nous voici revenus à la dure réalité de ces pays où la colonisation a semé les graines du pouvoir, de la corruption, de l'envie. Des pays qui ont souvent recours à la dictature et aux guerres ethniques.
Mais Francine Romero sait nous raconter les mille et uns petits événements de la vie à l'étranger, ses mésaventures en bateau, sa rencontre avec son bel hidalgo et aussi la magie d'un bracelet, sorte de sésame.
Après le Gabon et la Guinée Équatoriale, notre amie partira pour Niamey et Zinder à la découverte d'une autre culture.
Une approche complète, toute une culture abordée. Une très fine analyse étayées par des citations d'auteurs africains ou concernant l'Afrique qui font parfaitement écho à chaque chapitre.
J'ai adoré ce premier roman et attend le prochain avec impatience.
J'ai mis beaucoup de citation mais j'ai particulièrement aimé celle du fils de l'auteur à propos du travail :
« Ces enfants aussi travaillent, vont chercher du petit bois, portent les plats, aident à la préparation du manioc. Mon fils commente doctement : nous, on cravaille. »
Un grand merci à Francine @afriqueah pour ce sublime voyage.
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Francine,

Je voudrais commencer ce billet par cette citation de Karen Blixen qui pourrait être la tienne tellement elle te ressemble :

« La rencontre que j'ai faite en Afrique d'une race essentiellement différente de la mienne a contribué puissamment à l'heureuse expansion de mon univers. La tendresse est née entre nous au premier regard ».

*
Nous nous sommes rencontrées sur un de mes billets, celui du lion de Joseph Kessel, et j'ai tout de suite ressenti cet amour que tu vouais pour un continent qui m'a toujours attirée et fascinée.
Depuis, je te suis dans tes nombreuses chroniques qui poursuivent ce lien affectif avec l'Afrique que tu n'as pas rompu même si maintenant tu vis ailleurs.

Il est malaisé d'écrire un billet sur une autrice qui est également une amie sur Babelio. Les lecteurs pourraient penser que je ne suis pas impartiale.
Je n'ai pas hésité un seul instant à lire ton livre, car je savais ton passé riche d'expériences et d'anecdotes passionnantes que tu nous dévoilais par petites touches à travers tes chroniques. Je connaissais aussi ton érudition sur ce continent qui t'est cher.
Mais, pour tout t'avouer, j'avais une appréhension face à ce billet que je rédige aujourd'hui, peur de ne pas être à la hauteur de ton récit qui respire l'authenticité et dans lequel tu te livres avec pudeur, honnêteté et simplicité.
En rédigeant ces quelques lignes, je souhaite à mon tour faire preuve de la même justesse et de la même intégrité que toi.

*
Tu as entrepris ce que je n'aurais jamais osé faire, partir vivre loin de ta famille, loin de tes racines, loin de repères rassurants. Quel courage ! Tu m'as fait penser à ces grandes aventurières, comme Mary Kingsley que tu as chroniquée récemment, audacieuse, déterminée, courageuse, ouverte d'esprit, curieuse d'apprendre et de comprendre le monde qui l'entoure.
J'ai voyagé dans tes souvenirs et tes pensées, avec le sentiment d'approcher une autre façon de vivre, de voir, de penser. J'ai remonté le cours du temps au moment où européens et autochtones ont commencé à commercer, troquant esclaves, ivoire, or, contre des perles vénitiennes, des miroirs et autres breloques sans importance.

*
Ce que tu as ressenti à la descente de l'avion à Libreville en 1972, année de ma naissance, cette sensation d'appartenance à un monde aux antipodes du tien, c'est dans une certaine mesure ce que j'éprouve face à l'océan. La sensation étrange, difficilement exprimable d'être enfin de retour chez soi, de retrouver ses racines, d'être à nouveau entière.

