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2,98

sur 120 notes
Alexandre Seurat avait frappé un grand coup avec « La maladroite », premier livre encensé à juste titre.
Quand on m'a gentiment proposé de lire son nouvel opus « L'administrateur provisoire », je n'ai donc pas hésité un instant.
Le sujet, un jeune homme enquête sur le passé trouble de son arrière-grand-père, nommé administrateur provisoire des biens des juifs sous l'occupation. Un passé que toute la famille, grand-père, père, oncles et leurs conjointes préfèrent ignorer.
Un sujet fort donc.
Mais voilà, force est de constater que je n'ai pas accroché au style de narration de l'auteur. En attendais-je trop ?
Je me suis perdu, dans le labyrinthe des époques et des personnages, au point de ne plus savoir de qui le narrateur (l'arrière-petit-fils, donc) parle.
Mélangeant le passé du temps de l'occupation, celui des souvenirs d'enfance et celui du temps présent dans le même chapitre. Je passe sur le bisaïeul qui n'a pour patronyme qu'une lettre, le « H », et sur le frère, véritable fantôme qui hante le livre et dont je cherche encore aujourd'hui à comprendre la destinée.
Bref, autant le dire tout de suite, ce livre est une déception pour moi.
Mais ce n'est que mon modeste avis, peut-être suis-je simplement passé à côté…..
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Après une rencontre intéressante avec l'auteur à la fête du livre de Toulon en novembre 2016, son livre a patienté une quarantaine de mois dans ma bibliothèque, quelquefois il est bon de laisser attendre un livre, comme le vin, pour le déguster au meilleur moment.

Très riche dégustation que celle de l'écriture d'Alexandre Seurat sur un thème difficile, celui des mystères familiaux sur la collaboration de trop de français au génocide des juifs, quand le profit facile et spoliateur passe avant toute humanité, presque pire que la haine raciale des nazis qui, eux, l'assumaient.

La construction originale du livre d'Alexandre Seurat, qui a pu dérouter quelques lecteurs, m'a paru très réussie car, à travers la quête de l'arrière petit-fils de l'administrateur provisoire, c'est toute une progression dans les arcanes d'une famille qui va et vient, tantôt dans la pénombre des salons feutrés emplis de meubles anciens -- sont-ils biens de famille ou "prélevés" par cet homme? --, tantôt dans les cours d'immeubles désertes qui ont vu passer tant de valises remplies à la hâte de semblants d'espérance sur la route inconnue de Drancy, puis d'Auschwitz.

Les recherches de l'arrière petit-fils vont de l'exploration minutieuse des archives à travers le livre vert foncé de l'inventaire du Commissariat général aux questions juives, à la lecture du texte promulgué par un triste maréchal, avide d'un pouvoir illusoire, collaborant pleinement à liquidation des biens et des familles, en passant par le questionnement des oncles qui ont un peu connu ce grand-père austère et sévère, pointilleux dans les comptes des spoliations qu'il a réalisées et dont les crimes restèrent impunis.

L'alternance du propos d'Alexandre Seurat rend tout à fait intéressante cette tragique découverte des missions indignes de cet administrateur provisoire. C'est le genre de livre qu'il faut lire de temps en temps, pour apprendre si besoin, savoir et ne pas oublier.
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Peu après la mort de son frère, un jeune homme hanté par la Shoah, le narrateur apprend que son arrière-grand-père a été un collaborateur actif pendant la seconde guerre mondiale. Une famille bourgeoise aux liens distendus, un secret qui n'en n'est pas vraiment un, des aïeux à l'antisémitisme fossilisé dans le cortex, l'enquête sera historique et familiale.

C'est avec beaucoup de courage qu'Alexandre Seurat se tourne vers le passé et questionne l'Histoire pour mettre des noms sur le « travail » de Raoul H. administrateur provisoire chargé, sous Vichy, de recenser les entreprises détenues par des personnes d'origine juive , de les placer sous le contrôle du Commissariat, puis d'assurer leur vente forcée.

