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sur 332 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Petit écho à Umberto.
En 1367, l'église ne sent pas la rose, et le prieur Guillaume charge deux jeunes frères dominicains de se rendre à Toulouse pour lui ramener du vélin, parchemin de luxe tiré de la peau d'un veau mort-né. Ils vont se faire tanner pour ramener la rame de papier. L'homme d'église ne veut pas se lancer dans les enluminures pour soigner ses majuscules mais pour révéler le destin du plus grand théologien de l'époque, Maître Eckhart, dont il fut le novice et compagnon de déroute.
Cet illustre mystique qui a vraiment existé et dont émanait, parait-il, un feu sacré, sans pourtant finir au bûché, a eu quelques démêlés avec les autorités ecclésiastiques de l'époque, qui lui firent un procès en hérésie pour avoir eu un peu trop d'influence spirituelle et pour avoir aussi un peu trop béguiné avec les béguines, ces femmes qui vécurent en communautés religieuses laïques le long du Rhin.
Le grand inquisiteur du Languedoc va chercher à contrarier l'écriture de ces mémoires, la révélation de certains secrets pouvant causer du tort à ses ambitions papales et un séisme au sein de l'église.
Je propose à tous les déclinistes de partir un faire un stage au 14ème siècle dans ce roman pour relativiser nos petits soucis actuels. Au programme des calamités : peste noire qui toucha un européen sur trois, famines à répétition avec une vague glaciaire, la guerre de Cent ans qui dura 116 ans (c'est un peu comme les 3 mousquetaires qui étaient quatre), pas de wifi, pas de retraite autre que spirituelle avec une espérance de vie de libellule et une Inquisition en avance sur son temps puisqu'elle décarbona ses barbecues en faisant de l'hérétique un bon combustible attisé par des larmes de repentir.
Antoine Senanque, qui a choisi comme pseudonyme le nom d'une magnifique abbaye Cistercienne, a habilement construit son récit en alternant les machinations du grand inquisiteur pour contrarier la rédaction des mémoires du prieur Guillaume et le parcours presque biblique de Maître Eckhart avec l'ombre de la peste noire comme châtiment divin. D'ailleurs, le récit du siège de Caffa par l'armée Mongole qui catapulta ses pestiférés derrière les remparts avant de plier boutique et yourtes est saisissant d'effroi. Ils ont inventé la guerre bactériologique.
Dans ce polar médiéval, l'auteur mêle bubons et goupillon, aventures à la bure et érudition, scapulaires et crapules, réalité historique et fiction. C'est passionnant de bout en bout, et même les paragraphes qui vulgarisent les théories complexes et arides de Maître Eckhart ne m'ont pas donné envie de bouffer du curé après le chapon.
Cette histoire s'amuse aussi des luttes d'influence peu glorieuses entre les Dominicains et les Franciscains, deux ordres mendiants qui n'ont pas le même maillot et qui muèrent leurs voeux d'humilité en résolutions de nouvelle année à l'approche d'une salle de sport et d'agités en lycra.
C'est aussi un beau roman sur l'amitié et la fraternité, thèmes qui climatise un peu l'enfer des fléaux de ce siècle.
Croix de cendre, superbe titre, sans égaler « le nom de la Rose », mérite copistes et enluminures.
Bon, je peux aller à confesse je crois.


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Partons au Moyen-Age du XIV ème siècle en 1367, 20 ans après l'épidémie dévastatrice de la Peste pour des aventures riches en péripétie en France , en Italie et vers les terres orientales , mêlant fiction et Histoire.

Depuis le monastère de Verfeil dans le Languedoc , le vieux prieur Guillaume envoie deux jeunes frères , Antonin et Robert de sa communauté de dominicains à Toulouse chercher des vélins, parchemins de qualité car il veut écrire ses Mémoires .
Les deux jeunes hommes sont ravis de quitter l'austérité du monastère , de parcourir les chemins et de découvrir la ville et ses tentations, ils y font la connaissance d'un jeune tanneur ...
C'est sans compter sur la surveillance de l'Inquisiteur, .Louis de Charnes, qui, inquiet des confessions à venir de Guillaume qu'il connait bien , fait emprisonner les moines .
Seul Antonin revient , Robert, lui, reste dans les redoutables geôles comme otage .

