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Florica Ciodaru-Courriol (Traducteur)
EAN : 9791095604358
160 pages
Belleville éditions (11/06/2021)
3.5/5   4 notes
Résumé :
« L’assistante me pousse dehors, je reste sur le seuil avec, dans la main, un papier sur lequel il est écrit “suspicion d’avortement” et je ne sais que répéter, je ne méritais pas ça, vous ne savez rien de moi, tu parles, tous les regards se braquent sur moi. Ils savent tous. »

J’ai grandi dans une petite ville de montagne dans les années 1980, à l’abri de l’Histoire. J’ignorais tout de la cruauté du monde, et je n’ai appris que bien plus tard le des... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Ce que j'ai ressenti:

« Aujourd'hui qu'as-tu fait pour la paix »

J'imagine que si l'on écoutait plus le ventre des femmes, on entendrait des douleurs dans le réservoir d'anxiété…Des douleurs indicibles, violentes, atroces, petites ou grandes, démesurées ou sanguinolentes, mais des douleurs bel et bien, exclusivement féminines. J'imagine que si l'on écoutait plus les femmes, on entendrait des mots d'espoir, des phrases entières de générosité, des paragraphes puissants de bienveillance, des livres d'amour pour donner la force à chacune de se sentir unies, malgré la douleur, la distance, l'oppression, le tragique…J'imagine que si les femmes du monde devenaient Soeurs enfin, par-delà les douleurs et les frontières, les conditions et les manques, alors, peut-être que certaines ne mourraient plus dans l'indifférence et le chant des grillons…

« tu n'as pas à avoir peur, tu as un coeur résistant de jeune femme »

Corina Sabāu nous parle d'un sujet tabou: les avortements clandestins en Roumanie. Avec ce texte condensé, elle se fait la porte-voix de ces drames qui touchent ce pays, dans les années 70. On ressent le bouillonnement des revendications mais aussi, la tendresse résiliente. Et puis, la chaleur. le chaud des coeurs et des ventres. La vie qui se prépare, l'attente et l'abandon. Il y a le risque aussi. le risque de perdre ou de gagner. L'hésitation de ces femmes à enfin écouter leurs peurs, leurs ventres et leurs aspirations. L'intimité d'un couple et tous les bruits des mariages. le bonheur qu'on ne saisit pas. C'est à la fois triste, déconcertant et vivant. Ce sont les échos d'une société avec ces liens et leurs contradictions. C'est le son du ventre de ces femmes entre pudeurs et colères qui résonnent en nous.

Avant, j'aimais bien le chant des grillons au coucher du soleil, j'imagine que maintenant, je ne les entendrait plus vraiment pareil, s'il doit arracher à la terre, au moins deux âmes reliées …Ce livre est à découvrir, ne serait-ce que pour se rendre compte de ce problème de société, mais je vous le recommande aussi, parce qu'il y a dans ces pages, une émotion vive. C'est une prise de conscience féminine. C'est fort et ça perfore…

« tu savais que le foetus dans ton ventre est la propriété de l'État? »
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Après l'Afrique du Sud et la France, la ségrégation et la xénophobie, la troisième publication ce cette année 2022 de Belleville Éditions trouve racine dans la Roumanie de Nicolae Ceaușescu avec, au centre, les questions de la place de la femme et l'avortement, clandestin évidemment. le régime dictatorial promouvait les valeurs familiales à travers une politique nataliste très marquée pour créer cet « homme nouveau », être à la tête d'une grande famille n'était-il pas le signe d'une nation riche et florissante ? Les femmes étaient privées non seulement du moindre moyen de contraception mais aussi celui essentiel de pouvoir interrompre sa grossesse, car dans ce pays les grossesses ne s'interrompaient pas, quitte à mourir en couches. J'ai lu il y a quelques années de cela un roman tout aussi puissant que celui-ci Qui touche à mon corps, je le tue de Valentine Goby, décrivant celles qu'on appelait faiseuses d'anges, ces avorteuses aux aiguilles à tricoter, auquel je n'ai pas manqué de penser à la lecture de Et on entendait les grillons.