« … je crois que l'endroit de naissance ne se trouve pas forcément là où sont nos racines, ou plutôt que nous pouvons trouver, sans chercher, des attaches ne correspondant pas au lieu où nous sommes nés. »

Ton récit est parsemé de magnifiques citations dont celle-ci qui exprime, je trouve, l'esprit de ton livre :

« Ce n'est pas un livre sur l'Afrique, mais sur quelques hommes de là-bas, sur mes rencontres avec eux, sur le temps que nous avons passé ensemble. Ce continent est trop vaste pour être décrit.
C'est un véritable océan, une planète à part, un cosmos hétérogène et immensément riche. »
Ryszard Kapuscinski

Ton mari Yenoth, un étudiant gabonais rencontré sur les bancs de l'université, va te permettre de vivre au sein de sa famille et de partager la vie de son village.
Une expérience de vie unique et précieuse fondée sur l'entraide et le partage, des rencontres inoubliables, des lieux auxquels tu t'es attachée.
Pendant deux ans, tu vas vivre des moments d'une grande richesse, des moments de bonheur simple et paisible, des moments de grande tristesse.

« … je crois que l'endroit de naissance ne se trouve pas forcément là où sont nos racines, ou plutôt que nous pouvons trouver, sans chercher, des attaches ne correspondant pas au lieu où nous sommes nés. »

Dans cette chaleur étouffante et moite, j'ai marché dans la forêt équatoriale, partagée entre la beauté mystérieuse, enveloppante de la jungle et ma crainte de me retrouver face à un serpent, une araignée. Mais j'ai très vite compris que ces animaux ne sont pas les plus dangereux et qu'il en existe de beaucoup plus petits à l'allure inoffensive responsables de la transmission de virus et de parasites microscopiques.
Malgré tout, j'ai admiré les magnifiques couchers de soleil, j'ai marché dans le sable aux jolies couleurs rousses, j'ai écouté le murmure de la rivière et la cacophonie envoûtante, vibrante de la jungle. Je me suis sentie en sécurité, entourée par ceux qui connaissent et respectent la forêt.

Mais plus important, je me suis rapprochée d'une autre culture que la mienne, dont j'ai perçu les croyances et les rites, les mythes et les légendes populaires, la force des esprits et le pouvoir des guérisseurs.
Dans cette partie du monde où la vie est précaire, j'ai découvert une autre façon d'envisager et de concevoir la mort.

« Ce n'est pas la mort en elle-même qui est crainte, puisqu'elle représente souvent en Afrique noire un état transitoire qui peut déboucher sur une renaissance, et ne signifie pas la fin ; la chose primordiale à éviter, c'est de faillir aux rituels funéraires, omettre un acte, négliger un sacrifice… »

*
Après le Gabon, tu t'envoles pour la Guinée Équatoriale où tu resteras cinq ans et trouveras l'amour de ta vie, ton bel Andalou.
Devant mes yeux se dessine une nouvelle ambiance, mêlant ton histoire, ta vie professionnelle aux événements historiques dramatiques qui ont marqué ce pays : la dictature de Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, le génocide perpétré par son oncle, la corruption qui gangrène le pays, la vie de privilèges de certains expatriés qui laisse un arrière goût de malaise et de colère, la question des droits de l'homme bafouée, le racisme affiché, l'Afrique poubelle de l'Europe.
Tu nous livres tes impressions en toute humilité, tes questionnements et par là même, tu nous interroges sur la dignité de l'âme humaine, sur le pouvoir de l'argent, sur l'influence politique et économique des pays européens (dont le notre) au mépris des valeurs humaines, de la dignité et de l'honneur.

"Politique exige, notre volonté d'étendre la francophonie prime sur le respect des droits humains. Nous savons tous que le pays est aux mains d'un dictateur sanglant, nous-mêmes sommes complices d'une certaine façon en ne le dénonçant pas."

*
Grâce à toi et aux nombreuses références littéraires que tu dissémines tout au long de ton récit, j'ai encore alourdi ma liste de romans que j'aimerais lire avec « Vers le cimetière des éléphants », « Un thé chez les éléphants ».