La partie suivante du récit concerne ces fameuses confessions que le prieur dicte à Antonin.

Il y raconte , en particulier, ses jeunes années où il a accompagné Maitre Eckhart, un dominicain lui aussi, grand théologue et philosophe allemand qui a publié de nombreux traités et sermons en latin, bien entendu, mais aussi en allemand, ouvrant la voie de la connaissance aux non-membres du clergé .
C'est un homme puissant, influent qui va se faire beaucoup d'ennemis dans la communauté chrétienne, ses discours prêtant à de nombreuses discussions intellectuelles , ses paroles pouvant être provocantes et la hardiesse de ses propos ont beaucoup choqué.
Il a également eu une grande influence dans les béguinages , ces communautés de femmes non religieuses qu'il aimait fréquenter . Elles ont été considérées parfois comme hérétiques, publiant des écrits et des poèmes souvent enflammés qui n'étaient pas du goût des hommes d'église qui traquaient le Libre Esprit et certaines d'entre elles ont fini sur le bûcher comme Marguerite Polete , évoquée dans le bon roman La nuit des béguines d'Alice Zeniter où il était fait mention déjà à Maitre Eckhart.

La pérégrination des deux hommes les entraine sur la Route de la Soie en 1347 vers l'Asie Centrale , ils arrivent dans le port de Kaffa en Crimée juste avant le siège par les mongols , siège qui va durer presque deux ans et qui se termine de façon tragique avec l'arrivée dans des circonstances morbides de la peste et qui sera suivie par sa dispersion en Europe ce qui fait partie intégrante des secrets révélés .

Entre ces récits dictés , les péripéties continuent pour les dominicains de Verfeil, Guillaume, son sacristain et compagnon de jeunesse , les jeunes moines et le tanneur créant dans l'adversité une forte fraternité dépassant les générations et qui leur permet de franchir les obstacles .

Le mélange entre un récit d'aventures au présent et celui au passé plus spirituel avec les échanges entre franciscains et dominicains et entre les contempteurs du Maitre Eckhard et ses disciples mais également les longs voyages du Maitre et de son disciple entre l'Allemagne, la France avec Avignon où siège le Pape et les routes de l'Orient rend la lecture passionnante .

Quelque soit sa foi, ses convictions spirituelles , les discussions philosophiques sont rendues abordables pour peu qu'on fasse l'effort de se débarrasser d'éventuels préjugés. Elles concernent , bien sûr, une époque lointaine et révolue mais les ambitions sous-jacentes, les jalousies, les trahisons sont intemporelles et facilement transposables .

Quant au "détachement" auquel aspire le Maitre Eckhart, on peut le rapprocher d'autres croyances ou pratiques actuelles ...

L'évocation des béguines prend une place non négligeable et montre bien qu'en cette période de Moyen-Age, certaines femmes pouvaient acquérir une indépendance et un pouvoir et qu'elles étaient craintes à défaut d'être toujours comprises .

J'ai beaucoup aimé ce roman qui m'a plongé dans une période qui me fascine et qu'Antoine Sénanque fait vivre avec talent et une belle écriture pour une épopée réussie .

