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EAN : SIE342491_491
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Résumé :
Texte établi par Gilbert Lely, Jean-Jacques Pauvert, 1966.
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2/
Je n’ai dit dans ce qui précède que ce que j’ai vu ou observé relativement au marquis de Sade. Ce qui suit n’est que le résumé de ce que j’ai pu recueillir dans ce qui se disait à la maison de Charenton, où de Sade, personnage célèbre, était certainement aussi personnage fort important et très influent dans l’établissement.

De Sade, prisonnier à la Bastille, avait pu avoir, je ne sais comment, peu de temps avant le 14 juillet 1789, connaissance de ce qui se préparait. Il s’était fait un des harangueurs du peuple, par la meurtrière ou la fenêtre de son cachot donnant sur les fossés ; il se servait pour cela d’un tuyau de poêle dont il faisait usage comme d’un porte-voix.

Mis en liberté, il fut quelques années après regardé comme suspect, en sa qualité de noble, par les rigides républicains de la section des Piques. Il est à croire que, connu déjà à cette époque par ses œuvres, le bénéfice des circonstances atténuantes lui fut attribué, car, plus heureux que la plupart de ceux qu’on arrêtait à cette abominable époque, il ne fut point envoyé à l’expéditif tribunal révolutionnaire.

Remis en liberté, il remplit encore des fonctions administratives dans sa section, et peut-être même à la commune de Paris, car on m’a dit que ce fut à la suite d’un rapport auquel il avait pris une grande part que les pauvres malades des hôpitaux eurent chacun un lit et ne furent plus couchés deux ou trois ensemble, comme cela avait lieu depuis longtemps[3].

Voici encore ce qui se disait :

Après le Directoire, à l’établissement du Consulat, le premier consul, voyant je ne sais sur quelle pièce (je ne dis que ce qui m’a été dit) le nom de Sade, témoigna la plus vive indignation de ce que cet homme n’eût point été séquestré. Il ordonna la réclusion de de Sade dans les prisons de Bicêtre, fermées en 1790, je crois, à l’époque de la suppression des ordres religieux. Ce ne fut, m’a-t-on dit ; qu’après beaucoup de démarches et de sollicitations qu’on obtint pour lui, et comme une très grande faveur, qu’il fût transféré à la maison de Charenton, qu’il ne quitta plus.

À cette époque, les aliénés n’étaient l’objet d’aucun soin. Seule, la plus profonde ignorance sur leur maladie pouvait, sinon justifier, au moins expliquer l’indifférence, pour ne pas dire plus, à laquelle, au mépris de tout respect pour l’humanité, ces malheureux étaient livrés.

Bicêtre et la Salpêtrière furent alors ouverts comme asiles d’aliénés, le premier aux hommes, la seconde aux femmes ; c’était, je crois, en 1794 ou 1795. Les soins de ces pauvres malades furent confiés au vénérable et illustre Pinel, qui devint alors pour les fous un véritable Vincent de Paul et fit, de l’aliénation mentale, une médecine, je dirais presque à part de la médecine en général.

Mais ces deux maisons furent bientôt insuffisantes ; restaient encore les fous des Petites-Maisons et ceux de l’Hôtel-Dieu. On avait, il est vrai, établi pour ceux-ci une salle commune, mais où rien de convenable n’avait été organisé, salle dont je puis parler, puisque je l’ai vue dans ma jeunesse. M. de Coulmiers, ancien supérieur des Prémontrés et ex-membre de l’Assemblée Constituante, homme influent par son esprit et par ses hautes relations, ayant obtenu que la maison de Charenton, dirigée autrefois par les religieux de la Charité de Paris, fût mise à sa disposition pour être érigée en établissement d’aliénés, eut bientôt à recevoir ceux qui restaient encore à l’Hôtel-Dieu et dans l’hospice dit des Petites-Maisons.