Je referme ton histoire avec la sensation que tu m'as offert une partie de toi. Tu es restée dans la retenue et la pudeur concernant ta vie privée, et ton récit n'en est que plus beau et émouvant.
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C'est en Afrique que j'ai passé mon dimanche pluvieux d'hier, grâce au magnifique hymne à ce continent que Francine Romero, notre amie "afriqueah" sur Babelio, a rendu dans son autobiographie "Troublantes racines".

L'Afrique, à part une partie du nord et du sud pour y avoir voyagé, je connais uniquement de mes lectures allant de Ryszard Kapuscinski à David van Reybrouck, en passant par Karen Blixen, Graham Greene et William Boyd.

Le témoignage personnel, honnête et courageux de notre amie sur son séjour au Gabon et en Guinée Équatoriale présente une réalité qui tranche avec les histoires qui circulent fréquemment dans nos régions sur le peuple et les pays africains.

Il s'agit d'une approche qui, illustrée par de nombreux exemples concrets et vécus, nous démontre l'erreur et parfois même le ridicule de beaucoup de nos idées à propos des communautés africaines dites primitives.

Si l'auteure nous séduit avec sa description de la splendeur d'un lever du soleil équatorial, la magnificence de la forêt vierge, le charme des rencontres entre simples villageois, elle n'oublie pas d'intégrer dans son récit aussi des aspects moins agréables comme la chaleur, les cafards, moustiques et maladies tropicales.

Cet ouvrage mérite également d'être lu pour les considérations relativement brèves concernant certains épisodes historiques et la situation politique des 2 pays où elle a résidé.
Elle traite des méfaits du colonialisme et ne mâche pas ses mots sur les conséquences de scandales économiques, pétroliers et financiers.

J'ai fort apprécié aussi les explications de notre amie à propos de l'explorateur Pierre Savorgnan de Brazza (1852-1905), le seul explorateur à avoir "donné son nom à une capitale africaine" (page 80) et du légendaire docteur alsacien Albert Schweitzer (1875-1965) et son hôpital en pleine brousse à Lambaréné au Gabon.

Le livre de Francine Romero est sorti le 7 avril dernier et je regrette de ne pas l'avoir lu bien plus tôt. C'est en tout cas un ouvrage que je recommande fortement.
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Depuis que je suis inscrite sur Babelio, j'ai fait connaissance avec des personnes aux profils très divers, et même si pour l'instant nous ne connaissons que virtuellement, Francine, @Afriqueah, est l'une de celles dont je me sens le plus proche. Nous échangeons beaucoup, j'apprécie ses prises de position, son anticonformisme et sa liberté d'esprit, ainsi que sa grande culture. On sent qu'il y a un vécu, de l'expérience, quand elle partage avec vous ce n'est pas du vent !
Aussi quand j'ai appris, il n'y a pas très longtemps (mi-mars), qu'elle s'apprêtait à publier le début de ses mémoires africaines, j'ai évidemment été dans les starting-blocks pour le commander. Une fois le livre reçu, j'ai pris mon temps, attendant le moment propice pour le découvrir tranquillement, admirant la photo de couverture où elle semble si heureuse au milieu de sa famille du Gabon (au bord de l'Ogooué, j'imagine ?).

Le moment propice s'est vite présenté : un arrêt maladie de 15 jours au mois de mai, j'ai pu enfin me poser, me reposer, et lire, lire ! Et j'ai pris l'avion, quelle aventure ! avec Francine, Yenoth et leur petit garçon de deux ans. Je savais déjà qu'elle avait vécu au Gabon, et plus tard en Guinée Equatoriale en tant que coopérante, j'étais donc très heureuse de cette occasion d'en apprendre plus sur ces expériences, très différentes au demeurant.