Je remercie grandement les Éditions Grasset et NetGalley pour cette belle lecture .
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Les romans historiques dont l'action se déroule au Moyen-Age m'attirent, mais souvent le Moyen-Age n'est qu'un décor, une toile de fond pour une histoire qui pourrait tout aussi bien se passer à une autre époque. Là, tous les détails historiques sont en lien avec l'action, qu'il s'agisse du siège de Kaffa, des geôles de l'inquisition, du jardin de simples du monastère, de la fabrication des vélins, des béguines, des disputes entre franciscains et dominicains ...
Il n'y a pas vraiment une enquête au sens strict, mais le lecteur se pose vite beaucoup de questions et, comme Antonin, s'interroge sur le contenu des confessions du prieur Guillaume. Que peut bien vouloir confesser Guillaume qui justifie le luxe du vélin et l'intérêt de l'Inquisition ? le lecteur le découvre, par épisodes, car le prieur Guillaume sait ménager ses effets et garder ses secrets les plus importants jusqu'au dernier moment. Au passage nous voyageons beaucoup (France, Allemagne, Crimée, et même Italie), la plupart du temps à pied. Certes la langue employée n'est pas d'époque, heureusement d'ailleurs (le plus important est que l'état d'esprit et les mentalités le soient). Par ailleurs, c'est un roman très bien documenté, avec beaucoup d'érudition qui s'intègre parfaitement dans le récit au fil des nécessités de l'intrigue, par ailleurs passionnante. A vrai dire j'ai eu, tout comme les personnages, bien du mal à suivre la pensée de Maître Eckhart (personnage historique bien réel mort en 1328) . C'est sans doute à cause de cela que, malgré toutes les qualités que je trouve à ce roman, je ne me suis pas sentie emportée comme avec le Nom de la Rose.
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Une épopée historique avec un personnage réel, Maître Eckhart, qui nous ramène jusqu'au siège de Kaffa qui fut le point de départ de la Grande peste de 1348 qui ravagea l'Europe !

Envoyés par Guillaume, Prieur de leur monastère, survivant de Kaffa et de la peste, deux jeunes dominicains partent pour Toulouse afin de rapporter du vélin et de l'encre spéciale pour qu'il puisse écrire ses souvenirs, comme une confession, des périodes où il côtoyât Maître Eckart.

A Toulouse, l'Inquisiteur emprisonne l'un des jeunes gens pour que son ami lui transmette une copie de l'histoire de Guillaume !

L'auteur nous emporte dans des tourbillons de douleurs, de trahison et de haine mais aussi dans des instants de sacrifice de soi ultime pour Dieu ! Honnêtement ces moments m'ont semblés très longs, étant profondément rétive à cette rhétorique religieuse. Bien heureusement l'auteur a su s'arrêter avant mon désintérêt total, même si j'étais décidé à continuer la lecture car l'appréciais la plupart des personnages !

Mêlant réalité historique et fiction nous découvrons la vie du Prieur Guillaume aux côtés d'Eckhart et les derniers instants de celui-ci à Kaffa ! Ce roman a un côté policier qui n'est pas déplaisant et qui permet à l'attention de perdurer dans les moments plus ésotériques.

Antoine Sénanque dresse le portrait religieux de l'Europe au 14ème siècle avec ses dérives de tous genres, la création de béguinages où des femmes se regroupaient sans prononcer leurs voeux mais frôlaient bien souvent l'hérétisme. La Papauté était toujours à Avignon, les Dominicains s'affrontaient aux Franciscains et le trafic d'influence avait déjà atteint un joli sommet ! Bref, c'était bien repoussant, le seul but étant le Pouvoir !

Mon manque de spiritualité ne m'a pas empêché de profiter de cette histoire romanesque et intéressante, bien écrite et agréable à lire !

#Croixdecendre #NetGalleyFrance #rentreelitteraire2023

Jeux en Foli...ttérature XVIII
Challenge ABC des Titres 2023/2024
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Au monastère de Verfeil, à quelques kilomètres de Toulouse, l'hiver fut froid en cette année 1367. Même « les cierges grelottaient ».
Le livre s'ouvre sur un dialogue entre deux frères dominicains, certes victimes du froid mordant de ce mois de février, mais dont le vocabulaire ne correspond sûrement pas au langage utilisé à cette époque, qui plus est dans un monastère ! Mais mis à part ce petit écart qui nous éloigne un peu d'une période moyenâgeuse, ce roman est un pur dépaysement historique agitant dans son chaudron bouillonnant rivalités religieuses, amitiés fraternelles, écrit mystérieux, souvenirs redoutables, bactéries redoutables, ambition, hérésie, Inquisition… Avec une telle mixture, inutile de préciser que le lecteur doit rester vigilant, ne pas laisser passer les informations. Heureusement, l'auteur a une plume qui glisse aisément sur toutes ces données, nous laissant dériver sans trop d'efforts vers 1367 et ses précédentes années.