Instituée d’abord comme succursale de Bicêtre et de la Salpêtrière, la maison de Charenton ne tarda pas à prendre une destination nouvelle. Des pensionnaires bourgeois y furent admis ; les militaires et les marins en activité de service, ainsi que les invalides frappés d’aliénation y furent envoyés. Un service administratif et un service médical comportant un nombreux personnel furent organisés. M. de Coulmiers régna despotiquement sur le tout, mais ce despotisme n’avait rien d’austère ni de dur, et, on peut le dire, M. de Coulmiers était chéri de tous ses administrés, employés et pensionnaires. C’était, en un mot, un gouvernement paternel, mais un peu relâché. Des réunions, des bals, des concerts, des représentations théâtrales furent organisés. C’est dans cet état de choses que de Sade devint un personnage important dans la maison de Charenton ; réunions, fêtes, bals, spectacles, tout était organisé par lui. Il choisissait les pièces, parmi lesquelles quelques-unes étaient de sa composition, assignait les rôles, présidait et dirigeait les répétitions.

Tout se passa ainsi pendant plusieurs années, durant lesquelles, il faut bien le dire, certains esprits moroses trouvant que, pour sa destination, la maison de Charenton était conduite avec un peu de légèreté, adressaient de temps en temps des rapports au ministre de l’Intérieur ; mais ces mémoires ou rapports n’arrivaient jamais à leur destination.

En 1812 ou 1813, il arriva qu’un officier de cavalerie, dont je ne saurais désigner le régiment, ayant été envoyé à l’école d’Alfort pour étudier l’hippiatrique, s’était lié avec un homme remplissant des fonctions honorables dans la maison de Charenton depuis son organisation. Un projet de bouleversement de cette maison fut ourdi par les deux hommes. Le premier, qui avait toute liberté d’accès et de parcours dans l’établissement, y observait avec sagacité, mais aussi peut-être avec un peu de malveillance, les différentes branches de l’administration : finances, économat, et tout ce qui s’y rattache, moralité, etc. Aidé de documents qui lui étaient donnés par le second, il fit bientôt un mémoire fort long et fort détaillé, lequel, n’ayant pu être soustrait en route, fut mis sous les yeux du ministre de l’Intérieur qui était, je crois, M. de Montalivet.

Je ne mentionne ici ce rapport que pour ce qui regarde la constitution morale de la maison de Charenton. Les mœurs y étaient fort légères et, à ce qu’il paraît, tant soit peu décolletées ; ce n’était, comme nous l’avons dit, que festins, bals, concerts, représentations scéniques, auxquels étaient invités un grand nombre d’étrangers, quelques hommes de lettres et beaucoup de célébrités théâtrales prises surtout parmi les acteurs et actrices des théâtres du boulevard. Le héros du bal était surtout le fameux Trénitz, illustration chorégraphique de l’époque, qu’on affublait de beaux habits qu’il n’était pas toujours facile de lui faire quitter sans résistance et même sans lutte.

De Sade était l’organisateur de ces fêtes et spectacles. Aussi n’est-il pas surprenant qu’au nombre des griefs imputés à l’administration de la maison de Charenton figurât la liaison du directeur et de de Sade. Ce qui se passait à la maison de Charenton était loin d’être d’accord avec l’appareil de discrétion qui doit entourer un établissement de cette sorte, et, à la Restauration qui suivit de près le mémoire ci-dessus mentionné, M. de Coulmiers fut révoqué de ses fonctions.

Pour de Sade, il redevint pensionnaire aussi obscur dans la maison qu’il l’était à la fin de 1814, quand j’eus l’occasion de le voir.

De Sade avait adopté quant aux livres que, disait-il, on lui imputait, un système de dénégation absolu. Cependant, affirmait-on, il résulta de plusieurs investigations faites par la police la découverte d’écrits ejusdem farinae que ceux dont il prétendait avoir été calomnieusement accusé d’être l’auteur.

Ce système de dénégation suivi avec tous les personnages importants qui, venant visiter la maison de Charenton étaient mis en rapport avec lui, n’eut jamais de succès. Un vénérable prince de l’Église[4], M. le cardinal de Beausset, étant venu à la maison de Charenton, fut mis en rapport avec de Sade qui le harangua, dit-on (ce que je ne crois pas) : mais ce qu’il y a de certain, c’est qu’après une longue conversation qui eut lieu, sans témoin, dans le vaste jardin de l’établissement, le cardinal, fortement ébranlé sur la culpabilité de de Sade, fut mis à même de consulter plus tard le dossier de celui-ci à la préfecture de Police et de reconnaître qu’il avait été trompé[5].

