Villas 50 en France

Le livre est composé de deux parties, la seconde proposant un répertoire des villas les plus emblématiques de l'époque, comme celle d'André Bloc, à Meudon, qui trône en couverture. La première, agréablement didactique, fait l'état des lieux de l'architecture dans un pays en pleine reconstruction, qui fait aussi face à l'exode rural et au baby-boom. C'est la modernité qui doit déferler dans une France vétuste, sans eau courante ni chauffage central. Mais une modernité sacrément tempérée par le conservatisme des habitants et des règlements très tatillons : les larges baies vitrées seront rétorquées par les assurances et la maison des jours heureux conçue par Jean Prouvé sera refusée pour manquement aux exigences de l'aération. Tandis qu'une certaine laideur standardisée naît aussi dans ces années-là, Raphaëlle Saint-Pierre montre comment une nouvelle façon d'habiter s'impose, dont les villas sont les témoins privilégiés. le cool (et aussi le prix désormais exorbitant du recours à la main d'oeuvre domestique…) impose un plan rationnel, débarrassé des espaces inutiles et facilitant la circulation. le luxe ne se montre plus dans le mobilier mais dans l'équipement, et les enfants ont désormais leur espace dédié (à côté de la chambre de bonne...). L'emploi du béton permet d'agrandir les surfaces, l'importance de l'extérieur est affirmée avec le prolongement de la maison par la terrasse et la recherche de l'ensoleillement. Toutes les demandes contemporaines en matière d'architecture sont déjà là, portées par les vannes ouvertes du crédit, l'influence des médias et les progrès techniques. Mais feuilleter ce beau livre c'est à la fois assister à la naissance de la modernité et constater l'essoufflement du modèle: nous sommes désormais en route pour trouver les recettes d'une sobriété qu'on espère heureuse.