Retournons au monastère. Les poumons du prieur Guillaume lui donnent une respiration sifflante, ses jambes sont toutes congestionnées, autant de signes pour ne pas négliger plus longtemps le devoir d'écrire ses mémoires. Pour que celles-ci soient gravées durablement, il envoie les deux jeunes frères Antonin et Robert quérir à Toulouse du parchemin et de l'encre de grande qualité.
En périphérie de la ville la peausserie dégageait sa puanteur. À Toulouse, un attroupement se forme autour d'une maison abritant des lépreux, et, au détour d'une rue, des oblats intiment l'ordre aux deux frères de les suivre à la maison de l'Inquisition où Robert sera fait prisonnier, accusé d'avoir molesté un franciscain.
Ce n'est pas uniquement cet hiver-là que la bonté chrétienne entre franciscains et dominicains est de glace. Leurs doctrines diffèrent et où il y a différence, il ne peut y avoir d'entente.
Robert deviendra otage, et Antonin poussé à la traîtrise pour préserver la vie de son ami. L'Inquisiteur désire connaître l'histoire qui va être gravée sur le vélin. Pourquoi ces signes de cruauté, de perversité, pour de simples souvenirs d'un prieur ?
Même dans les prières Antonin ne peut apaiser la morsure de la trahison qu'il commet envers le prieur alors que son angoisse vis-à-vis du frère Robert ne fait que croître.
Sous les doigts d'Antonin, les pages du vélin se remplissent, lentement, sous la dictée du prieur qui parle de la peste, de son temps de novice au service du grand maître Eckhart. C'est cette figure, celle d'Eckhart, un maître en théologie mystérieux, troublant, qui va venir assombrir les confessions de Guillaume. Alors que Robert souffre en silence, dans un cachot à l'air vicié, victime de l'Inquisition, les mots se gravent, à la lueur des cierges, dans la chair du vélin. Des mots qui font défiler l'Histoire, avec toute l'intolérance et les batailles continuelles qui la peuplent et la peupleront toujours.
La puissance du gros inquisiteur, au nom de la soi-disant volonté de Dieu, est sournoise mais implacable puisque ses condamnations sont là pour purifier. Et ce sentiment de pouvoir ne se lâche pas...

Bien qu'au sein de couvents, rien de fraternel ne suinte des murs de cette histoire. Avidité et ambition sont en revanche bien présentes. C'est peut-être dans le jardin où les simples s'égayent que l'on trouve un peu de paix dans ce roman foisonnant. Il nous instruit sur de nombreux sujets comme les béguines, les sermons provocants et dangereux de maître Eckhart, les haines entre franciscains et dominicains, les hérésies ou tout ce qui était jugé comme tel... Une lecture instructive et aventureuse qui tourbillonne au fil des pages, dans un Moyen Âge qui ne manquait pas d'animation.
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J'avais pris ma plus belle plume et j'étais parti pour rédiger une très belle critique de ce très beau roman…puis me suis rendu compte que tout - ou presque - était déjà écrit par les babeliotes (c'est comme ça qu'on dit?) : fresque historique, histoire d'amitié, roman d'aventure, polar médiéval. Ce roman emprunte à plusieurs styles pour le plus grand plaisir du lecteur.