Je dois déclarer en terminant que je n’ai jamais entendu rien dire sur M. de Sade, qui jouissait d’une grande liberté de communication avec le dehors, qui pût, en aucune manière, justifier la réputation que lui avait attirée ses écrits et les faits dont on l’accusait.

J’autorise la publication de ces Notes.
L.-J. Ramon.
Décembre 1867.
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1/APPENDICE.
NOTES
SUR
MONSIEUR DE SADE
par L.-J. Ramon,

interne de la maison de Charenton
à l’époque de la mort du marquis.

Entré à la maison royale de Charenton le 11 novembre 1814, je n’ai eu aucun rapport ni aucun entretien avec le marquis de Sade, qui a succombé le 2 décembre suivant à une maladie que je n’ai pu étudier que pendant quelques heures et qui ne m’a laissé d’autre impression que celle d’un engouement pulmonaire accompagné peut-être d’épanchement séreux dans la poitrine, avec respiration difficile et sifflante, comme il arrive dans les accès d’asthme.

Je ne connaissais M. de Sade que parce que l’on me l’avait signalé. Je le rencontrais fréquemment se promenant seul, d’un pas lourd et traînant, mis d’une manière fort négligée, dam le corridor avoisinant l’appartement qu’il habitait ; je ne l’ai jamais surpris causant avec personne. Passant à côté de lui, je le saluais, et il répondait à mon salut avec cette politesse froide qui éloigne toute idée d’entrer en conversation.

M. de Sade était pour moi un des personnages curieux de l’époque de la dernière moitié du dix-huitième siècle ; curieux par ce que j’en avais entendu dire, car je n’avais pas encore lu ses livres, quoique je les connusse, fort imparfaitement il est vrai, par tradition. Mais certes, je dois le dire, rien ne pouvait me faire soupçonner en lui l’auteur de Justine et de Juliette ; il ne produisait en moi d’autre effet que celui d’un vieux gentilhomme altier et morose.

Le Ier décembre 1814, l’état de M. de Sade s’aggravant, on le transporta dans un autre appartement composé de deux pièces, où il fut confié à la garde d’un domestique.

Dans l’après-midi, un de ses fils vint le voir. C’était un homme d’un âge au moins mûr, ayant servi, pendant l’émigration, en Russie, soit dans l’armée de terre, soit (ce que je crois) dans la marine[1]. Ce monsieur me pria de veiller son père (ce à quoi mes fonctions de premier élève ne m’obligeaient en aucune manière). Je pris donc ce service à la fin du jour. Mes fonctions se bornèrent à lui faire prendre quelques gorgées de tisane et d’une potion qui avait été prescrite. La respiration, qui était bruyante et laborieuse, s’embarrassa de plus en plus. Vers le milieu de la nuit, et peu de temps après avoir fait boire M. de Sade, n’entendant plus aucun bruit, et surpris de ce calme, j’approchai de son lit et je pus constater qu’il était mort.

Avant de prendre mon service, j’avais rencontré, sortant de chez M. de Sade qu’il visitait d’ailleurs depuis plusieurs jours, l’abbé Geoffroy, aumônier de la maison de Charenton, ecclésiastique éclairé qui avait été secrétaire de l’archevêque de Paris à la révolution de 1789. Cet excellent homme me parut, sinon édifié, mais au moins satisfait de sa visite, et il me dit que le moribond lui avait donné rendez-vous pour le lendemain matin.

C’était chose connue à la maison de Charenton que tous ceux qui y mouraient étaient soumis à l’autopsie, et comme premier élève interne j’étais chargé de cette opération. J’avoue que l’examen du crâne et du cerveau de de Sade me paraissait d’un grand intérêt. Mais voici ce qui se passa : M. de Sade fils, qui m’avait prié de garder son père, vint avec instance demander à M. le directeur une exception à la règle, c’est-à-dire que le corps de son père fut inhumé sans examen ni dissection.

