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Michel Delon (Éditeur scientifique)Anatole France (Auteur de la postface, du colophon, etc.)
EAN : 9782070393183
217 pages
Gallimard (23/02/1995)
3.57/5   116 notes
Résumé :
Une femme du monde, insensible aux discours des beaux parleurs, s'amuse de trois hommes (son mari et deux amants)... Un séducteur aux impatiences d'enfant gâté emmène une jeune femme, victime consentante, dans sa propriété en bords de Seine.... Voici deux fictions libertines : brillantes transcriptions des préoccupations des philosophes du XVIIIᵉ siècle (matérialisme, empirisme, théorie de la sensation ou du climat) dans le velours d'un boudoir, le plaisir d'u... >Voir plus
Que lire après Point de lendemain - La Petite MaisonVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (23) Voir plus Ajouter une critique
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Milan Kundera énonce, dans L'Art du roman : « Vivant Denon, l'un des plus grands stylistes français. » Moi, je tique un brin : « Quoi ? Vivant Denon ? le plus grand styliste ? Jamais entendu parler ? Comment ça se fait ? »

Pourtant ça se fait… Première raison, Dominique Vivant Denon n'a pas écrit beaucoup, et moins encore dans le registre de la fiction (il est surtout connu pour ses dessins et en tant qu'administrateur du Louvre). Pour ainsi dire, dans ce domaine, on lui doit une nouvelle, intitulée Point de lendemain, et c'est tout.

Comment quelqu'un, qui n'a écrit, en tout et pour tout, qu'une nouvelle — qui plus est, une nouvelle libertine, genre qu'on peut qualifier de mineur dans la littérature (un peu comme le péplum au cinéma) —, une malheureuse nouvelle, donc, comment un tel auteur pourrait-il être estampillé du sobriquet flatteur de « plus grand styliste français » ?

Eh bien, au risque de vous surprendre, après avoir lu cette nouvelle, je partage totalement le jugement de Milan Kundera : c'est un français exceptionnel, un français comme on le rêve, mais surtout, une musicalité, une syntaxe, un emploi de la ponctuation qui est un vrai bonheur. Sans oublier une ironie, un double fond sous chaque mot, une tenue, une profondeur (bon, là, je sens qu'on va me taxer de grivoiserie, certes, il y a un peu de ça), une pétillance dans le propos : j'adore !

Ce qui me frappe dans le style de Vivant Denon, c'est d'abord, la cadence, le rythme : vous lisez de la prose, et pourtant, vous jureriez parfois qu'il s'agit de poésie. Ensuite, il y a l'emploi — très novateur pour son temps (peut-être fut-ce le premier ?) — des points de suspension à répétition. On sait que ceci sera popularisé par Colette puis repris jusqu'à l'overdose et institué comme marque de fabrique par Céline. (Notons également qu'Emily Dickinson, quelques années après Vivant Denon, utilise abondamment le tiret, ce qui, en syntaxe anglosaxonne, correspond à du point de suspension.)

Je n'ai pas l'impression d'avoir lu auparavant dans l'histoire littéraire un usage comparable de cette marque de ponctuation. Il y a aussi l'épiphore, la répétition volontaire, euphonique, l'écho musical de certains mots, qui marquent le rythme, en plus des virgules. Là encore, c'est magnifique. (D. H. Lawrence reprendra ce principe dans son écriture.)

Donc, vous l'aurez compris, Point de lendemain, c'est d'abord et avant tout un style, incroyablement raffiné, ça, c'est acquis. Mais c'est aussi, la relation d'un épisode, c'est aussi remarquablement bien observé, ces relations sans lendemain, ces étreintes sexuelles d'un soir, ces parenthèses dans nos vies, ces bouffées de sensualité auxquelles nous nous adonnons, une ou deux fois dans nos vies de jeunes adultes (un peu plus, un peu moins, selon les personnes, un peu plus jeune ou un peu plus vieille, selon le caractère ou les opportunités).

C'est exactement ça, et là encore, comme c'est bien observé, comme c'est bien dit, comme il suscite ou ressuscite ces sentiments en nous. Bon, je vous avoue tout de même qu'à elle seule, Point de lendemain n'irait tout de même pas, selon mes critères, jusqu'aux cinq étoiles, car j'ai déjà lu des nouvelles plus marquantes, plus impressionnantes, mais quatre, sans hésitation.

Toutefois, ce livre est un recueil de deux nouvelles. L'autre est l'oeuvre de Jean-François de Bastide et s'intitule : La petite Maison. On y retrouve un thème commun, ouvertement libertin, mais un traitement plus conventionnel. le style est agréable mais, à mon goût, un peu trop chargé sur les descriptions, qui deviennent parfois pléthoriques.