Alors pourquoi en rajouter? Ben parce que ça en vaut la peine pardi!
Croix de cendre est, sans aucun doute, un des plus beaux romans de la rentrée littéraire 2023. Il faut beaucoup de talent pour y apporter autant d'érudition, sans prétention ni vanité, tout en tenant en haleine le lecteur pendant plus de 400 pages. le talent, c'est celui d'Antoine Sénanque, auteur que je découvre à l'occasion, ancien neurologue chef de clinique qui décide de passer une licence d'histoire à l'aube de ses cinquante ans…

Moi qui n'ai jamais réussi à dépasser la cinquantième page de le nom de la rose d'Umberto Eco…je me suis laissé surprendre à m'intéresser aux querelles de théologiens du XIIIè siècle. Antoine Sénanque réussit le tour de force de mêler histoire et fiction pour nous faire découvrir des écrits vieux de plus de 700 ans.

Un grand bravo à cet écrivain qui est - je le répète - la plus belle découverte de l'année.
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Dans le monastère de Verfeuil, près de Toulouse, le prieur Guillaume décide d'écrire ses mémoires et pour cela envoie deux jeunes frères, Robert et Antonin acheter du vélin et de l'encre en ville. Ils sont heureux d'échapper aux rigueurs de leur ordre durant quelque jours, mais ne se doutent pas de ce qui les attend. L'inquisiteur de Toulouse a une dent contre Guillaume (et aussi contre le reste de l'humanité !) mais surtout craint les révélations du prieur, aussi séquestre-t'il les deux jeunes gens. Robert est emprisonné sous un prétexte futile et l'inquisiteur promet sa libération en échange d'une copie secrète des mémoires de Guillaume. Celui-ci comprend vite le marché et propose à Antonin de livrer une version édulcorée. Il se bat contre le prélat qu'il connaît depuis leur jeunesse et fera tout pour obtenir la libération De Robert, ce qu'il finira par gagner grâce à une ruse.

Le roman suit deux temporalités, d'abord le présent, en 1367 où l'on découvre les déboires De Robert et la lutte entre le prieur Guillaume et l'Inquisiteur. Ce dernier craint les révélations de son vieil ennemi qui risquent de contrarier ses ambitions papales. le manuscrit qu'Antonin rédige sous la dictée de son prieur nous ramène des décennies en arrière, quand il était novice sous la direction de maître Eckhart, d'abord à la Sorbonne, puis en Allemagne où le dominicain s'occupait de la direction spirituelle des couvents et des béguinages entre deux cours dans les universités. Son prestige était immense et a fini par déclencher les jalousies sur fond de querelles entre franciscains et dominicains. Les béguines sont incomprises, ou plutôt, ces femmes libres et pieuses font peur aux ordre, en particulier à l'inquisition, qui s'acharne contre elles et contre leur mentor. Eckhart ne voit pas le piège se refermer sur lui. Grâce à des citations sorties de leur contexte, on le soupçonne d'hérésie. Il ne sera jamais condamné, au contraire de ses écrits dont on traquera les copies.

L'auteur entremêle habillement Histoire et fiction, proposant une origine surprenante à l'épidémie de peste qui sévira en Europe en 1347/8. Elle commence au siège de Kaffa, en extrême Orient. Les combattants mongoles sont décimés par l'épidémie et abandonnent la ville non sans avoir envoyé leurs cadavres par dessus les remparts. Les personnages sont très développés et crédibles, les jeunes évoluent vers la maturité et les anciens règlent leurs comptes. Leur psychologie est fouillée, ils sont très vivants.

Un des aspects les plus intéressants du livre est la pensée d'Eckhart, très complexe et rendue accessible par l'auteur, ce qui n'est pas un mince exploit vu sa densité. Il prône un détachement absolu pour abolir la « distance de majesté » et se rapprocher de Dieu. La description des conflits dans l'Eglise est aussi passionnante. Les ambitions humaines relèguent Dieu au second plan et l'utilisent à leur profit, les hommes s'en servent au lieu de le servir. L'inquisiteur est un modèle du genre de cette foi dévoyée et fanatique. Il ne recule devant aucune ignominie pour assouvir son ambition. Mais on n'est pas dans un monde manichéen où il y aurait d'un côté des hommes bons et de l'autre un criminel. Eckhart et Guillaume ne sont pas des anges non plus comme on nous le révèlera à la fin. Un place importante est accordée aux femmes mais nous sommes à une époque charnière où le pouvoir masculin se renforce, ce qui se traduit par les persécutions dont sont victimes les béguines.