Le cadavre de de Sade, qui est peut-être le seul que je n’aie point ouvert de fin 1814 à 1817 inclus, fut enterré dans le cimetière de la maison de Charenton, à l’extrémité orientale droite, presque au bord du Saut-de-Loup séparant le cimetière du bois de Vincennes ; la fosse fut recouverte d’une pierre sur laquelle aucun nom ne fut gravé et qui n’eut d’autre ornement qu’une simple croix.

Quelques années après — je ne pourrais assigner l’époque — un bouleversement ayant dû être opéré dans le cimetière, et la fosse de de Sade se trouvant comprise parmi celles qui entraînaient exhumation, je ne manquai pas d’assister à l’opération, et je me fis remettre le crâne de de Sade, sans qu’il puisse s’élever aucun doute sur l’authenticité de cette relique. J’étais d’ailleurs accompagné de personnes qui connaissaient aussi bien de Sade et le lieu de sa sépulture que moi.

Je me disposais à préparer ce crâne, quand je reçus la visite d’un ami, Spurzheim, célèbre phrénologiste, disciple de Gall. Je dus céder à ses instances et lui laisser emporter le crâne, qu’il me promit de me rendre avec plusieurs exemplaires du moule qu’il en ferait tirer. Mon ami Spurzheim a été faire des cours en Angleterre et en Allemagne ; il est mort au bout de peu de temps, et jamais je n’ai revu le crâne[2].

Le crâne de de Sade n’a cependant pas été en ma possession pendant plusieurs jours sans que je l’aie étudié au point de vue de la phrénologie dont je m’occupais beaucoup à cette époque, ainsi que du magnétisme. Que résulta-t-il pour moi de cet examen ?

Beau développement de la voûte du crâne (théosophie, bienveillance) ; point de saillies exagérées dans les régions temporales (point de férocité) ; point de saillies exagérées derrière et au-dessus des oreilles (point de combativité — organes si développés dans le crâne de du Guesclin) ; cervelet de dimension modérées, point de distance exagérée d’une apophyse mastoïde à l’autre (point d’excès dans l’amour physique).

En un mot, si rien ne me faisait deviner dans de Sade se promenant gravement, et je dirai presque, patriarcalement, l’auteur de Justine et de Juliette, l’inspection de sa tête me l’eût fait absoudre de l’inculpation de pareilles œuvres ; son crâne était en tous points semblable à celui d’un père de l’Église.
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[7.]

Fantômes.