Le propos est également plus commun : en gros, comment un aristo en met plein la vue à une aristo, au travers d'un pavillon somptueux, véritable déclencheur de désirs, dans le but clair et évident de la trousser sur des coussins de soie, entourés de naïades et de dorures en tout genre. La femme savait pourtant à quoi s'attendre, mais… c'est là tout le charme de la petite maison…

Cette nouvelle, selon moi, est nettement inférieure à la précédente, même si elle se lit sans déplaisir. Ma note finale de l'ouvrage est donc une combinaison de ces deux ressentis. En tout cas, un petit livre qui vaut le coup d'être lu : c'est très rapide à survoler, ça n'engage pas à grand-chose, on en retire, au pire de l'indifférence, au mieux, une belle émotion littéraire. D'ailleurs ceci n'est que mon avis sans lendemain, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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« Va, crois-moi, le plaisir est toujours légitime ! » écrivait le poète libertin du XVIIIe siècle, Evariste de Parny. Cette courte nouvelle parait à la fin du XVIIIe siècle, époque contemporaine à la naissance d'une littérature sentimentale assez différente outre-Rhin : le romantisme du jeune Werther de Goethe.

Le plaisir va au-delà de la sexualité qui en réalité n'est pas décrite. Il y a un code de conduite libertin, des règles de séduction.
La séduction est un combat car il faut « triompher » de la vertu, et « vaincre » l'objet du désir. La séduction est imposée, on ne libertine pas sans se séduire, on ne donne pas sa chair avant ses voluptueuses et langoureuses joutes verbales, c'est à la fois une escrime et une danse enivrante, faite de chassé-croisé, voltiges, jeux de chats et de souris, d'embuscades et d'escarmouches que les partenaires doivent mener jusqu'à son terme.

« Propos gauches qu'il faut passer à deux êtres qui s'efforcent de prononcer, tant bien que mal, tout autre chose que ce qu'ils ont à dire. » Comme l'écrivait Roland Barthes, dans Fragments d'un discours amoureux, le langage des amants est comme une seconde peau, et dans le libertinage, je frotte mon langage contre l'autre. Alors parfois, il y a des formules maladroites, des excès de voix, des contresens qui aiguisent le fleuret de la conversation.

« La discrétion est ma vertu favorite ; on lui doit bien des instants de bonheur. » La discrétion est ambivalente dans le libertinage. Il faut être assez discret pour ne point risquer scandale de réputation et conséquences judiciaires mais pas trop non plus afin de pouvoir jouir de la jalousie d'autrui…il faut que les liaisons soient (un peu) dangereuses.

« La lune se couchait, et le dernier de ses rayons emporta bientôt le voile d'une pudeur qui, je crois, devenait importune. » A la faveur de la nuit, on ne distingue plus ni vertu, ni pudeur, ni morale, reste la beauté de la langue… dans toute la polysémie du terme.