Cela n'a pas dû étre évident pour une française d'une vingtaine d'années au début des années 70 de suivre son mari en Afrique (déjà les mariages mixtes n'étaient pas si fréquents, même si les années 70 nous semblent avec le recul plus tolérantes que maintenant). Mais Francine a une sorte de révélation en arrivant : ses racines sont ici, elle s'y sent chez elle.
"Plus que tout, je ressens une sorte de connivence secrète, une acceptation totale, une correspondance absolue avec cette culture que je connais parce que mon mari qui y est né m'en a longuement parlé. Je retrouve mes origines, celles de l'humanité, je retrouve ce que j'ai toujours voulu vivre."
Troublant, en effet...
Entre Libreville et Port-Gentil, nous naviguons sur le fleuve, et nous nous arrêtons à Yombé II où Francine va habiter quelque temps dans sa nouvelle famille dont elle nous présentera tous les membres. Elle s'y sentira bien, participant aux travaux communs, vivant simplement, débarassée des artifices et de l'inutile qui nous semble si indispensable. Intégrée, oui, mais dans certaines limites. Quand un enfant va mourir prématurément, elle sera écartée des rituels de deuils, et certaines coutumes ne lui seront pas partagées. Mais on la sent heureuse de cette vie, malgré les dangers, les maladies et l'absence d'éléments de confort dont nous aurions bien du mal à nous passer.

Seize ans passent, et voilà qu'une nouvelle occasion de retrouver l'Afrique se présente, à titre professionnel cette fois. La vie de Francine a changé, un deuxième enfant, Inès, le divorce d'avec Yenoth, l'insouciance des 20 ans a laissé place à la maturité et à un regard plus aiguisé sur les turpitudes de certains hauts fonctionnaires qu'elle va côtoyer en Guinée Equatoriale, un pays pauvre et méconnu des européens. Elle travaille pour deux centres culturels, et découvre les dessous parfois peu reluisants de la coopération, les petites magouilles des blancs pour se procurer des articles rares là-bas ou comment certains profitent de leur position pour s'engraisser aux dépens de la population locale. Mais heureusement, elle fera aussi de jolies rencontres, notamment un certain bel andalou !

Tout au long de ces 170 pages, j'ai partagé les émotions, les découvertes, les doutes, les bons moments et parfois la colère de Francine, avec une totale empathie. Ce qu'elle écrit correspond tellement à ce que je m'imaginais d'elle depuis ces trois ans où nous avons échangé tant de messages et de commentaires sous nos lectures respectives ! Entre Francine et franchise, il n'y a que deux lettres, pas de langue de bois chez mon amie ! Mais quel courage d'avoir pris la plume pour nous raconter ces expériences africaines 50 et 30 ans après. Une partie de son coeur est manifestement restée là-bas, d'ailleurs il n'y a qu'à se plonger dans ses critiques pour le comprendre.
Sans emphase, mais avec beaucoup d'érudition et une écriture sincère, elle nous convie dans ces tranches de sa vie et nous fait découvrir deux pays au plus près de ce qu'elle y a vécu à l'époque. Chacun des chapitres porte un titre évocateur de son contenu, et est introduit par de judicieuses citations d'autres "explorateurs" des lieux.

J'ai fractionné ma lecture en deux temps, pour "m'en garder un peu pour plus tard", c'est-à-dire que j'ai lu d'une traite la première partie au Gabon, puis j'ai intercalé un roman de fiction, et repris deux jours plus tard la seconde partie en Guinée Equatoriale. Puis j'ai laissé reposer une semaine, et écrit un premier brouillon de retour. Jeté un peu plus tard. Un second, qui a subi le même sort. Je me suis dit qu'il fallait que j'attende le moment propice, et c'est ce soir et sans brouillon que j'ai eu l'envie de restituer le plaisir que j'ai eu à te lire, Francine. je mesure combien il a dû être difficile pour toi de te replonger dans ce passé, d'y mettre les mots justes, le flot d'émotion que cela a fait remonter très certainement, le découragement sans doute parfois, la fatigue, le questionnement...tout ce qui fait que beaucoup ont envie d'écrire, mais tant d'entre eux renoncent. Toi tu as persévéré, et je t'en remercie, très sincèrement. Je sais que tu aurais encore tant de choses à partager, un jour peut-être ?
J'ai écrit ce retour avec mon coeur, il y a certainement des redites, des maladresses, mais je n'ai pas envie de me relire ou de me corriger, c'est du brut de décoffrage, mais c'est ce que j'avais envie de te dire. Merci.
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Mrs Romero, I presume ?