Ce livre entremêle différents genre avec brio : polar, roman historique, roman d'aventure. L'auteur maîtrise parfaitement son sujet et partage sa grande érudition. le sujet est original, je n'aurais jamais pensé trouver le célèbre mystique rhénan comme héros d'un polar historique. J'ai beaucoup aimé ce livre qui vaut vraiment le détour.

#Croixdecendre #NetGalleyFrance !
Lien : https://patpolar.com/
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Un secret à confier pour l'éternité et deux moines se lancent dans l'achat de vélin et le lecteur de Antoine Sénanque est au coeur du Moyen-Âge. Deux moines du couvent de Verfeil, Frère Antonin et Frère Robert, se voient confier la lourde tâche d'aller chercher pour le prieur Guillaume du pur vélin et des noix de galle pour faire de l'encre résistante et bien noire.

Sur leur chemin, les aventures vont leur offrir de quoi satisfaire leur curiosité du monde et par la même occasion, notre connaissance du leur. Non seulement, ils découvrent les ravages laissés par la peste noire, mais assistent au traitement des lépreux, puis aux méthodes très obscures de l'Inquisition.

Antonin, fils de médecin, et Robert de Nuys, fils d'Albert, valet de ferme, et non paysan car son père avait des terres qu'il travaillait pour son seigneur, sont liés par une amitié forte. À partir de là, les deux destins vont basculer. Et, Antonin va devoir connaître le secret de son prieur pour sortir Robert de la prison du mur debout dans laquelle le tient le grand Inquisiteur du Languedoc, Louis de Charnes, dominicain, précédemment cistercien à l'abbaye de Fontfroide.

Le Moyen-Âge de Antoine Sénanque
On est loin du tranquille Moyen-Âge représenté habituellement. Les odeurs sentent le rance mais aussi le sang séché ainsi que l'odeur des simples qu'il faut manier avec précaution pour uniquement soigner. Car, c'est aussi la mort qui, ici, est côtoyée, soit ce sont les cadavres catapultés sur une ville assiégée ou la tête d'une truie dont le crâne est évidé. Rien de la brutalité de ce monde, Antoine Sénanque ne nous l'épargne.

Outre le contexte historique d'une grande précision, Croix de cendre se découvre comme un roman noir et une enquête extrêmement bien menée qui va confronter le prieur Guillaume au grand Inquisiteur. La route de la soie et son comptoir de Kaffa et ses tartares, Antoine Sénanque prépare notre rencontre avec le grand théologien Maître Eckart.

Antoine Sénanque a perçu toute la modernité de ce dominicain, penseur du 13ème siècle, qui a prêché la décroissance et le dénuement face aux maux du monde, en l'occurrence en son temps, la peste noire. Mais, en permettant à la culture et aux connaissances de se diffuser dans la population en dehors des érudits, c'est aussi tout un projet de société qu'Eckart a voulu démontrer.

Ode à la connaissance pour tous
Ce roman historique et noir à la fois prend des allures de conte philosophique.
Seulement, Maître Eckart, trop précurseur, fut pourchassé par l'Inquisition et dû défendre lui-même son sort devant les différents tribunaux. Il mourut avant d'avoir reçu la condamnation du pape. La fin du XXème rétablira une autre vérité…Mais, quelle actualité pour nos maux d'aujourd'hui où les guerres saintes continuent, en leurs noms, à cacher les appétits de domination des hommes !

Au fil des pages, sont décrits la confection d'un manuscrit et le travail énorme du moine scripteur. Quel bel hommage à la littérature ! le tout est ponctué de tout le savoir sage sur les hommes, sur la vie et le monde que les réflexions d'Antoine Sénanque lui ont appris au fil de ses expériences.

