Le chef de gare Fallmerayer

Je ne connaissais pas cet auteur, mais le germanophile que je suis n'a pas pu résister très longtemps en voyant cet ouvrage sur la table de « L'invit' à lire », la librairie du 10è arrondissement de Paris.

C'est une histoire sommes toutes assez classique, une histoire d'amour qui semble impossible entre une comtesse de Kiev et un brave fonctionnaire des chemins de fer autrichiens.
Ils se rencontrent suite à un accident ferroviaire. Fallmayer recueille quelques jours la comtesse chez lui. Il en est immédiatement épris. Puis elle reprend sa route pour rejoindre son mari. Tout aurait dû s'arrêter là.
Mais il ne l'oublie pas et lorsque la guerre éclate, il se retrouve cantonné près de la propriété de l(s)a comtesse. Il se rend chez elle et leur histoire va commencer au milieu des combats et avec la révolution russe qui approche.
Son époux, le comte doit être mort puisqu'elle n'en n'a plus de nouvelles depuis très longtemps et Fallmayer de son côté n'en donne pas non plus à sa famille. Ils vont pouvoir fuir ensemble et vivre au grand jour leur amour…

L'histoire est bien écrite, j'ai aimé le style de Joseph Roth. Il est intéressant de voir se dessiner une Europe qui n'existe plus et qui se redessine avec cette Première Guerre mondiale.

Le texte est parfois un peu daté, notamment les passages dans les dernières pages sur le caractère des femmes… Mais c'est un texte court et agréable à lire dans l'ensemble.

Ce n'est pas un livre, tout juste un opuscule. Ce n'est pas un roman, tout juste une longue nouvelle. Ce n'est pas un héros, tout juste un homme ordinaire au croisement de plusieurs mondes et de plusieurs pays en guerre. le narrateur n'est ni présent, ni omniscient, et c'est tout juste si les personnages semblent savoir pourquoi ils agissent d'une manière et pas d'une autre. Et pourtant bien des gens qui se pensent "écrivain" prendraient là une cruelle leçon d'humilité car avec une constriction totale de moyens et d'effets ce livre ouvre à son lecteur plusieurs pistes où laisser errer son imagination, comme sur les steppes d'Europe centrale, jusqu'à la fin, abrupte et opaque, sur laquelle il peut s'interroger sans fin, ce qui est le propre des plus grands textes.