Qu'en pensez-vous ?
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Vivant Denon, auteur du XVIIIème siècle écrit « Point de lendemain » en 1777. Il s'agit d'un court récit, une nouvelle d'une vingtaine de pages.
Un jeune homme de vingt ans se trouve au centre d'amours tumultueuses et de tromperies savamment manigancées par ses deux maitresses.
L'écriture de ce siècle est précise, poétique, elle enjolive les frasques libertines d'adultes consentants sans jamais basculer dans l'inconvenable.
Un plaisir de lecture immense, dommage que le récit soit si bref, on en redemanderait …
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Plus cocu que que le héros, tu meurs ! c'est l'histoire (assez tordue, il faut bien le dire) d'une femme qui trompe trois hommes : son mari, son amant, et un jeune homme qui tombe par malheur entre ses griffes, et ce pour que le mari ne découvre pas quel est son véritable amant.Une histoire qui à l'époque aurait pu finir sur le pré, sans l'habileté machiavélique de la dame.
On se prend à regretter le temps où les femmes ne travaillaient pas et défiaient le machisme ambiant plus sûrement qu'une DRH !
Et quelle écriture ! rapide, acérée, faisant mouche à chaque fois !
On connaissait Vivant Denon comme égyptologue et ami de Bonaparte, l' écrivain mérite d' être savouré. D'ailleurs, ne vaut-il pas mieux (surtout aux XVIII-XIXe s) être vivant de nom que mort de réputation ?
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Oui, c'est de la littérature libertine de la fin du XVIII ème siècle, mais sans manipulation, sans violence psychologique – du moins en apparence. La marquise apparaît comme une initiatrice des plaisirs, mais sans volonté de faire souffrir, ce n'est pas Mme de Merteuil. Cependant, il faut se méfier de cette marquise belle, intelligente, spirituelle, et qui donne dans le monde toutes les apparences de la vertu et de la fidélité... du moins, de la fidélité à son amant déclaré. Mais la fin savoureuse nous permet de comprendre que c'est elle qui tirait les ficelles et qui a manipuler les autres dans son intérêt. le Narrateur apparaît bien naïf et innocent, il se laisse emmener, enlever presque, par le carrosse de la marquise, sans vraiment poser de question et en consentant à tout pour découvrir le plaisir. Et comme lui, nous sommes emportés par cette écriture charmante, sans mot cru ni description osée, mais uniquement avec des allusions spirituelles dans une langue finement travaillée. Comme lui, nous voulons en savoir plus sur le charme d'un banc de mousse au clair de lune ou le temple au dieu amour dans le cabinet secret.
Un rapide petit plaisir de lecture au charme suranné.
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Citations et extraits (24) Voir plus Ajouter une citation
J’aimais éperdument la comtesse de *** ; j’avais vingt ans, et j’étais ingénu ; elle me trompa, je me fâchai, elle me quitta. J’étais ingénu, je la regrettai ; j’avais vingt ans, elle me pardonna : et comme j’avais vingt ans, que j’étais ingénu, toujours trompé, mais plus quitté, je me croyais l’amant le mieux aimé, partant le plus heureux des hommes. Elle était amie de madame de T…, qui semblait avoir quelques projets sur ma personne, mais sans que sa dignité fût compromise. Comme on le verra, madame de T… avait des principes de décence auxquels elle était scrupuleusement attachée.

Un jour que j’allais attendre la Comtesse dans sa loge, je m’entends appeler de la loge voisine. N’était-ce pas encore la décente madame de T… ? Quoi ! déjà ? me dit-on. Quel désœuvrement ! Venez donc près de moi. — J’étais loin de m’attendre à tout ce que cette rencontre allait avoir de romanesque et d’extraordinaire. On va vîte avec l’imagination des femmes ; et dans ce moment celle de madame de T… fut singulièrement inspirée. Il faut, me dit-elle, que je vous sauve le ridicule d’une pareille solitude ; puisque vous voilà, il faut… l’idée est excellente. Il semble qu’une main divine vous ait conduit ici. Auriez-vous par hasard des projets pour ce soir ? Ils seraient vains, je vous en avertis ; point de questions, point de résistance… appelez mes gens. Vous êtes charmant. — Je me prosterne… on me presse de descendre, j’obéis. — Allez chez Monsieur, dit-on à un domestique, avertissez qu’il ne rentrera pas ce soir… Puis on lui parle à l’oreille, et on le congédie. Je veux hasarder quelques mots, l’opéra commence, on me fait taire : on écoute, ou l’on fait semblant d’écouter. À peine le premier acte est-il fini, que le même domestique rapporte un billet à madame de T…, en lui disant que tout est prêt. Elle sourit, me demande la main, descend, me fait entrer dans sa voiture, et je suis déjà hors de la ville avant d’avoir pu m’informer de ce qu’on voulait faire de moi.
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Il en est des baisers comme des confidences : ils s'attirent, ils s'accélèrent, ils s'échauffent les uns les autres. En effet le premier ne fut pas plutôt donné qu'un second le suivit ; puis un autre : ils se pressaient, ils entrecoupaient la conversation, ils la remplaçaient ; à peine enfin laissaient-ils aux soupirs la liberté de s'échapper. Le silence survint, on l'entendit (car on entend quelquefois le silence) : il effraya.
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« La discrétion est ma vertu favorite ; on lui doit bien des instants de bonheur. »
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J’aimais éperdument la Comtesse de *** ; j’avais vingt ans, et j’étais ingénu ; elle me trompa ; je me fâchai ; elle me quitta. J’étais ingénu, je la regrettai ; j’avais vingt ans, elle me pardonna ; et comme j’avais vingt ans, que j’étais ingénu, toujours trompé, mais plus quitté, je me croyais l’amant le mieux aimé, partant le plus heureux des hommes.
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Le flambeau de l’amour me l’éclairait pour les yeux de l’âme, et le plus sûr des sens confirmait mon bonheur. Quand la crainte est bannie, les caresses cherchent les caresses : elles s’appellent plus tendrement
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[dix chefs d'oeuvre de l'érotisme]
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