Être chimérique et vain dont le nom seul a fait couler plus de sang sur la surface du globe que n’en fera jamais répandre aucune guerre de politique, puisses-tu rentrer dans le néant dont la folle espérance des hommes et leur ridicule frayeur osèrent malheureusement te sortir ! Tu ne parus que pour le supplice du genre humain. Que de crimes épargnés sur la terre, si l’on eût égorgé le premier imbécile qui s’avisa de parler de toi ! Montre-toi donc si tu existes ; ne souffre pas surtout qu’une faible créature ose t’insulter, te braver, te bafouer comme je le fais, qu’elle ose renier tes merveilles et rire de ton existence, vil fabricateur de prétendus miracles ! N’en fais qu’un, pour nous prouver que tu existes ; montre-toi, non dans un buisson de feu, comme on dit que tu apparus au bon Moïse, non sur une montagne, comme tu te montras au vil lépreux qui se disait ton fils, mais auprès de l’astre dont tu te sers pour éclairer les hommes : que ta main à leurs yeux paraisse le guider ; cet acte universel, décisif, ne doit pas te coûter davantage que tous les prestiges occultes que tu opères, dit-on, tous les jours. Ta gloire est intéressée à celui-ci ; ose le faire, ou cesse de t’étonner que tous les bons esprits rejettent ton pouvoir et se soustraient à tes prétendues impulsions, aux fables, en un mot, que publient de toi ceux qui s’engraissent comme des pourceaux à nous prêcher ta fastidieuse existence et qui, semblables à ces prêtres du paganisme nourris des victimes immolées aux autels, n’exaltent leur idole que pour multiplier les holocaustes, — Vous voilà, prêtres du faux dieu que chanta Fénelon ; vous étiez, en ces temps-là, contents d’exciter dans l’ombre les citoyens à la révolte : malgré l’horreur que l’Église a dit avoir pour le sang, à la tête des frénétiques qui versaient celui de vos compatriotes, vous montiez sur des arbres pour diriger vos coups avec moins de danger. Telle était alors la seule façon dont vous prêchiez la doctrine du Christ, dieu de paix ; mais depuis qu’on vous couvre d’or pour le servir, bien aises de n’avoir plus à risquer vos jours pour sa cause, c’est maintenant par des bassesses et des sophismes que vous défendez sa chimère. Ah ! puisse-t-elle s’évanouir avec vous pour jamais, et que jamais les mots de Dieu et de religion ne soient plus prononcés ! Et les hommes paisibles, n’ayant plus à s’occuper que de leur bonheur, sentiront que la morale qui l’établit n’a pas besoin de fables pour l’étayer, et que c’est enfin déshonorer et flétrir toutes les vertus que de les échafauder sur les autels d’un Dieu ridicule et vain, que l’examen le plus léger de la raison pulvérise dès qu’elle l’examine, — Évanouis-toi donc, dégoûtante chimère ! Rentre dans les ténèbres où tu pris naissance ; ne viens plus souiller la mémoire des hommes ; que ton nom exécré ne se prononce plus qu’à côté du blasphème, et qu’il soit livré au dernier supplice, le perfide imposteur qui voudrait à l’avenir te réédifier sur la terre ! Ne fais plus surtout tressaillir d’aise ni crier de joie les évêques charnus à cent mille livres de rentes : ce miracle ne vaudrait pas celui que je te propose, et si tu dois nous en montrer un, qu’il soit au moins digne de ta gloire. Et pourquoi donc te cacher à ceux qui te désirent ? Crains-tu de les effrayer, ou redouterais-tu donc leur vengeance ? Ah ! monstre, comme elle t’est due ! Était-ce en effet la peine de les créer pour les plonger, comme tu le fais, dans un abîme de malheurs ? Sont-ce donc par des atrocités que tu dois signaler ta puissance, et ta main qui les écrase ? Ne doit-elle pas être maudite par eux, exécrable fantôme ? Tu as bien raison de te cacher ! les imprécations pleuvraient sur toi, si jamais ta face hideuse apparaissait aux hommes ; les malheureux, révoltés de l’ouvrage, pulvériseraient bientôt l’ouvrier ! — Faibles et absurdes mortels qu’aveuglent l’erreur et le fanatisme, revenez des dangereuses illusions où vous plonge la superstition tonsurée, réfléchissez au puissant intérêt qu’elle a de vous offrir un Dieu, au crédit puissant que de tels mensonges lui donnent sur vos biens et sur vos esprits, et vous verrez que de tels fripons ne devaient annoncer qu’une chimère, et, réversiblement, qu’un fantôme aussi dégradant ne pouvait être précédé que par des brigands. Si votre cœur a besoin d’un culte, qu’il l’offre aux palpables objets de ses passions : quelque chose de réel vous satisfera du moins dans cet hommage naturel. Mais qu’éprouvez-vous après deux ou trois heures de mysticité déifique ? Un froid néant, un vide abominable qui, n’ayant rien fourni pour vos sens, les laisse nécessairement dans le même état que si vous eussiez adoré des rêves et des ombres !… Et comment en effet nos sens matériels peuvent-ils s’attacher à autre chose qu’à la même essence dont ils sont formés ? Et vos adorateurs de Dieu, avec leur frivole spiritualité que rien ne réalise, ne ressemblent-ils pas tous à Don Quichotte prenant des moulins pour des géants ? — Exécrable avorton, je devrais ici t’abandonner à toi-même, te livrer au mépris que tu inspires seul, et cesser de te combattre de nouveau dans les rêveries de Fénelon. Mais j’ai promis de remplir la tâche ; je tiendrai parole, heureux si mes efforts parviennent à te déraciner du cœur de tes imbéciles sectateurs et peuvent, mettant un peu de raison à la place de tes mensonges, achever d’ébranler tes autels, pour les replonger à jamais dans les abîmes du néant.
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[6.]