D'une écriture blanche et sobre, Alexandre Seurat dresse le portrait d'un monstre ordinaire, froid, rigide et sûr de son bon droit et d'une famille française devenue “amnésique”. Il décrit un enfer peuplé de petits fonctionnaires zélés qui ne font qu'appliquer la loi. Un livre émouvant, intime et universel.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Le secret de famille court sous les peaux, dans les ombres, d'une génération à l'autre, jusqu'à ressortir violemment à la quatrième avec la mort du plus jeune des deux frères.
C'est l'aîné qui parle.
Un télescopage de souvenirs, de phrases dites à mi-voix, de mauvais rêves, de regards un peu fuyants, le parquet grince, l'horloge tique-tac un peu trop fort dans les sentiments étouffés…

Nié, balancé de l'un à l'autre comme une patate chaude, le secret de famille dévoile son ignominie au fil de recherches faites par le narrateur, mettant en lumière l'arrière-grand-père et son activité d'administrateur provisoire pour le Commissariat général aux questions juives mis en place par le régime de Vichy afin de dépouiller les juifs de leurs biens.

On ne saura pas tout de cette famille ressemblant à tant d'autres, les quelques centre-quatre-vingt pages de l'ouvrage sillonnent la période de découverte du secret, de mise en mots du secret, d'appropriation du secret sans pour autant en éprouver de soulagement.

Les relations garderont ce rien de trop convenu, ce soupçon d'artificiel si habituel qui devrait détourner le regard de l'éléphant qui trône dans le salon.
Parce qu'un secret de famille, c'est bien un éléphant dans le salon, dont on dit qu'il n'y est pas, d'ailleurs on ne voit aucun éléphant alors…

Alexandre Seurat parvient, dans une écriture rêche et suivant un fil qui se dérobe sans cesse, à traduire le malaise du narrateur face au silence puis face aux mots.
Il nous le fait éprouver aussi, reprenant les expressions d'un antisémitisme "ordinaire", relevant la bonne conscience de l'arrière-grand-père à profiter de la situation pour s'enrichir.
Ce n'est pas une lecture confortable, c'est âpre, ça pèse. J'en ressors un peu groggy, un peu écoeurée aussi, mais avec beaucoup de considération pour la démarche de ce narrateur orphelin de son frère.
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« Loi du 22 juillet 1941 relative aux entreprises, biens et valeurs appartenant aux Juifs
publiée au Journal officiel du 26 août 1941.
Nous, Maréchal de France, chef de l'Etat français, le conseil des ministres entendu, Décrétons:
Art. 1. - En vue d'éliminer toute influence juive dans l'économie nationale, le Commissaire général aux questions juives peut nommer un administrateur provisoire à:
1. Toute entreprise industrielle, commerciale, immobilière ou artisa¬nale;
2. Tout immeuble, droit immobilier ou droit au bail quelconque ;
3. Tout bien meuble valeur mobilière ou droit mobilier quelconque,
lorsque ceux à qui ils appartiennent, ou qui les dirigent, ou certains d'entre eux sont juifs. »

Dès 1940, dans le but d'éliminer les Juifs de l'économie nationale, était nommé par un commissaire général aux questions juives un administrateur provisoire chargé d'exproprier les Juifs, de les exclure de différents corps de métiers. C'est la politique d'aryanisation économique : les biens sont vendus et « le produit de la vente bloqué sur un compte à la Caisse de dépôts et consignations. » Ainsi le capital juif est « sous contrôle ». L'administrateur provisoire doit cependant « verser des subsides à son administré au cas où cela s'avérerait absolument indispensable. » C'est lui qui décide : « Article 7 : L'administrateur provisoire doit gérer en bon père de famille. »
Les malversations sont nombreuses, les administrateurs cherchant à faire du bénéfice, à voler, à spolier. Les familles se retrouvent à la rue, sans aucune ressource, puis souvent déportées.

On connaît ce pan sordide de l'Histoire mais on ignore souvent que ces faits ont donné lieu à la création d'une fonction spécifique : celle d'administrateur provisoire. Il y en a eu, paraît-il, environ dix mille sous Vichy. Je n'en avais jamais entendu parler. Ce ne sont pas des êtres de fiction. Ils ont existé, il y a des documents, aux archives.
Impensable.
Ils agissaient au nom de la loi, devaient se sentir droits dans leurs bottes, accomplissant avec minutie, comme n'importe quel employé, leur petit travail quotidien, s'appliquant à bien tout noter sur leur petit carnet noir.
Je reste muette de stupeur. Pas de mots. Revenons au livre…

