De
Robert Seethaler, je n'ai encore lu que
le tabac Tresniek, je dois me rattraper sur d'autres titres déjà parus en français mais quand j'ai vu l'annonce de cette parution, un roman qui met en scène Gustav Mahler à la fin de sa vie, une vague d'impatience m'a soulevée. Avec mes complices Marilyne (qui a eu la chance d'entendre l'auteur en librairie et éclaire la lecture grâce à son interview) et Mina, nous avons décidé de programmer une lecture commune en ce début de printemps.
Sur le pont supérieur du navire qui le ramène en Europe après son dernier engagement au Philharmonique de New York, on a transporté Gustav Mahler, considéré comme le plus grand chef d'orchestre de son temps (il a vécu de 1860 à 1911). Il n'a plus guère de force, il sait que la mort est proche, lui dont la santé a toujours été fragile. Et pourtant, sur fond de roulis, de bruit des machines, comme sur un mouvement musical régulier, l'homme va se laisser happer par la contemplation de la mer et du ciel et convoquer les souvenirs marquants de sa vie d'homme et de musicien.
Souvenirs d'un petit enfant juif chétif qui a grandi dans une famille de quatorze enfants (jusqu'à ne mesurer qu'un mètre soixante quand même) et est devenu un immense chef d'orchestre de son temps et un compositeur dont l'originalité sera davantage reconnue après sa mort. Souvenirs de celui qui, après d'autres engagements, est devenu le directeur musical de l'Opéra de Vienne de 1897 à 1907, poste où il a osé engager des réformes qui modernisent l'opéra et la représentation musicale et où il a inlassablement bataillé contre les récriminations des musiciens et les critiques de tous bords. Souvenirs de l'époux d'Alma Schindler, celle que tous voyaient comme la plus belle femme de Vienne, qui l'introduira dans les milieux artistiques et qu'il épousera en 1902, celle qui finira par le tromper mais l'accompagnera jusqu'à la mort, celle qui lui donnera deux filles dont l'aînée Maria mourra de la diphtérie en 1907. 1907, l'année funeste où il perd sa fille, son poste de directeur à Vienne et où il apprend qu'il est atteint d'une maladie cardiaque incurable : trois coups du destin qu'il avait pressentis un an auparavant dans le finale de sa Sixième symphonie.
Dans le roman, Mahler est donc seul ou presque sur le pont supérieur du bateau et les souvenirs vont et viennent au gré du voyage. Un très jeune garçon de cabine s'efforce de prévenir au mieux ses demandes, un très jeune garçon engoncé dans un costume trop grand pour lui face à un homme aux sentiments ambivalents : Mahler se sent vieux, fatigué, il sent la mort approcher, l'ombre d'un oiseau blanc le hante mais il s'ouvre toujours à la vie, à la création musicale, il parvient à se tenir debout face à l'océan, accroché au bastingage.
La traduction est belle et poétique, qui évoque ces souvenirs heureux et malheureux, cette communion à la nature, à la mer et à la montagne quand Mahler passait ses étés à composer dans sa cabane. C'est une « nostalgie heureuse » qui imprègne les pages de ce court roman. J'ai beaucoup aimé la fin aussi, qui revient au jeune marin qui se souvient à son tour…
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