L’estime due aux écrivains.

Malheur à l’écrivain qu’il est impossible d’estimer après l’avoir lu… On doit avant tout chercher l’honnête homme dans l’écrivain… — Voilà ce que nous adresse le rédacteur du Journal des Débats du 25 messidor an XI.

Peut-on soutenir un tel paradoxe ? L’homme qui ose nous dire une telle chose ignore donc que l’estime n’est qu’un sentiment purement relatif à nos opinions et que nous n’accordons jamais qu’à celui qui les partage ? Et l’homme de lettres doit-il, par état, flatter les opinions de tel ou tel ? Par les organes de son génie et de son cœur, il doit écrire ce que l’un et l’autre lui dictent, abstraction faite des opinions individuelles. De ce moment il lui devient impossible de plaire à tout le monde. Il faudrait plutôt dire : Malheur à l’écrivain bas et plat qui, ne cherchant qu’à flatter les opinions à la mode, renonce à l’énergie qu’il a reçue de la nature pour ne nous offrir que l’encens qu’il brûle complaisamment aux pieds du parti qui domine. Le malheureux, captivant, soumettant ainsi ses propres opinions à celles du jour, n’aurait jamais le courage de sortir son siècle du bourbier où l’entraînent si souvent les modes absurdes de l’opinion. Et voilà celui qu’eurent les écrivains célèbres du xviiie siècle, si nettement désignés par les imbéciles rédacteurs de ce journal vendu au plus infect capucinisme. Laissons les sots en paix clabauder contre des talents qu’ils ne peuvent avoir. On sait que de tout temps cette classe de dégoûtants écoliers eut l’égoïste manie de rabaisser à elle ceux auxquels il lui devenait impossible de s’élever. « Le vice des petits esprits », dit l’aimable auteur des Enfants de l’Abbaye, « est de haïr la supériorité à laquelle ils ne peuvent atteindre ». Il faut qu’il y ait de ces originaux dans le monde ; c’est à eux que Gresset adressait ces vers :

Les sots sont ici-bas pour nos menus plaisirs.

Il faut, disent ces ostrogoths, chercher l’honnête homme dans l’écrivain. C’est l’homme de génie que je veux dans l’écrivain, quels que puissent être ses mœurs et son caractère, parce que ce n’est pas avec lui que je veux vivre, mais avec ses ouvrages, et je n’ai besoin que de vérité dans ce qu’il me fournit ; le reste est pour la société et il y a longtemps que l’on sait que l’homme de société est rarement un bon écrivain. Diderot, Rousseau, d’Alembert paraissaient presque imbéciles en société, et leurs écrits seront toujours sublimes, en dépit des turpitudes de Messieurs des Débats… Il est si à la mode d’ailleurs de prétendre juger les mœurs d’un écrivain d’après ses écrits, cette fausse conception trouve aujourd’hui tant de partisans, que l’on n’ose presque plus, de nos jours, essayer une idée hardie : si malheureusement surtout on énonce ses pensées sur la religion, voilà la tourbe monacale qui vous écrase et qui ne manque pas de vous faire passer pour un homme dangereux. Les coquins vous brûleraient comme l’Inquisition, s’ils en avaient le pouvoir ! Doit-on s’étonner d’après cela que, pour vous faire taire, ils décrient sur-le-champ les mœurs de ceux qui n’ont pas la bassesse de penser comme eux ? Au reste, cette injustice n’est pas nouvelle : nous savons qu’il se trouvait jadis des gens assez imbéciles, ou du moins aussi imbéciles que les Geoffroy et les Joudot des Débats, pour prétendre que l’auteur de la tragédie d’Atrée était un méchant homme, parce qu’il avait rempli une coupe du sang du fils de Thyeste.
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[10.]
Il faut que l’événement de Rose chez le Juif soit l’ouvrage de Sophie.