Je vois sur ta photo derrière que tu as repris le maquillage
Le style
Le style
Le style est fluide
C'est gagné
Après il y a l'histoire
Notre Francine Romero ( Afriqueah ) a quand même vécu quelque chose Hors du commun
Mandembi et Ines peuvent être fiers de toi
J'ai le sentiment que tu préfères le Gabon ( surtout l'Ogooué ) à la G.E
Il faut dire qu'avec ce fou de président de Guinée
Obiang richissime tue et affame les habitants de son pays

Livingstone Stanley Schweitzer Brazza
Tu nous fais de l'anthropologie de l'ethnologie du féminisme tu as bien raison
Une belle vie

Nous avons des points communs
En vrac
Mouvement hippie
Philosophie comptabilité
Nourriture bestioles maladies tropicales
Sorcières vaudou sorts
Fierté de l'intégration presque complète
Amour de la peau noire charbon ou bronzée
Mariage tropical
Puis déception culturelle sur le conjoint tropical
Désert Espagne Ile Maurice Kenya
Meurtre d'un proche de l'ambassade
Ministère des affaires étrangères
L'Afrique des blancs
Commérages
Nous cultiver sur la culture autochtone
L'accueil des nouveaux
Taxi brousse
Institut français
Mangrove
Sable noir qui brûle les pieds
Tongues
« Adopter » le papa et sa fille
Faire bouillir l'eau et le permanganate
Coquillages cônes
Bateau voilier fétu dans la tempête
Dauphins devant le bateau Tu as eu peur de plonger j'en rêvais après coup mais je n'y ai pas pensé
Andalousie Les Espagnols parlent trop vite
Les sud américains débitent plus lentement
Sorcellerie pour se faire aimer Sorciers ( Cf Tobie Nathan )
L'au-delà ( protection )
Le volcan les fougères arborescentes
Malaria paludisme ( Chikungunya )
Table ronde chinoise rouleaux de printemps nems
Ma fille métisse

Bref une très belle histoire dans laquelle je me suis retrouvé
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Régulièrement, Francine nous enchante avec les chroniques de ses lectures sur l'Afrique. Elle nous apprend plein de choses intéressantes et y mêle ses souvenirs avec passion.

Après avoir partagé ses expériences avec nous, c'est dans son livre "Troublantes racines" qu'elle raconte ses 2 séjours en Afrique. Malgré ses premières hésitations, je pense qu'il était important de le faire, pour elle d'abord : fixer ses souvenirs sur le papier doit être très enrichissant, pour sa famille ensuite, et pour notre plus grand plaisir de lecteurs qui découvrons un peu plus en détails toutes les petites tranches de vie racontées auparavant.

Francine nous le dit, ce livre est un témoignage à la fois d'amour pour ce continent, pour les hommes de sa vie et sa famille, et d'amitié.

Deux voyages très différents sont ici présentés.