Ici nous sommes en plein Bucarest des années de fer avec une Ecaterina qui se découvre enceinte mais aussi en plein désenchantement face à un mariage raté et un mari profondément indifférent et égoïste. Ecaterina n'est qu'un pion dans cette république autocratique tenue d'une poigne impitoyable par un couple mégalomane, en tant que responsable de la section Ajustage de cette usine de textile la bien nommée Soie Populaire, en tant que camarade et encore plus en tant que femme. SI le scandale des avortements clandestins en Roumanie est abordé à travers l'expérience personnelle d'Ecaterina, j'ai avant tout perçu une volonté d'écrire sur la place de la femme au sein d'un régime éminemment phallocentrique. Dans un mélange assez confus de temporalités entre passé et présent au doux parfum de cette nostalgie d'une liberté perdue, d'une jeunesse encore pleine de promesses d'avenir, Ecaterina évoque ses années de toute jeune femme en ville, sa rencontre avec ce mari tellement qui s'est tellement éloigné d'elle.

La traductrice de Corina Sabău, Florica Courriol, nous a concocté une préface qui résume parfaitement l'esprit de ce roman dont l'écriture peut prendre au dépourvu et digne des plus grands représentants du flux de conscience. La conscience d'Ecatérina est sans cesse en mouvement, sur le qui-vive, cela peut vite devenir source de perplexité dès lors qu'on n'a pas l'esprit bien arrimé à son ouvrage. Cela permet de constater à quel point l'esprit d'Ecatérina est exalté, sans cesse traversé par plusieurs sentiments contradictoires, on la sent prise entre plusieurs étaux, celui de la raison, de son instinct de mère, de celui d'épouse et de citoyenne à qui on impose un tas de décisions absurdes et antinomiques. Cette reproduction minutieuse de l'intériorité d'Ecatérina est essentielle, comment donc procéder autrement dans un pays ou le genre féminin est muselé, pieds et poings liés, par un autoritarisme qui ne consent aucune sorte de relâchement.

Corina Sabău a reconstruit le paradoxe de l'identité d'un pays qui ne pensait et respirait que par sa politique nataliste et la fierté de son identité, derrière laquelle les femmes devaient assumer l'insouciance et l'irresponsabilité masculine, représentée dans toute sa splendeur par le détachement de ce mari indolent.

C'est une partie, une fin de roman empreinte d'une force dramatique et d'une tension palpable, métaphore de ces vies qu'on a vidées de leurs forces vitales à force de vouloir en faire de bonnes petites machines à procréer, des bonnes petites ouvrières, de bonnes petites épouses, de bonnes petites camarades. Celle d'un pays, peut-être, que deux sombres autocrates ont mené à son affaiblissement, dont économiquement le pays a encore bien du mal à se relever.

Ce roman a été lauréat du Festival du premier roman de Chambéry en 2011, même si d'après Florica Courriol il s'agit de son troisième roman en réalité, et est doté comme habituellement chez Belleville Éditions d'une originale illustration faite par une artiste du cru, Alina Campean. Il offre un point de vue inédit de cette dictature rouge, l'auteure elle-même avoue qu'elle n'a eu connaissance de ces drames que très tard dans sa vie. Il vaut à mon avis, le coup, de surmonter cette difficulté de lecture incarné par le style volontairement sibyllin de Corina Sabău : là où un pays a réussi à sortir de ses fantasmes et idéaux natalistes, bien d'autres, proches de la Roumanie ou plus éloignés, ne sont pas loin de s'y laisser tenter. C'est un sujet qui me tient à coeur, comme le féminisme globalement, et il me semble qu'il est essentiel de jamais cesser d'en parler à travers la littérature ou le cinéma.




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Je découvre avec plaisir la littérature roumaine avec le troisième roman de Corina Sabau, traduit en français par les éditions Belleville. C'est en lisant la quatrième couverture que j'ai eu envie de le découvrir.