C'est l'histoire d'une famille : les arrière-grands-parents, les grands-parents, les parents, les oncles, les tantes et les enfants. Ils sont deux, deux garçons. L'un vient de mourir : suicide certainement… On ne sait pas. Il avait en lui un mal-être insurmontable, il était « hanté par la Shoah ». Il disait avoir une bombe en lui. le narrateur, son frère, ne comprend pas bien. Il sent. Il sent que quelque chose ne tourne pas rond dans cette famille, que quelque chose n'a pas été digéré, ne passe pas. Comme un secret qui pèse, écrase et tue. Des chapes de silences hantent les conversations, les non-dits sont rois. On sous-entend, on suggère, à demi-mots. L'ambiance est étouffante.
C'est Pierre, l'oncle, qui dira que son père, le grand-père du narrateur, était revenu d'un oflag, camp de prisonniers de guerre pour officiers, en décembre 1941. Il avait des appuis certainement. Des appuis ? Lesquels ? s'étonne le narrateur. Raoul H, l'arrière-grand-père, « un sale type » ajoute Pierre « qui a fait partie du Commissariat général aux questions juives. »
Un semblant de clarté se fait soudain dans l'esprit du narrateur, il comprend et repense à son frère. A lui maintenant, pour ce frère qu'il aime, de sortir ce Raoul H de l'ombre, de savoir qui il était et ce qu'il a fait, précisément. Il mérite d'être jugé, il le sera dans le tribunal intérieur du narrateur qui lui fera son procès. le garçon aura-t-il le courage d'aller jusqu'au bout de son enquête, de poser des questions à ceux qui renvoient tout ça au passé, à ceux qui disent « en quoi ça te concerne cette histoire ? » ou « à quoi bon ? », ou encore « C'est amusant que tu t'intéresses à ça », aura-t-il le courage de fouiller le passé, d'en exhumer le pire, l'insupportable, l'indicible ?

Je n'ai pas posé une seule fois le livre d'Alexandre Seurat, je l'ai lu d'une traite, en retenant mon souffle, découvrant petit à petit, comme le narrateur, ce passé impossible, inimaginable, ce Raoul H, inventeur de l'altamètre, appareil de calcul permettant de mesurer la hauteur des arbres, homme terrible, pointilleux, inflexible, ne lâchant rien, quel que soit le domaine… « Une fois qu'il tenait quelque chose, il ne le lâchait pas » dira l'oncle Philippe. On imagine ce que cela donnera quand il deviendra l'administrateur.
« C'est comme un corps à corps : c'est entre lui et moi. Je sens bien qu'il est là, quelque part, mais sans que je sache où, bien tranquille, silencieux, sûr de lui, certain que je n'ai pas les moyens de le rejoindre. »
C'est un combat, une lutte, il y aura un vainqueur et un vaincu. le frère est déjà mort. Il reste le narrateur…
A travers cette écriture sobre, précise, essentielle et silencieuse, Alexandre Seurat nous propose un livre bouleversant, d'une force incroyable, soigneusement documenté, qui met à jour des pans plus ou moins connus de l'Histoire du XXe siècle que l'on découvre à travers le quotidien d'un homme banal comme il y en avait tant, nommé par un prénom et une initiale, espèce de petit bourreau anonyme. Placés sous la loupe grossissante de la vérité, éclairés par la lumière de la justice, ces hommes tirés de leur ombre tranquille sont enfin jugés pour ce qu'ils furent : des criminels.
Poignant et nécessaire !

Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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Une écriture déconcertante.
Au bout de quelques pages, j'ai dû poser sur le papier l'arbre généalogique de la famille pour mieux me repérer.
On trouve :
L'arrière-petit-fils, narrateur interne, tour à tour adulte, petit, adulte...
Son frère , qu'on voit enfant , plus grand , décédé, mais de quoi ? Hanté, étouffé par la Shoah , probablement.
Sa mère, son père,
Les oncles maternels:
Jean marié avec Anne,
Pierre marié avec Elisabeth,
Philippe, marié avec Clotilde,
Puis le grand-père Jacques, lui a été prisonnier de guerre en 40, la grand-mère qui termine ses jours en maison de retraite,
Et enfin l'arrière-grand-père Raoul H, qui a épousé Henriette , héritière d'une famille d'industriels, résidant au château De Beauvoir. Lui, c'est un homme « très bien, très intelligent ».
Le narrateur, apprend, par bribes que son bisaïeul a été en 1941 administrateur provisoire. Mais les renseignements recueillis auprès de ses oncles s'avèrent succincts et volontairement vagues. Par ailleurs, il est intrigué par l'attitude de sa mère qui témoigne envers la communauté juive bien plus qu'un intérêt, un réel engouement.
Ses recherches dans les archives du Commissariat général aux questions juives vont confirmer cette information. Raoul qui a peut- être été forcé d'occuper cette fonction pour faire revenir son fils de l'oflag (camp destiné aux officiers prisonniers pendant la seconde guerre mondiale) va continuer à assumer son rôle bien au-delà de la libération de son fils. Il découvre même, que Raoul n'a pas exercé ce mandat en toute honnêteté, en bon père de famille » : ses recherches pour la mise au point et la commercialisation d'un dendromètre (instrument pour mesurer les arbres) , s'avérèrent certainement coûteuses...
Ce livre se construit par des analepses, des prolepses successives, rendant la lecture quelque peu compliquée. Et puis, il y a l'esprit des disparus, ces juifs spoliés, expulsés, déportés, exterminés qui vient hanter le narrateur , qui vient nous percuter , nous aussi, peut -être coupables par générations interposées ?
Au final, un sujet intéressant permettant aussi de mieux appréhender le rôle de ces administrateurs provisoires.
Un roman pour mettre en scène de façon originale , prégnante ce que fut cette période noire, car il faut toujours écrire, raconter, et lire pour dire non à l'oubli.
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En librairie le mercredi 17 août. Merci le Rouergue pour cette avant-première.

Alexandre Seurat nous avait séduit avec son premier opus "La maladroite", où avec beaucoup de délicatesse il avait redonné vie à la petite Marina S. Et à tous ces enfants martyrs.
Sans pathos, juste avec une plume pudique et précise qui amène le lecteur à réfléchir et ne pas oublier.

Ici il aborde un sujet tout aussi délicat et il use du "je" car c'est d'un secret de famille, de sa famille ,dont il va nous parler, secret qui rejaillit sur les générations futures sans que rien ne semble pouvoir en arrêter l'impact.

Un cercueil, celui de son frère, une famille réunit pour la circonstance, c'est à dire les grands évènements, mais des liens lointains, disparatres...C'est son oncle maternel qui va essayer de lui parler de ce que personne n'a verbalisé depuis des générations. Son frère savait il en est mort, mort même de son vivant.
La première scène place le lecteur non pas en voyeur mais en acteur.
Comme l'auteur je reçois en pleine face ce secret et je cherche à savoir.
Mon cerveau est en éveil mais mon coeur est plombé par l'éclatement de cette bombe comme se nommait lui même le frère.

Enquêter dans sa propre famille, la chose n'est pas aisée car les informations tombent par bribres et se terminent inexorablement par "c'était comme ça, à l'époque".
Un universitaire va lui donner la clef pour faire de vraies recherches : l'inventaire du commissariat général aux questions juives (CGQJ) cote AJ38.

A partir de là ...
Loi du 22 juillet 1941 relative aux entreprises, biens et valeurs appartenant aux Juifs
publiée au Journal officiel du 26 août 1941.
Art. 3. - La nomination de l'administrateur provisoire entraîne le dessaisissement des personnes auxquelles les biens appartiennent, ou qui les dirigent.
L'administrateur provisoire a de plein droit, dès sa nomination, les pouvoirs les plus étendus d'administration et de disposition; il les exerce aux lieu et place des titulaires des droits et actions, ou de leurs mandataires, et, dans les sociétés, aux lieu et place des mandataires sociaux ou des associés, avec ou sans leur agrément.
Ses pouvoirs s'étendent à la totalité ou à une partie seulement de l'entreprise.
Ce ne sont plus des mots mais des actes qui prennent une forme familiale mais non famillière et un choc non amorti par le nombre de ces "administrateurs", l'oppression nous enveloppe. La distance avec les parents, l'incompréhension des non-dits et des "c'était l'époque" se creuse de façon abyssale. Les amis eux trouvent que cela ne le concerne pas, que le passé est passé...Mais pour lui les fascites ne sont pas morts...
Le dépouillement de ces archives c'est comme s'attaquer à mains nues à la démolition de roches sédimentaires, celles du Souvenir.
Alexandre Seurat conduit le tout avec une finesse tant psychologique que stylistique. Un texte nu, concis d'une force éblouissante qui nous interroge sur le sentiment de culpabiité. Une véritable réussite sur un sujet difficile d'une acuité solennelle.
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Mi-roman, mi-documentaire, « l'administrateur provisoire » nous entraîne dans un va-et-vient entre l'Occupation et notre monde contemporain. le narrateur part sur les traces de son arrière-grand-père. Cette quête le mènera aux archives du Commissariat général aux questions juives. Quel fût le rôle de son aïeul dans ce mécanisme de spoliation ? Comment les actes de nos ancêtres infléchissent-ils nos vies ? le poids de leurs actions pèse-t-il toujours sur les nôtres ? Est-il possible d'échapper à cette sorte de malédiction ?
Entre silences, non-dits et émancipation, les personnages tentent de trouver leur propre vérité. le lecteur découvrira surtout ce dispositif d'Etat qui a permis en toute légalité la confiscation des biens juifs français durant la Seconde guerre mondiale.
Si la partie romanesque reste un peu maladroite, la rigueur et l'intérêt du versant documentaire, pour glaçant qu'il soit, demeurent quoi en soit indispensable et salutaire.
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Seurat Alexandre – "L'administrateur provisoire" – Rouergue, 2016 (ISBN 978-2-8126-1104-9)

