Á
Carlos Luis Zafón
Cher auteur,
Lorsque j'ai découvert le site de Babélio, je me suis promis de ne parler que des livres que j'aime… un peu, beaucoup, passionnément, à la folie. Uniquement des livres que j'aime ! de toute façon, lorsqu'un ouvrage me fait bâiller d'ennui dès les premières pages ou lorsque l'auteur s'essouffle, s'enlise… je lui tire ma révérence et je l'oublie.
Ce qui, bien sûr ne concerne pas votre oeuvre littéraire que j'ai pu aborder jusqu'à aujourd'hui. En lectrice comblée, j'ai suivi ligne après ligne, mot après mot jusqu'à l'éblouissement de la fin, les héros de «
L'ombre du vent » et de «
le jeu de l'ange ». J'ai retrouvé le même enchantement dans «
Marina » que je viens de terminer aujourd'hui.
«
Marina » qui marie avec subtilité les aventures fantastiques d'un Frankenstein de Barcelone et la touchante histoire d'amitié de deux adolescents qui découvrent que la vie peut être si brève et le bonheur si fragile… Mais je n'en dirai pas plus sur cette pudique course contre la mort, à l'instar de l'héroïne qui sait si bien transcender le jeu du « faire semblant » et la saveur douce-amère des adieux…
Je voudrai juste vous dire combien l'aventure criminelle qui se joue au sein des égouts de Barcelone, la ville-dragon que vous n'en finissez pas de décrire, est palpitante et propre à exalter l'imagination. Je m'y suis plongée avec le même bonheur, la même passion que lorsque, à l'époque de mes douze ans, je dévorais les mystères découverts dans les oeuvres d'auteurs un peu oubliés comme
Gaston Leroux ou
Maurice Leblanc
Et je réponds par là à votre « Lettre au lecteur » qui figure à la fin de «
Marina ». Vous professez vouloir écrire le genre de littérature que vous aimiez lire « dans les années d'adolescence », c'est-à-dire un livre qui puisse continuer à plaire à tous les âges de la vie. Comme vous avez raison !
Cela dit, je n'ai jamais boudé un livre labellisé « Jeunesse » et aujourd'hui encore, je me délecte d'ouvrages pour « jeunes lecteurs » depuis ceux de la Maternelle jusqu'aux ados des Lycées. Les enfants, les jeunes ont droit à ce qu'il y a de plus beau en littérature sans simplification ni mièvrerie.
Bien que la tendance actuelle soit malheureusement de produire une sous-littérature ancrée dans un monde terrifiant et violent un peu trop intégré dans un possible réel et qui ne peut que produire des effets pernicieux sur une jeunesse déjà bien déboussolée. Je n'effleure ce fait de société que pour préciser que justement, le fantastique de «
Marina » est de toute autre nature. L'univers sombre et tortueux du sulfureux Kolvenik, les monstrueuses créatures qui hantent cimetières, égouts et autres ruines sur fond d'incendies et de meurtres ne sont que fantasmagories et l'esprit du lecteur les accepte comme telles. Les courses poursuite, les prouesses réalisées par les jeunes héros ne sont que virtuelles et ne prennent réalité que dans l'imaginaire. Une fois le livre refermé, le monde reprend sa rassurante normalité. Et puis il y a la lumière des deux ados, Oscar et
Marina embarqués malgré eux dans une aventure éprouvante mais qui trouve une réponse « rationnelle » aussi livresque soit-elle.
Naturellement, l'adulte que je suis aujourd'hui, peut proposer d'autres clés à ce récit. Les péripéties cauchemardesques ne sont que manière d'oublier la mort qui rôde, d'occulter la peur qu'elle nous inspire et d'exalter notre désir de la combattre jusqu'au bout. Désespérément.
Et je conclus, cher auteur, en vous assurant que «
Marina » restera pour moi un moment fort de lecture, un de ces ouvrages dans lesquels on s'immerge complètement pour reprendre votre propre expression.