Un ouvrage abordant un thème fort, le tabou des avortements clandestins dans la Roumanie des années 1980 à 1990. le lecteur suit la vie d'une femme, Ecatérina, mariée et mère d'une fillette. La vie semble lui sourire, elle a une belle situation familiale et professionnelle : son mari est instruit et elle occupe un poste à responsabilité. de plus, c'est une excellente patriote, remarquée et appréciée de tous.

Mais sous cette façade convenue et sous la dictature Ceausescu, Ecatérina souffre du manque d'amour de son mari, de sa froideur et de ses remarques blessantes. Elle s'accroche à son foyer, n'ayant connu que la misère et la violence de son père pendant son enfance.

Grâce à un bon mariage, la jeune femme rêvait d'une vie meilleure. Lorsque enceinte de son deuxième enfant, non désiré par son mari, elle devra avorter, seule et secrètement.

Et c'est là, que sa vie bascule ! L'horreur des avortements clandestins où les femmes meurent d'atroces souffrances et sont jugées sévèrement par la société pour ces actes interdits.

Forcément c'est une lecture très touchante et dont il rappelle combien il est important de se battre pour le droit à l'avortement. L'écriture est atypique et singulière, ce qui m'a empêché parfois de rentrer complètement dans l'histoire. Cependant, si vous souhaitez comme moi, sortir de votre zone de confort, de découvrir la littérature étrangère et si le sujet vous intéresse, je vous le recommande.
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Court roman écrit comme une plongée dans la tête de l'héroïne où l'on aurait accès à toutes ses pensées, ses conversations, ses peurs, ses doutes, ses fatigues... Ça va vite, ça peut partir un peu dans tous les sens au risque de se perdre, il faut beaucoup comprendre entre les lignes. Pas de répit donc pour lire la vie de cette femme qui n'en avait pas beaucoup non plus. Elle tente bien de trouver du réconfort et de l'amitié avec ses collègues, mais les ordres et les hommes ne sont jamais loin. La vie qui pousse en elle alors que son mari ne veut pas d'autre enfant, un cela suffit bien, la pousse à envisager le pire. Et dans ce pays et dans ces années-là, c'est une voie qui peut mener à la mort.

La langue de Corina Sabău peut dérouter, surprendre. Ce court texte demande un peu d'attention et de prendre son temps. Il y a pas mal d'allusions à l'époque et au pays et les notes en fin d'ouvrage sont bien utiles ainsi que l'avant-propos de Florica Courriol, la traductrice. Et comme toujours chez Belleville, la couverture est signée d'un(e) artiste du pays, ici, la roumaine Alina Campean.

"Impossible de me rappeler si c'est elle qui a dit ça -nous avons pourtant si souvent partagé la même table de travail- ou si ces pensées ont jailli de moi, comme à chaque fois que je me souvenais d'elle. J'avais pourtant trouvé une dizaine de bonbons chinois au fond de ma sacoche, j'étais contente, ravie, j'avais le sentiment de ne pas avoir perdu ma journée. Sonia serait si heureuse, je la voyais déjà courir, fière, vers son père : regarde ce que maman m'a apporté, la prochaine fois ce sera du Nutella, oui je te jure, et si c'est pas vrai, tu me laisseras faire des tours d'escalator à Victoria ? promis, juré !, de quoi raviver notre complicité avec ces sucreries orientales..." (p. 11)
Lien : http://www.lyvres.fr/
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Ma générosité doit l’emporter sur mon besoin de la garder près de moi, c’est pourquoi j’ai choisi d’aller la soutenir par monts et par vaux.
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L’assistante ouvre une porte sans rien me dire et me pousse devant eux, eux qui sont de l’autre côté du bureau, ils me laissent entendre qu’ils ont été généreux, qu’ils auraient pu commencer par m’interroger, d’autant que le docteur n’a pas réussi à cacher les preuves et qu’on a toujours le seau avec tout ce qui s’est écoulé de moi dedans. Ils ont du mal à croire qu’une camarade comme moi, avec une bonne situation, une famille et un enfant, ait pu en arriver là, ils croisent les mains, ils remettent leurs cravates en place, ils se pincent les lèvres ;
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