Le 1er au Gabon où Francine a été intégrée chaleureusement par la famille de son mari. Sa jeunesse et son côté aventurier sûrement ont fait qu'elle s'est elle-même très bien adaptée à ce pays aux conditions de vie très éloignées du monde occidental d'où elle vient. J'ai trouvé cette expérience fascinante et ne suis pas sûre que j'aurais su m'acclimater aussi bien. Mais Francine y a senti ses racines, l'Afrique n'est-elle pas le berceau de l'humanité ?
Francine a vécu une expérience inoubliable avec sa famille, travaillant, cuisinant et partageant la vie austère des petits villages gabonais. Malgré les bestioles et maladies, ajoutées aux soins très rudimentaires, notre amie vit avec simplicité et bonheur, entourée par la beauté de la forêt équatoriale.
Les désillusions arriveront avec d'abord deux épisodes tragiques dont elle sera écartée, et avec son retour en France où elle sera confrontée à l'attitude de sa famille gabonaise qui elle, ne s'adapte pas aussi bien aux coutumes européennes que Francine l'a fait en Afrique.
Mais que de souvenirs !

Dans son 2ème voyage, sa 2ème vie en Afrique, Francine nous fait découvrir une toute autre expérience, en Guinée Equatoriale où elle restera 5 ans.
Là, ses conditions de vie seront très différentes puisque, comptable à l'Institut Culturel d'Expression Française, elle vivra en ville, entourée de Blancs expatriés, racistes pour beaucoup, cupides pour certains. Francine nous parle de la politique des dictateurs gouvernant ce pays, du pétrole, de la corruption qui règne, des petits arrangement financiers présents jusque dans la douane ou la police...
Un pays aussi où la sorcellerie existe, où on rencontre féticheurs et empoisonneurs.
La communauté espagnole est importante, la nouvelle Guinée étant une ancienne colonie espagnole, Francine rencontrera en son sein l'amour de sa vie !

Les nombreuses lectures de Francine viennent étayer ses souvenirs, on y retrouve en citations les auteurs qu'elles nous a présentés ces derniers mois. Tout cela est magnifiquement orchestré, bravo Francine !

Nous découvrons en toute fin du livre que notre amie a été nommée au Niger par la suite "En mars un cadre venu du Ministère a fait le voyage pour m'apprendre la nouvelle lorsque nous sommes sortis en mer avec lui."
Bon, ben, Francine, nous attendons la suite, tu penses bien...;)
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Babelio, malgré le fait qu'il renforce mon côté addictif aux livres, ce qui m'énerve parfois, est aussi, et surtout, une bénédiction pour nous faire découvrir tant de livres qui ouvrent l'esprit et le coeur.
C'est le cas de celui-ci qui m'avait échappé lors de sa sortie. Il est de Francine Romero (alias mon « amie » babeliote Afriqueah).
Un livre de souvenirs personnels, mais pas seulement, si touchant, si instructif et si profond. Un livre qui m'a fait ressentir et mieux comprendre la vie de cette Afrique dite subsaharienne que je ne connais pas bien, et ce n'est pas ce que j'en lis et j'en vois dans les médias français qui suffit à me faire une opinion.

C'est d'abord comme si l'auteure nous invitait à feuilleter son album de souvenirs.
Des souvenirs du Gabon où elle s'est rendue dans la famille de son mari en 1972-1973, puis de Guinée Équatoriale, ce petit pays coincé entre le Cameroun et le Gabon où elle fut employée comme coopérante française de 1989 à 1994.

Le séjour au Gabon, c'est la découverte d'une certaine Afrique et c'est très fort et émouvant. L'auteur y arrive à l'été de 1972 et y revient en 1973. Elle est accueillie dans la famille de son mari, Yenoth, étudiant rencontré sur les bancs de la « Fac » à Lille. Ils sont accompagnés de leur enfant, Mandembi, âgé de 2 ans. C'est à son arrivée qu'elle éprouvera cette sensation troublante qui est de retrouver d'où elle vient, ses « racines africaines », alors qu'elle est née et n'a jamais quitté la France métropolitaine.

