Dans ce livre, publie en 1924,
Schnitzler se met dans la tete d'une femme. Il nous offre le monologue interieur d'une jeune fille de 19 ans, de peu de moyens bien qu'appartenant a la "bonne societe", qui, invitee par une riche tante, passe des vacances en Italie, a San Martino di Castrozza, une des stations estivales preferees des Viennois de l'epoque.
Une lettre-express de sa mere la met au courant de la situation desesperee de son pere suite a des dettes et des malversations inavouables, et l'enjoint de demander une grande somme a une riche connaissance qui se trouve en villegiature a San Martino lui aussi. le richard accepte, a condition que la jeune fille se denude devant lui. Et
Schnitzler de nous livrer la tornade de pensees et de sentiments contradictoires qui se dechainent dans sa tete. Grande tempete qui met a mal toutes les certitudes – ou soi-disant certitudes – de son education, de son existence jusque la. Doit-elle se "prostituer" pour sauver son pere? Et pourquoi son pere la met dans une situation pareille? Il n'y a que son honneur a lui qui compte, balayant sans scrupules son honneur a elle? Et sa mere, est-elle si naive en jouant les entremetteuses, ou la sacrifie-t-elle a l'autel de sa situation bourgeoise? Comment doit-elle agir? Et si elle accepte la condition deshonorante, comment affronter la situation en temps reel? Comment et ou se presenter devant le magnat lubrique? Toutes ses contradictions, tous ses doutes, toutes ses peurs l'ameneront, en un final grandiose, a convertir sa denudation en une affirmation desesperee d'independence, d'auto-estime et fierte retrouvees.
De nombreux critiques ont estime la profondeur avec laquelle l'auteur a reussi a cerner une psychologie feminine. Moi aussi, et en plus de ce "portrait interieur" je vois en ce livre un portrait de la "bonne societe" de son époque: ennuyeuse, superficielle, hypocrite, arborant les distinctions de classe et de fortune, sclereotisee par un corset de conventions sociales. Et un quantieme approfondissement de themes chers a
Schnitzler: l'erotisme et la mort.
Et c'est bien ecrit. le monologue d'Else est un flux de conscience, melant pensees logiques a d'autres qui le sont moins mais surviennent spontanement, et aussi a de courts dialogues, vu qu'elle rencontre du monde a l'hotel. Tout cela ajoute a la profondeur du portrait de la jeune fille, qui nous parait tour a tour intelligente et futile, arrogante et apeuree, bref qu'on a envie de gifler ou de prendre dans les bras, selon les pages.
Cherchez donc
mademoiselle Else. Allez la retrouver. Depuis 1924 elle ne s'est pas completement perdue. Elle est sauvee par chaque lecture.