L'ancien neurologue réputé, qu'est Antoine Sénanque, a glissé dans son roman des personnalités souffrant de handicap invisible. Là, on reconnaît une sorte de dyspraxie du seul ami, assistant de la Sorbonne, enfermant trop intensément l'objet de sa saisie. Ailleurs, c'est la dyslexie qui handicap le frère adopté par Eckart et Eckart, lui-même pour retranscrire ses écrits. Même le futur grand Inquisiteur a droit à l'empathie de l'écrivain pour expliquer son obésité.

Les femmes ne sont pas en reste dans ce milieu masculin. Antoine Sénanque présente les béguinages, où des femmes libres pieuses, religieuses ou laïques, se ressemblaient pour vivre en communauté. Mais que serait un grand roman sans son histoire d'amour, et Croix de cendre en raconte une, particulière certes, mais où le coeur en est envahi.

Déçue de ne pas voir Croix de cendre dans la dernière sélection du Goncourt… Car, moi, Croix de cendre de Antoine Sénanque m'a conquise !
Lien : https://vagabondageautourdes..
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Aventure médiévale. Inquisition et mysticisme au XIVème siècle.
De la Sorbonne à l'Asie Centrale, en passant par Toulouse, Cologne, les couvents, les monastères et béguinages, voilà un roman qui m'a fait voyager dans l'espace, le temps, et philosophiquement.

1367 - Deux jeunes frères dominicains sont envoyés à Toulouse, missionnés par le prieur de leur couvent pour lui rapporter du matériel pour l'écriture, vélin – parchemin luxueux - et encre de haute qualité.

L'histoire revient alors sur la grande épidémie de peste noire de 1348, terriblement meurtrière elle a décimé près de la moitié de la population.
« L'histoire que je vais te confier […], personne ne la connaît. Aujourd'hui, tous ceux qui pourraient en témoigner sont morts. »
De lourdes confidences, des mémoires couchées sur le précieux parchemin, que l'on découvre avec minutie.

Guerre, Eglise et différents ordres religieux, dominicains, franciscains, leurs querelles…
Inquisition, trahisons, mais aussi foi, amour, fraternité et secrets …

Lire la foi et la fraternité si profondes, la douleur et les souffrances endurées, les états d'esprit, la place de l'Eglise, replacés dans le contexte de l'époque, m'a beaucoup troublée, comme les ravages de l'ignorance et la soif de pouvoir et de domination, la noirceur et la perversité de l'âme humaine.

J'ai apprécié cette lecture qui me fût exigeante et instructive, remplie de réflexions liées à la pensée spirituelle, religieuse, et philosophique.
C'est un roman érudit, foisonnant, mêlant histoire et théologie, spiritualité et philosophie, personnages historiques et fiction.
Ce roman m'a amenée à faire quelques recherches sur Eckhart, l'Inquisition, les différents ordres religieux, afin de mieux apprécier ce roman.
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Antoine Senanque nous donne rendez-vous au coeur du Moyen-Age, auprès des moines dominicains.

Deux moines vont se retrouver dans une situation pour le moins déplaisante, l'un séquestré et torturé et l'autre devant trahir son supérieur pour sauver son ami.
Qu'est-ce qui pousse l'Inquisiteur à utiliser la torture pour découvrir ce que le grand Prieur à décider de dévoiler ?

au-delà de cette intrigue et de la relation d'amitié entre Antonin et Robert, on voyage beaucoup.
On découvre cette période d'après la grande peste, de grands voyages dictés par la foi, et des discussions philosophiques autour de celle-ci et des différences dans la croyance, tout en évoluant avec le monde.

Non seulement, l'auteur a une plume très intelligente, nous fait réfléchir, en apportant des réflexions théologiques, philosophiques mais nous emporte dans ce Moyen-Age très bien décrit, au carrefour d'un risque de basculement au sein de l'Eglise.

Malgré ces sujets qui peuvent faire peur, est écrit de manière très abordable sans étalage de vocabulaire, de croyances, de savoirs.
Un très beau roman de cette rentrée littéraire.
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