Selon une technique fort à la mode en ce moment, l'auteur produit ici ce qu'il est convenu d'appeler une "docufiction" ou encore un "roman documentaire".
Si j'ai bien compris, le procédé consiste d'une part à fouiller un dossier historique réel
– ici celui du collaborateur Raoul H. ayant réellement existé et contribué en tant qu'administrateur provisoire à l'accaparement des biens des citoyens de confession judaïque dans le cadre de l'aryanisation de l'économie prônée et mise en oeuvre pendant l'Occupation nazie de 1940-1945 –
tout en y intégrant d'autre part une dimension romanesque aussi proche que possible d'une situation qui pourrait exister
– ici la quête de l'arrière petit-fils de ce Raoul H. découvrant le passé de son aïeul et se confrontant au silence entretenu sur ce point dans la famille (on retombe ainsi dans un grand classique, le thème du secret familial honteux que le héros veut dévoiler).

Jusque la moitié environ du récit, j'ai trouvé ça bien ficelé, après quoi j'ai trouvé ça justement beaucoup trop bien ficelé, et cela m'a fortement déplu. D'abord parce que ça sent le travail millimétré de l'écrivain qui tient à instiller tant et tant de doses de tel ou tel sentiment en recourant à tel ou tel procédé littéraire, ensuite parce que l'auteur finit par en faire trop (le personnage du frère, par exemple) en accumulant trop de procédés d'écriture.

Ma désapprobation vient peut-être du fait qu'appartenant à la génération d'après guerre, je n'aime pas du tout que l'on construise un si tant plein beau récit à partir de cette horrible réalité que fut la "kollaboration" dans la chasse aux juifs : cela me fait penser à tous ces photographes de presse qui s'acharnent à produire de si belles photos si tant plein dramatiques de la misère des autres, dans le but de construire leur propre renommée si ce n'est leur fortune.

Mais l'auteur appartient à une génération bien plus jeune que la mienne, il est né en 1979. de surcroît, Wikipedia m'apprend qu'il serait le fils de Michel Seurat (1947-1986), qui fut enlevé puis séquestré au Liban par le Hezbollah, jusqu'à sa mort puis la restitution de ses restes vingt ans plus tard, en 2005. J'imagine combien un tel fardeau doit peser lourdement sur la jeunesse d'un être humain, c'est pourquoi je ne formule qu'une appréciation toute relative puisque totalement subjective.

Ceci étant, il me semble que – sur cette même période historique – Fabrice Humbert (à peu près du même âge) se montre nettement plus convaincant et mieux inspiré dans son roman "L'origine de la violence".
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Extrêmement déçue par ce roman écrit par l'auteur du brillant "La maladroite", qui m'avait positivement bouleversée et prise aux tripes. Ici, je n'ai pas retrouvé cette puissance d'écriture. En outre, le sujet et son traitement (une quête d'un narrateur parti fouiller dans des secrets de famille, avec mélange de culpabilité, d'autoanalyse, de fouille historique) commencent à être vus et revus, la mayonnaise ne prend plus chez moi.
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