[11.]
Ôtez le nom de Zoé.


[12.]
Donnez quelque inquiétude à Rose, quand Modose veut la mener chez le Juif, parce que c’est là où il la perdra.


[13.]
La femme qu’il tue, au château où il va avec son père, n’est pas sa mère.


[14.]
Peignez Sophie le trahissant[9].


[15.]
Quand vous trouverez l’article où Sophie sauve la vie de son père[10], intercalez-le de suite à la récapitulation de Sophie à la dix-huitième page du septième cahier.


[16.]
Que le Juif ne dise pas à Modose que Radzivil a tué des individus de sa famille : il vaut mieux que Radzivil l’apprenne lui-même à Modose, comme il le fait après.


[17.]
Sophie dit qu’elle n’a éprouvé aucun mauvais traitement chez Radzivil.


[18.]
Établissez bien que c’est Sophie qui a perdu Rose chez le Juif.


[19.]
Vérifiez, en lisant, si vous avez disposé d’Adrienne.


[20.]
Si Sophie est traîtresse, comment a-t-elle pu écrire les lettres qu’on voit à la fin du second volume rouge[11] ?


[21.]
Rappelez-vous bien que Mme de Mirval a été renvoyée à Paris avec Oella de Belgorod, et qu’elle a fait deux enfants, mais que vous n’avez pas encore certitude du second, puisqu’elle part grosse avec Oella[12].


[22.]
N’oubliez pas d’expliquer à la fin ce que c’est que le vieillard et cette jeune fille qu’ils suivent partout.


[23.]
Ce vieillard intéressant ne doit point s’appeler Delfrancs, puisqu’il est père de la mère de Modose, et non de son père.


[24.]
N’oubliez pas qu’Émilie trouve Modose à Marseille, et qu’elle doit de même finir ses aventures par cette ville[13].

Notes sur l’histoire d’Émilie.

[25.]
Je commence le net le 5 mars 1806. J’ai mis un an juste à faire seize cahiers[14].


[26.]
Je serais d’avis de l’appeler Émilie de Valrose[15]. Il faudra conserver cela dans la [relecture]. Elle est Émilie de Valrose, femme Volnange.


[27.]
L’aumônier se nomme Du Trochet[16].


[28.]
Euphrasie : joli nom à prendre[17].

Notes essentielles.

[29.]
Retranchez beaucoup de fêtes de Sénarpont : ces événements-là valent mieux en aventures[18].


[30.]
Le premier jeune homme s’appelle Zirphile, le second Roselli[19].


[31.]
Un couvent délicieux est indiqué, cahier IV[20].


[32.]
Le fils de Sénarpont s’appelle Octave[21].


[33.]
Le titre de Modose doit être : Le Triomphe du Crime, ou l’Histoire véritable de l’abbé de Modose.


[34.]
Il y a chez Sénarpont deux salles, dont l’une contient douze garçons, l’autre douze filles ; les premiers ne sont pas pris dans la classe indigente, mais les filles le sont. Dans l’une est un échafaud, dans l’autre une cage.


[35.]
Femmes du comte[22]. — Catherine, épouse, dix-huit ans ; Louise, sa fille aînée, dix-sept ans ; Jeanne, quinze ans ; et Marie, treize ans[23].


[36.]
Alaïre : joli nom à placer[24].


[37.]
Reparlez d’Octave, laissé dans une des loges de la salle où est la cage de fer. Dans l’autre salle est l’échafaud.
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Grâce à un mécénat exceptionnel d'Emmanuel Boussard, la bibliothèque de l'Arsenal qui conserve les archives de la Bastille, a pu voir entrer dans ses collections le manuscrit autographe des 120 Journées de Sodome, exposé au musée de la BnF à partir de cet automne. Une journée d'étude interroge les différentes facettes de la figure du marquis Sade et revient sur l'histoire rocambolesque de cette oeuvre mythique, rédigée pendant sa captivité.
Plus d'informations : https://www.bnf.fr/fr/agenda/de-quoi-sade-est-il-le-nom-vers-leclipse-du-soleil-noir-le-rouleau-des-120-journees-dans-les
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