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La question est d'importance : Degas était-il un peintre impressionniste ?
— Que fut l'impressionnisme ?
Au début des années 1870, un mouvement artistique allait devenir la plus grande révolution artistique de l'histoire de la peinture et les noms de leurs membres allaient rester dans l'histoire de l'art : Monet, Renoir, Pissarro, Sisley, Morisot, Cézanne…
Des caractéristiques communes rapprochaient ces artistes : touche libre sur le motif, peinture claire, vibrations atmosphériques.
Leurs personnalités étaient fort différentes. Comment comparer des toiles qui figuraient ensemble lors de la première exposition impressionniste de 1874 : une peinture douteuse et ludique de Cézanne appelé « le Rêve du célibataire » jouxtait le délicat « Berceau » de
Berthe Morisot…
Parmi tous ces peintres avant-gardistes, se trouvait un curieux personnage :
Edgar Degas…
— « Faites des lignes… Beaucoup de lignes, soit d'après le souvenir, soit d'après nature » -
Jean-Auguste-Dominique Ingres
Grand admirateur d'Ingres, Degas avait fait des études classiques et passé de longues heures à copier les maîtres anciens au Louvre, et en Italie. le dessin primait sur la couleur.
Solidaire de ses amis impressionnistes, sa démarche était tout autre. Son aspiration unique : exprimer un mouvement qui n'efface pas la ligne. Selon lui, être moderne ne revenait pas à abandonner la forme et la dissoudre comme le faisaient ses amis Monet, Pissarro ou Sisley.
— « Il vous faut la vie naturelle, à moi la vie factice ». « On devrait fusiller les peintres qui plantent leur chevalet en plein air » -
Edgar Degas
Pour Degas, le paysage n'était vraiment pas son truc ! Notre homme ne supportait pas la peinture en plein air. Il s'essaya bien à faire quelques paysages. A l'observation de la nature, il opposait l'exercice de la mémoire et l'imagination uniquement en atelier.
— « On m'appelle le peintre des
Danseuses. On ne comprend pas que la danse a été pour moi un prétexte à peindre de jolies étoffes et à rendre des mouvements »
« Pionnier des impressionnistes de la nuit » qualifiait-on Degas. Ce qu'il aimait le plus : les rampes artificielles éclairées des théâtres, des cafés-concerts, des beuglants, du cirque, des boudoirs discrets des maisons closes. Il ne cessait de croquer des
danseuses en mouvement dans des scènes de ballets parisiens. Il les traquait, les capturait partout.
Les pastels de Degas, des feux d'artifice ! Ce procédé, par sa texture lumineuse, son velouté, son onctuosité, ses couleurs chatoyantes, comblait ses besoins d'émotion et de rapidité.
Le peintre raffolait également de la représentation des femmes du peuple et leurs petits métiers : blanchisseuses, repasseuses, modistes, femmes nues couchées dans leur intimité. « Il a eu de la chance, ce Rembrandt ! Il peignait des « Suzanne au bain » ; moi, je peins des femmes au tub ».
— « Nul animal ne tient de la première
danseuse, de l'étoile du corps de ballet, comme un pur sang en parfait équilibre, que la main de celui qui le monte semble tenir suspendu, et qui s'avance au petit pas en plein soleil » -
Paul Valery
Le thème du cheval va revenir constamment chez Degas. Les mouvements des chevaux apportaient une spontanéité dont le style pouvait s'approcher parfois de la touche impressionniste malgré le fait que les chevaux étaient peints en atelier.
— « Plus j'ai vieilli, plus je me suis rendu compte que pour arriver à une exactitude si parfaite qu'elle donne la sensation de vie, il faut recourir aux trois dimensions » -
Edgar Degas
Beaucoup ne comprirent pas sa sculpture de la « Petite
danseuse de quatorze ans ». Des sculptures modelées à la cire lui servaient d'études pour ses pastels de
danseuses et baigneuses. Les impressionnistes étaient attachés à la fugacité des choses ; lui, recherchait la forme, héritée des grandes traditions antiques, et détonnait parmi ses amis.
— Alors… Degas était-il un peintre impressionniste ?
Degas affirmait avec bon sens : « Cela ne signifie rien l'impressionnisme. Tout artiste consciencieux a toujours traduit ses impressions ».
Il concevait la peinture comme une construction intellectuelle et se sentait totalement étranger aux tentatives de ses confrères et amis impressionnistes de jeter des impressions sur la toile et recueillir la vibration de l'éphémère.
Il n'était donc pas un impressionniste !... Pourtant, il arrivait parfois à des résultats peu éloignés de ceux de Monet ? : recherche de couleurs claires, dissolution des formes dans la lumière des projecteurs, effets spontanés.
À la fin de leur vie, Degas et Monet, avec une vue déficiente tous les deux, se rapprocheront dans leurs derniers travaux proches de l'abstraction. Devant « Les Nymphéas » de Monet, Degas s'exclame : « Vos tableaux me donnent le vertige. » Ces deux grands peintres inspireront les nouvelles générations s'engageant dans l'art moderne du début du 20e siècle.
Edgar Degas reste le personnage le plus mystérieux de l'aventure impressionniste : « Heureusement que moi je n'ai jamais trouvé ma manière, ce que je m'embêterais », avait-il lancé un jour. « J'ai passé toute ma vie à essayer »
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