J'ai un aveu à faire, une bête lacune à confesser.
Voilà, je n'ai jamais lu
Stefan Zweig...
Pour être honnête, avant de dénicher par hasard le présent opuscule dans une de ces "boites à livres" qui fleurissent aujourd'hui partout, je ne connaissais même presque rien du bonhomme. C'est la honte, hein ?
Heureusement il n'est jamais trop tard pour s'instruire, et grâce à
Laurent Seksik je me coucherai un peu moins bête. Un peu plus déprimé aussi. Faut dire que les derniers jours de
Stefan Zweig ne furent apparemment pas les plus réjouissants... Exilé au Brésil, loin de son Autriche-Hongrie adorée et d'un Vieux Continent ravagé par la guerre, Zweig se morfond en assistant, abasourdi, au délitement complet de tous ses idéaux humanistes. le monde qu'il connaissait et chérissait n'est plus, il ne se reconnait pas dans celui qui vient.
"Il n'y a plus d'asile sacré, plus d'endroit fixe où habiter. La vie est désormais le lieu d'une éternelle errance. L'immémorial exode". (je vous avais prévenu, c'est pas folichon...)
Auprès de lui Lotte, en épouse aimante et attentionnée, fait son possible pour sauver le grand écrivain du marasme qui le ronge. Hélas ses efforts sont vains et l'on comprend vite que la succession de petites saynètes - un peu décousues mais globalement très noires et empreintes d'une grande nostalgie - que nous propose
Laurent Seksik, conduisent lentement le couple vers une issue fatale... On aura tout juste le temps, avant la funeste absoption de barbituriques, de revenir dans les grandes lignes sur la vie de
Stefan Zweig, lui qui fréquenta les plus grandes plumes de son temps (
Thomas Mann,
Rilke, Roth, Hesse,
Bernanos), lui dont le talent fit l'unanimité et lui que d'aucuns auraient volontiers désigné comme le porte-étandard naturel de la cause juive...
Un costume trop lourd à porter pour un homme fragile, inquiet, vulnérable, un homme qui prend soin de se tenir hors de portée du vent mauvais soufflant d'Allemagne, qui n'a pas de message à délivrer et "rien d'autre à dire au monde que les passions folles de ses héros", un homme que Lotte rassure en ces termes : "bien sûr que vous avez le droit [de vous laisser abattre]. Vous n'avez pas l'âme insensible des guerriers. Vous ressentez les choses plus douloureusement. Vous êtes écrivain."
Jusqu'au bout, Zweig le pacifiste cherchera refuge dans la littérature, et tentera de brosser le portrait d'une époque en train de disparaître, espérant que son dernier livre serve de témoignage, cherchant à "édifier une stèle au milieu des ruines".
Vaste programme...
Dommage (et bizarre) que ni l'écriture pourtant très soignée de
Laurent Seksik, ni l'hommage sincère qu'il adresse à Zweig n'aient résonné en moi comme j'aurais pu m'y attendre. temps sujet, difficile, se voulait pourtant poignant, mais moi qui n'aie rien a priori contre les biographies romancées, j'ai trouvé celle-ci trop parcellaire, trop resserrée sur les toutes dernières heures du couple, et trop axée sur des faits qui m'ont parfois semblé anecdotiques.
Un parti pris assumé par l'auteur, mais qui m'aura un peu laissé sur ma faim...