Et nous voilà à la suivre qui partage la vie de sa belle-famille. L'accueil chaleureux, le rôle important des femmes, le désintéressement des richesses, le respect des anciens, le rapport à la nature et à la nourriture, à la mort, toutes choses si différentes des approches de notre monde occidental matérialiste, tout cela est raconté avec beaucoup de sympathie, tendresse, mais aussi d'humour qui va d'ailleurs pointer le bout de son nez durant tout le livre. Il y a aussi ce rapport aux esprits, à la sorcellerie, décrit de façon passionnante. Et enfin, la fin de l'histoire d'amour de l'auteure, confrontée à son retour en France, à « l'importation » insoutenable du mode de vie africain chez elle, son mari acceptant que des membres de sa famille squattent son appartement, et la traitent comme une servante, ce qui finit en divorce.

Et puis, ce n'est pas tout, car c'est complété par d'un peu d'histoire, celle plutôt sympathique de Savorgnan de Brazza, celle en demi-teinte du Docteur Schweitzer, celle pas très jolie de l'histoire contemporaine, d'un Gabon terrain de jeu de la Françafrique, d'un pays dominé par la présidence quasi à vie de Albert-Bernard Bongo qui se convertit par opportunisme à l'Islam, pour devenir ce célèbre Omar Bongo, un des « contributeurs » de cette non moins célèbre affaire Elf.


Le séjour en Afrique Équatoriale, s'il reprend certains des thèmes déjà évoqués dans la première partie, tels la sorcellerie, le rapport à la nature, parfois dramatique avec les sorties en mer et les naufrages, m'a surtout marqué à la fois par l'incroyable dictature qui y sévit et dont je n'avais jamais entendu parler (ce n'est malheureusement pas un cas isolé en Afrique) et par la corruption qui est présente partout, y compris chez les français expatriés. Francine Romero nous raconte son séjour avec beaucoup d'humour, d'ironie. Elle nous dépeint aussi avec verve, le monde de ragots, de cancans, que représente la « famille » des coopérants. Mais il y a une empathie pour les gens, une grande sensibilité mêlée à une grande pudeur, qui m'ont touché.

C'est un livre court, certes, mais fort, et que j'ai relu plusieurs fois.
A la fin, l'auteure nous apprend qu'elle est nommée à deux Centres Culturels du Niger. La matière pour un autre livre?

Autre chose: chaque chapitre comporte en préambule une citation très bien choisie pour introduire le propos. C'est astucieux et éclairant.

En conclusion, une petite pépite de livre.
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Un petit bout d'Afrique entre les mains, c'est le sublime cadeau que nous offre Francine (@afriqueah) avec ce merveilleux recueil de souvenirs écrits Out of Africa, mais qui l'ont façonnée, investissant son coeur et son âme, au point de l'ancrer, de l'enraciner dans ce continent que je connais très mal.

Son récit est habité, il est simplement passionnant, émouvant. Moi qui ne connais rien à l'Afrique, j'ai vraiment apprécié la guidance de Francine, ses cahiers rangés par thème, les citations en début de chapitre, celles judicieusement disséminées dans le texte, qui vous font un clin d'oeil et vous invitent à aller plus loin.

J'ai dévoré ce livre en deux soirées, j'ai été happée dans cette ambiance africaine amoureusement rendue par Francine. L'hommage est aussi grand et beau que sa passion pour cette terre ancestrale, berceau de l'humanité comme elle le dit si bien.

C'est une insolite autobiographie car notre héroïne montre une grande humilité, et ne parle pas beaucoup d'elle, mais principalement de deux personnages centraux : le Gabon et la Guinée équatoriale, pays dans lesquels elle a vécu deux expériences de vie totalement différentes, respectivement en 1972 et 1973, et de 1989 à 1994.

J'ai appris vraiment, vraiment beaucoup de choses, des plus gaies, des plus belles aux plus révoltantes, aux plus tristes. Mon regard a changé, il était lointain, Francine l'a aiguisé.

J'ai pris beaucoup de plaisir à cette balade africaine visitant la culture, les traditions, la façon de vivre…

Merci aux Babelpotes qui m'ont enthousiasmée à travers leurs beaux billets, pour la plupart très touchants.

Merci Francine (@afriqueah) pour les belles découvertes généreusement offertes dans tes Troublantes racines.
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